Ebranlée de tout son corps, comme happée dans une autre dimension, Marie se tenait debout de toute sa fragilité devant ce charpentier massif et rugueux. Son corps irradiait et ses vêtements semblaient d’une blancheur éclatante malgré les quelques couleurs qui parsemaient de ci de là sa tunique bleutée. Joseph s’approcha. Il la fixa d’un désir plus grand que ce dont il n’avait jamais été capable auparavant. C’était comme s’il venait de renaître, plein d’une nouvelle vigueur, vert, fort, puissant malgré l’âge. Plus sûr que jamais, il s’approcha du visage de la sainte et lui effleura le coin des lèvres. Rien n’était donné, rien n’était pris. Il se retira et lui dit « Ceci est le gage d’un amour plus grand que le mien, le sceau indéfectible de notre alliance qui vient d’un autre que moi. » Marie accueillit de tout son être ce serment. Déjà son corps et ses pensées lui échappaient. Elle avait cédé à une parole divine prononcée par un être de chair. Mais plus encore, elle avait acquiescé à sa mission profonde. Eduquée depuis la plus tendre enfance dans la vénération de Dieu, protégée du monde pervers au sein du temple de la Loi, ses premières règles l’avaient sanctifié en tant que femme. Inconsciemment, elle savait que Dieu serait son premier homme et le seul qu’elle ne connaîtrait jamais. Et quand Joseph s’était approchée d’elle, elle avait compris qu’il n’était pas seulement son mari, mais Celui qu’elle devait accueillir. A partir de là, elle perdit toute perception logique du monde. Son corps ne lui appartint plus, pas plus que son âme ou sa mémoire. Elle devint vierge de tout passé, de tout péché, de toute volonté. Elle participait à l’immuable création sacrée du Seigneur, elle devenait son instrument et son œuvre, au pouvoir de libération incommensurable. Le fruit de sa joie serait le Sauveur de ce monde. Joseph étendit le bras, et fit glisser son voile sur le côté. Il n’avait jamais vu un visage si pur. Il passa son index sur le coin de sa bouche, puis la lui entrouvrit en pressant sa lèvre inférieure, le trou béant suggérant la présence de quelques fines dents et d’une gencive rougeoyante et humide. Son regard ne cessait de la fixer tandis que son doigt descendait du menton vers sa tunique. Il la découvrit en un seul geste. Son corps irradiait de puissance, elle n’avait pas peur, et à son tour elle tendit la main vers Joseph et lui enleva son habit avec lenteur et précautionneusement. Joseph se tenait droit, le corps tanné par l’expérience de toute une vie, musculeux de son dur métier d’ouvrier, et des difficultés rencontrées. Il avait frôlé la misère. Ces conditions en avaient fait quelqu’un de fort, pur et saint, sans arrière pensée, plein de bon sens et empli du respect de la loi. Il banda ses pectoraux pour la presser contre son sein et la serra si fort qu’ils ne formèrent plus qu’une seule et même entité miraculeuse. Ce corps divin brillait de chaleur tandis qu’ils mêlaient leurs baisers, leurs sucs et leurs étreintes dans une même harmonie. La pièce s’emplit d’une odeur de sainteté chaude et acide. L’Homme universel bondé de son glorieux désir, le membre raidi par l’impérieuse nécessité d’accomplir son devoir, pénétra la Femme universelle toute offerte à son Seigneur et à son Dieu. Dans un élan terrible, il transmit ses vigoureuses saccades à toute la Création. A chaque coup, le ciel trembla d’allégresse. Car chacune des cellules de Marie répondait aux assauts de son maître. La biologie s’unissait au Saint Esprit pour engendrer le monde. La vibration emplissait tout l’univers. Elle alla jusqu’aux confins de la Création et revint en écho vers le couple merveilleux qui accomplissait sa sainte mission décuplant toujours leur plaisir. Enfin, ce fut le moment où cette union atteint sa perfection. Marie fut secouée par un mouvement orgasmique démesuré. Elle accueillit la jouissance de Joseph qui se donna de tout son être. L’ovule et le spermatozoïde prévus à cet effet depuis l’aube de l’humanité, s’attirèrent et se pénétrèrent dans la perfection de leur objet. La prière de Marie et de Joseph, qui n’avait jamais cessée depuis qu’ils s’étaient touchés pour accomplir leur mission dans la pureté de leur désir, cette prière s’unit à Dieu, à la Création, les unit eux-mêmes pour former dans un moment de perfection intense et unique, l’Espoir Salvateur de ce monde. A ce moment précis, devant la pureté de la renonciation de Marie, devant le don de Joseph, accueillant pleinement l’Emmanuel qui était tout et qui ne leur appartenait pas, ils redevinrent tous les deux immaculés et vierges de toute faute. Guidés par l’Esprit Saint, ils avaient servi d’intermédiaires au divin sans même le savoir. Leur plaisir avait été tel et ils pressentirent si bien qu’il ne leur appartenait pas, qu’ils refoulèrent l’idée même d’avoir participé à un tel acte. Marie s’imagina qu’elle n’avait pas encore connu d’homme, et en un sens, c’était vrai. Joseph, bouleversé par ce qu’il venait de vivre, ne considéra jamais plus Marie comme avant. Il oublia. Mais un ange vint leur rappeler à tous les deux leurs devoirs. S’il n’était venu le leur annoncer, peut-être Joseph aurait-il répudié Marie, prenant pour une trahison ce qui était l’accomplissement de l’oeuvre divine. Peut-être également que Marie serait restée enfermée dans un sentiment de culpabilité. Par la suite, ils vécurent dans l’harmonie de leur amour, découvrant tous les jours avec surprise un petit bonhomme dont ils n’avaient pas compris la venue et qui devait changer les esprits tout aussi bien de ses parents que de tous les parents, anges et célibataires de ce monde.
Depuis, on dit qu’il n’y a rien de sale en matière de sexe entre un mari et une femme surtout dans la religion catholique car le fruit de telles unions procréatives est saint. On dit qu’il ne sert à rien d’avoir honte de ce qui est nécessaire à la vie dans la complémentarité et dans le respect de ceux que Dieu a désiré unir. On dit que chaque couple d’humains mariés qui donnent naissance à un enfant accomplissent le même travail que ce couple primordial que fut Marie et Joseph. On dit que l’homme marié est le relais de Dieu, et la femme mariée celui de la création de Dieu, et qu’ils resteront unis jusqu’à la fin du monde tant que ce genre de croyance résistera aux déviances idéologiques naturelles des humains qui ne pensent que par eux. On dit que les anges qui sont parfois le fruit de telles unions ne devraient jamais oublier qu’ils tiennent leur sainteté d’un Père et d’une Mère images de Dieu et de sa Création, et qu’ils en sont le relais, non seulement dans les sacrements, mais aussi dans la manière de vivre leur sacerdoce. On dit aussi que la virginité s’acquière dans le pardon que Dieu nous donne et qu’il faut éviter de parler technique avec Dieu. Mais on dit aussi qu’il ne faut jamais interpréter les Textes à la lettre, avec des vues par trop humaines et surtout que les visions des saints doivent être examinées dans ce qu’elles apportent de beau et de vrai au monde, car l’arbre se juge à ses fruits et qu’il faut du temps pour cela. Enfin, depuis, on comprend mieux pourquoi il est dit dans les textes saints que le Sauveur a eu des frères, que sa mère ne l’a pas toujours suivi, que Jésus était le descendant de David et donc le fils naturel de Joseph, entre autre.
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