L’Histoire sert ici de support au récit d’une histoire inventée de toute pièce qui met en lumière l’influence des caractères individuels sur le cours d’événements globaux. Moins esthétique que le premier opus, « 300, la naissance d’un empire » verse dans le gore pour tenter de concurrencer son prédécesseur en termes de virilité. Vouloir agir ainsi était puérile et a affaibli un film qui se laisse pourtant regarder. Il faudra trouver ailleurs une raison de s’y intéresser particulièrement, au niveau du débat philosophique qu’il développe par exemple sur la démocratie ou des relations qu’hommes et femmes entretiennent entre eux, ces deux thématiques se chevauchant parfois au sens propre du terme. J’y reviendrai.
La vraie histoire : la démocratie athénienne s’est immiscée dans les affaires perses en soutenant la révolte de Ioniens qui voulaient se libérer de la tutelle impériale. En défendant la liberté de ce peuple à l’ouest de la Turquie, où se situe d’ailleurs le récit mythologique de la Guerre de Troie, Athènes défendait ainsi son modèle de cité libre, tout en voulant étendre sa sphère d’influence. Toute ressemblance des politiques actuelles, n’est pas du tout le fruit d’un hasard. Vexés, les Perses ne pardonneront pas aux Athéniens leur ingérence, et voudront se venger de leur cité. Ils enverront un contingent assez important pour surpasser les forces grecques, mais seront défaits à Marathon par les Athéniens seuls qui n’auront pas attendus des Spartes occupés à leurs fêtes religieuses. Ces derniers, vexés à leur tour de n’avoir eu part au combat, se feront fort de contenir la deuxième invasion perse 10 ans plus tard. C’est l’histoire des Thermopyles, où Léonidas 1er retardera des centaines de milliers d’hommes avec quelques uns de ses hoplites avant que les cités grecques ne s’unissent.
Trahi par Callidromo, lui et ses équipiers mourront en héros. Voilà l’objet du premier film réalisé par Zack Snyder, et qui est une véritable réussite émotionnelle. Le deuxième film, lui, s’étend sur les exploits athéniens précédent ce fait d’armes et ceux qui suivront. Il défend non plus l’idée de courage mais celle de liberté et de démocratie. Ainsi nourrit-il un débat plus qu’une émotion, et voilà donc sous quel angle il doit être analysé.
300, la naissance d’un empire : mâle démocratie contre imperfections de la démocratie
A une époque d’esclavage et où seuls les hommes avaient le droit de vote, le scénariste identifie la démocratie à un mâle : Thémistocle. C’est une des faiblesses de l’intrigue. Cette conception particulière de ce système politique ne correspond pas du tout à ce que nous vivons actuellement, où une majorité de votants, sont des votantes au sein de notre suffrage universel. Cependant, cette dialectique permet de comprendre un des aspects fondamentaux de notre monde en général : la décision politique et la défense de la liberté, doivent être mâles pour que la société soit viable. Cet homme qui défend l’idée de liberté fait donc face à une femme qui défend elle, à travers l’empire perse, l’idée de liberté absolue, qui n’est que l’envers de la tyrannie. Les deux personnages sont dans leurs rôles sexués. Le privilège des hommes est celui des règles, des limites et du droit. Celui des femmes d’un pouvoir né de relations personnelles fusionnelles qui à un niveau politique devient, avec le temps, absolutiste.
Les origines du mal dans ce film
Artémise 1ère, puisqu’il s’agit d’elle, est née au sein de la démocratie athénienne, mais violée par des hoplites durant une bonne partie de son enfance, récupérée par un bon samaritain noir et perse, elle va se retourner contre le pays duquel elle est originaire. Il faudra souligner ici combien l’allégorie antiféministe est lumineuse. Elle nous rappelle qu’une bonne part du contingent de féministes de notre société est alimenté par les sévices que certaines d’entre elles ont subi. Combien de filles violées, combien de filles mal aimées dans leur famille, sans père ou avec un père défaillant, s’enferment dans leur haine des hommes et augmentent ainsi la cohorte de folles qui veulent détruire notre société. Artémise en est l’image, mais contrairement à celles que nous connaissons, sa haine ne l’a pas marquée physiquement et elle est belle, d’une beauté ravageuse dont elle se sert comme d’une arme pour arriver à ses fins.
Combattante aguerrie dans le maniement de l’épée, il faut y voir pour la crédibilité de film, non pas la possibilité que les femmes aient de pouvoir rivaliser physiquement avec les hommes, mais une allégorie de leur immense force morale qui peut faire plier les circonstances matérielles.
Féministe 1ère, n’a donc qu’un but en tête : détruire la société athénienne qu’elle identifie au mal. Elle s’est faite initiée par un étranger, noir, qu’elle identifie au bien, et va se servir de ses pouvoirs pour opposer la société perse à Athènes.
Quand Darius, l’empereur perse, meurt de par la flèche de Thémistocle, il intime pourtant à son fils l’ordre de ne pas poursuivre de sa haine revencharde les auteurs du crime. Comme nombre de ses contemporains, il est superstitieux. Les dieux ne veulent pas le voir vaincre, et s’entêter serait aller au devant d’ennuis sans fin pour son peuple.
Seulement, Arthémis ne l’entend pas de cette oreille. Si les dieux ne veulent pas de la victoire perse, il faut que le fils de Darius devienne un dieu vivant et force ainsi le destin. Usant de ses pouvoirs de femme, elle lui donne alors le boulard, elle le valorise à l’excès pour qu’il devienne l’arme de sa vengeance. Pour arriver à ses fins, elle va détourner les paroles de Darius pour retourner le cerveau du fils, le transformant en une sorte d’oenuque imberbe et d’apparence homosexuelle.
En même temps, elle lui fera croire en sa toute puissance, en même temps, il ne sera qu’un pantin asexué à son service. Image du chevalier maman féministe ou du fils homosexuel sous l’emprise de sa mère symbolique, il personnifie à lui seul, de nombreuses images de mâles dégénérés.
D’ailleurs quand Xerxès, aura l’outrecuidance de s’opposer à ses décisions, et lui fera valoir son statut de dieu vivant, elle se moquera tout net de son avis et poursuivra dans ses idées vengeresses sans tenir compte aucunement de l’opinion de son soit-disant dieu. Entre la gay pride et sa haine, une féministe choisira toujours sa haine. Le film révèle combien les intérêts des uns et des autres s’opposent en vérité et combien cette alliance n’est que le fruit d’une convergence de considérations fragiles.
Face à Artémise 1ère, Thémistocle
Représentant de ce que la démocratie athénienne a de meilleur, Thémistocle est le pendant masculin d’Artémise. Compétent, ingénieux, courageux, il invite des hommes trop humains à croire en leur liberté, malgré tous les obstacles matériels qui leur font face. La démocratie est une idée qui doit être défendue. Cette défense a un prix. Elle ne peut se faire sans une forme de sacrifice. Le frère doit protéger la liberté du frère, quitte à donner sa vie pour lui au combat.
En filigranes, nous pouvons comprendre d’où la démocratie tire sa supériorité et sa faiblesse intrinsèque. Chacun de ses membres est jugé légitime à verser des fleuves de sang en toute bonne conscience au nom de la défense de ses intérêts. Dès lors, la démocratie ne peut être viable qu’en étant mâle, car quand elle devient femelle, elle oscille entre vacuité et totalitarisme.
Ce combat entre prédominance des valeurs féminines ou masculines, Thémistocle va le vivre intérieurement. Car Artémise, en représentante des femmes, tentatrice de toujours, va lui faire une proposition alléchante pour le faire douter de son engagement. Et voilà le nœud du film qui va se matérialiser dans une scène de sexe, plutôt ratée esthétiquement, mais très signifiante au niveau du scénario : qui va prendre le dessus du désir de confort ou de liberté, chez l’un ou chez l’autre.
La femme invite l’homme dont elle a senti toute la force, à rejoindre son camp. Elle sait qu’avec lui qu’il n’y aurait plus aucun frein à son pouvoir. Perversion toute féminine de l’idée de liberté, la liberté absolu qu’elle lui propose s’y oppose totalement. Pour elle, en suivant nos désirs individualistes, nous pourrions nous réaliser. L’essence du libéralisme quoi. Mais comme celui qui a fait un tout petit peu de philosophie le sait, la liberté se conquiert de haute lutte morale, et non dans un vil laisser aller.
Or, la compétence de Thémistocle le pousse à considérer sa liberté comme ayant plus de valeur que son intérêt individuel. Elle est en tout cas assez enracinée dans son être pour qu’il refuse la proposition d’Artémis. Dans cette scène de sexe où il est difficile de savoir qui va baiser l’autre, où l’affrontement entre hommes et femmes et la recherche de domination sont magnifiés dans des retournements suggestifs, il refuse la trahison, et recule aussi devant un viol qui le condamnerait. Artémise n’ayant pas obtenu ce qu’elle voulait, le rejette, et va opposer le feu de ses armées à la rectitude d’un partenaire jugé impuissant en ce qu’il n’a pas accepté de céder à ses avances. Cependant, notre Thémistocle fera valoir sur elle un vrai phallus, celui de la justice, en la dominant dans le combat.
Dans l’Histoire, il conduira Xerxès en erreur en lui faisant croire à une trahison de sa part. La démocratie sera sauvée par l’aveuglement du totalitarisme qui ne voyait qu’en termes d’intérêts matériels. Le film lui, défend l’idée que la démocratie ne vit que par refus de l’homme de se laisser corrompre, par la femme. Thémistocle est célibataire, il n’a ni femme ni enfant, et pourrait très bien céder à la sirène d’une salope pour assouvir son désir de descendance. Au contraire, il fait le choix de la masculinité, envers et contre tout, et sauve ainsi son pays, en étant imperméable aux femmes. A la fin, il plonge sans aucun remord sa lame dans le ventre d’Artémis, tandis que cette dernière entrevoit sa défaite totale dans l’arrivée des bateaux spartes qui rejoignent la coalition. Pour sauver la démocratie, il n’y a qu’une manière de faire : abattre les personnes qui défendent l’idée féministe.
Les Spartes en viendront à s’allier aux Athéniens de par la volonté très symbolique de la femme de Léonidas 1er, Gorgô, de venger son mari tué à cause du désir de représailles d’une autre femme, Artémise. Ainsi peut-on dire qu’une épouse aura fait pencher la balance en faveur de l’homme garant de la liberté de la cité, et que le bien vaincra non par la haute considération que les hommes en ont, mais à l’issue d’une lutte entre des sentiments personnels très féminins. Dans toutes les sociétés, les hommes sont en minorité, et pour exercer leur juste puissance, ils ont besoin de l’assentiment d’une majorité de femmes. Là encore, l’intervention à l’épée de le reine Gorgô est un peu ridicule, mais il matérialise un grand pouvoir féminin qui s’exerce surtout de manière sentimentale.
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