« Accueillir la faiblesse », Jacques Arènes,1999

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Si en tant que pères, nous n’acceptons pas notre fragilité, nous n’arriverons jamais à comprendre ce monde. Et si nous ne le comprenons pas, nous le laisserons poursuivre son inévitable marche vers la mort.

Spectateur médusé de ce monde dans son cabinet de psychanalyse, Jacques Arènes part dans un voyage imaginaire aux limites même du monde sensible et intelligible pour nous rapporter quelques perles de sa déambulation. Nous sommes fragiles. Nous ne l’acceptons pas. Nous en devenons les machines de cette société, loin de tout sauf de notre insertion sociale, tel qu’il nous l’est demandé, détruisant ainsi notre humanité. La force n’exclut pourtant pas la sensibilité, elle peut même en être la source.

Conclusions à en tirer pour les hommes.

Les larmes n’ont jamais été réservées aux femmes dans les sociétés traditionnelles. Les pères aimaient aussi leurs enfants et le roi David se porta à mille excès de ce type pour sauver l’un des siens. Seules les peurs irrésolues de mères qui avaient tout pouvoir sur la famille ont pu nous mener à ce désir de devenir insensibles afin peut-être, de les rassurer face aux épreuves de la vie.  Nous ne sommes pas devenus plus forts dans ce déni de notre sensibilité. Par contre, les limites que nous imposions en tant que père en sont devenues moins légitimes. Le roi qui s’est cru supérieur quand on favorisait en lui ce complexe, s’est dénudé et il est plus exposé que jamais comme nous le rappelle Jacques Arènes.

Un exemple de cette errance décrite par M Arènes :

p44

« Autonomie et dépendance : ces deux termes opposés résument la tension et l’angoisse modernes. Beaucoup vivent comme un devoir le fait d’être extrêmement autonomes et performants dans de nombreux secteurs de leur vie, mais souffrent d’autre part d’une difficulté à être seuls, à s’autonomiser réellement dans d’autres secteurs de leur existence. Tel jeune cadre, brillant et dynamique comme il se doit, sans tendresse dans la vie professionnelle, habitera encore à un âge « avancé » chez ses parents, et rapportera son linge à laver à sa maman le week-end. L’angoisse moderne est souvent une angoisse d’abandon, et les jeunes adultes ont du mal à quitter le lieu de l’enfance. Une forme de « pathologie du lien » existe de plus en plus, dans laquelle la difficulté décisive de partir du domicile parental correspond à l’impossibilité de choisir un lien affectif stable, engagement inquiétant et à la fois idéalisé, car il doit être complètement comblant.

Ce que les psychologues appellent les « addictions » concerne un problème plus large que celui des drogues. Dans l’ »addiction », le phénomène général de la dépendance est en cause : dépendance à un produit, à une personne, dépendance aux prises de risques et aux achats compulsifs. Tout cela dessine le profil d’une personnalité suscitée par le monde moderne pour qui le mode de relation à l’objet est tissé de dépendance. L’idéologie de la consommation, est bien entendu, en cause, et le manque devient dans tous les cas, intolérable. Le mode de vie, l’argent, les proches sont autant de béquilles consommées dans la hantise du manque, et dans l’impossibilité à demeurer seul. On s’évertue à tenir ainsi le coup, avec une belle apparence pendant des années, et il arrive qu’on s’effondre, qu’on « craque » sans savoir pourquoi, sans pouvoir dire ni comprendre, tolérer un seul instant ses propres faiblesses et ses manques. »

Nous sommes faits pour la vie.


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