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Carmen ou la féminisation politique de la culture

     Je me souviens de commentaires hilares refusant l’idée que les « stéréotypes de genre » puissent être changés dans nos grandes oeuvres culturelles. Selon eux, ce travail de déconstruction n’aboutirait à rien car les dites oeuvres perdraient tout sens et toute saveur.

     Voilà quelques semaines, les féministes dénonçaient le baiser du prince envers la « belle au bois dormant » comme d’une agression sexuelle. Avant cela, elles avaient remis en question les images d’hommes et de femmes dans les manuels scolaires, jugeant que les femmes étaient trop montrées à faire le ménage, et que les hommes y étaient sureprésentés en nombre. Désormais, c’est « Carmen » qui est attaquée.

     La passionaria de l’amour n’aurait pas le droit d’être tuée en scène, parce qu’elle aurait été victime de la jalousie du bellâtre. Non, ce serait montrer une femme victime d’un homme. Tout juste de l’ordre de l’impensable. Au contraire, il faudrait qu’elle ait le dernier mot à la fin, en se défendant et en le tuant.

     Le crime passionnel a droit de survie, mais si une femme l’accomplit. Le metteur en scène exécute donc notre Don José international et remet le prononcé de la culpabilité de Carmen entre les mains du public. Comme pour Alexandra Lange ou Jacqueline Sauvage dans la vraie vie, il est à penser qu’il l’acquittera.

 

               Le fantasme

     Le culte d’une déesse mère, intouchable, protectrice, guide des âmes égarées, quand bien même celle-là serait assassin, peut-être surtout si elle est assassin, a de beau jour devant lui. L’idée de toucher une femme, ne doit même pas pouvoir venir à l’esprit du public. Les hommes eux, sont interdits de sentiments tumultueux. Ils n’ont pas le droit d’éprouver de la jalousie, mais surtout de déraper en cas de provocation, ou tout simplement, de se défendre lors d’une agressions physique. Au cas où ils le feraient, leur assassinat est jugé légitime.

 

               La prison mentale

     Si l’homme se plaint, la police lui rit au nez. « Vous êtes un homme, vous pouvez bien vous défendre ». Et s’il se défend, il doit s’entendre dire « Monsieur, vous avez commis des violences conjugales ». Tel est la manière dont les esprits masculins sont aujourd’hui incarcérés. Ils sont renvoyés à leur masculinité quand il s’agit d’éveiller en eux le sentiment de leur propre supériorité. S’ils ont le malheur d’user de cette soi-disant supériorité, la société les sanctionne impitoyablement.

     La manipulation consiste à jouer sur l’orgueil du petit garçon durant l’enfance : « un garçon ça ne pleure pas, un garçon c’est fort, un garçon ça doit protéger sa maman » puis à le laisser sans défense face à la réalité.

     Car dans la réalité, les femmes ne veulent pas voir les hommes pleurer parce qu’elles veulent surtout être rassurées et qu’elles ne s’assument pas. Et puis, un homme qui pleure, c’est un homme qui peut leur faire concurrence en assumant ses sentiments et en faisant preuve ainsi d’une certaine supériorité morale. Dans la réalité encore, la force physique est méprisée. Elle est l’apanage du serf. Dans la réalité enfin, la mère des temps heureux se transforme inévitablement en médiocre compagne, surtout par les temps qui courent. Du garçon à l’homme adulte, il y a un tel chemin…

 

Carmen, tout un symbole

     Le meurtre de Don José sanctionnait déjà un homme esclave de sa passion pour Carmen. Déjà à l’époque, Carmen gagnait en le faisant céder à la provocation. Chacun en était quitte pour une leçon : Carmen par la mort, Don José par la condamnation et le malheur, quant au public, il savait à quoi s’en tenir en matière de passion. La pièce de théâtre restait la peinture d’un drame né des faiblesses humaines, tant masculines que féminines.

     A l’inverse, la nouvelle Carmen qui se défend et tue Don José, puis est acquittée symboliquement par le public, c’est l’hystérie tolérée, le laisser faire du tout possible. Carmen devient la femme qui peut ignorer les sentiments des hommes et leurs conséquences. Elle peut jouer avec eux, comme une mère le ferait avec un petit enfant, et l’enfant doit rester à sa place d’enfant, ne jamais se révolter, ne jamais accéder à une quelconque autonomie, sinon il est tué.

     Dans ce cas maquillé par un scénariste totalement perméable aux femmes, les apparences sociales sont sauves. La paix semble devoir régner dans les ménages car la femme peut faire n’importe quoi sans que l’homme ne réagisse. Et s’il réagit pour devenir adulte et s’autonomiser, il est tué. L’esclavage ne promeut pas la révolte. Il contraint au silence.

     Il faut dire que dans la vie, aucune réponse satisfaisante ne peut être apportée à la provocation d’une femme. Vouloir la tolérer c’est laisser place au mal, tout comme fuir face à elle. S’énerver contre, c’est y céder. Y être indifférent c’est répondre à la violence par la violence. Le mépris et la moquerie ne fonctionnent qu’un temps. Non, la seule manière de la contrer est frontale, en la dénonçant en tant que tel, sans éprouver le moindre remord. Encore faut-il que votre femme ait encore du respect pour vous afin d’accepter la correction… Mais un homme épris n’aura même pas cette possibilité, tout au moins, il ne l’aura pas dans les débuts.

     L’ancienne Carmen dénonçait l’immaturité des hommes dans leur jeunesse. Cette nouvelle Carmen veut les engoncer dans l’enfance.

     Il reste à inventer une nouvelle Carmen qui ferait face à un vrai mec. Mais comme les gens heureux n’ont pas d’histoire, j’ai peur que notre nouvelle égérie n’attire pas le public, à l’inverse de cette énième provocation régressive qui flatte les plus bas instincts des hommes et des femmes de notre société moderne.

 

               La déconstruction s’étend

     Cette nouvelle mise en scène n’est pas un événement isolé. Toute notre culture fait face à une sorte de révisionnisme historique. Incapables d’inventer de grandes sagas, les féministes pillent les anciennes en parasitant la culture masculine et ici, en en révisant carrément l’histoire.


 

     Ceux qui pensent que la nature va reprendre le dessus sans que nous ayons d’efforts à faire, se trompent lourdement. La définition même du totalitarisme, c’est de vouloir s’étendre à tout et en tout, jusqu’à la destruction. Sinon, comment expliquer que des universitaires aient pu accuser les hommes préhistoriques d’avoir privé les femmes de viande, ou suggérer que nos ancêtres étaient tous des violeurs. Ceci n’étant que les derniers exemples les plus saillants. Il y a quelques années, les hommes avaient été accusés d’avoir brûlé 1 million de femmes sorcières au médiéval sachant que les estimations les plus élevées parlent de 80 000 victimes hommes et femmes sur 350 ans, à la Renaissance. Les plus optimistes avaient pu prendre ce délire universitaire comme un épiphénomène. Depuis, le cancer a progressé.

     Désormais, le passé est vu à travers notre maladie présente, au sein de la recherche et ailleurs. Il est déconstruit par ceux qui se nomment des “constructivistes” et qui n’ont jamais été que des matérialistes prenant la queue de l’éléphant dans le noir pour une corde. Leurs méfaits sont financés par notre ennui et la médiocrité d’une caste universitaire à qui l’ont a fait croire qu’elle était intelligente durant son enfance. Et quand un ministre veut remettre un peu d’ordre dans une de ces universités occidentales qui subissent toutes, à des degrés divers et variés, cette tyrannie intellectuelle issue de la décomposition de nos modèles familiaux, ce ne sont pas moins de 60 professeurs d’histoire qui récriminent. En France, 300 professeurs de langue ont pétionné pour soutenir l’écriture inclusive face à une académie sidérée de devoir répondre à tant de bêtise.

     La grammaire, l’histoire, la culture doivent plier face à un pouvoir qui a perdu le fil de sa propre venue au monde. Les dépositaires de l’autorité voient l’univers à travers leur vécu personnel. Ils s’imaginent tyrannisés parce que personne ne leur a dit ce qui était juste de ce qui ne l’était pas. Dès lors, ils élaborent des modèles scientifiques qui légitiment leur délire, voire ils accusent des hommes de viol après une relation librement consentie.

 

               Tout est politique

     Aujourd’hui, les progressistes voudraient nous faire croire que tout est politique. Une mère qui habille son garçon en garçon, c’est politique. Une femme tuée par un homme dans une pièce de théâtre c’est politique. Dire que les célèbres blancs du passé étaient blancs, c’est politique. Tout cela doit être déconstruit au nom de la destruction d’un ordre ancien jugé injuste. Mais la vraie injustice, elle est de nous priver du beau dans les romans, du réflexif à l’université, du réel partout. Coupés d’un monde, lui-même dépecé en morceaux inajustables entre eux, l’humain moderne ne peut pas devenir adulte. Déjà, comment un enfant à qui l’on suggère que les hommes et les femmes sont indistincts pourrait-il construire un couple harmonieux ? Cela lui sera impossible pour lui car il ne pourra pas se réaliser affectivement. 

 

               Généalogie du mal, suite

     Nous avons donné le droit de vote aux femmes sans nous interroger sur ce nouveau pouvoir qui venait renforcer une position familiale prééminente. Nous avons favorisé le travail des femmes à temps plein et cela, quelques soient les périodes de leur vie, sans nous préoccuper de savoir en quoi la famille en serait déstabilisée, ou combien les femmes en souffriraient. Nous avons favorisé les ruptures de lien dans les couples, croyant que seuls les hommes bénéficiaient du mariage. Nous avons même autorisé les femmes à tuer leurs enfants en pensant qu’elles useraient de ce pouvoir à bon escient. Aujourd’hui, il ne faut pas s’étonner de voir nos institutions crouler.

     La déesse mère ne comprend rien à la civilisation. Pour elle, tout est rapport et influence personnelle. Voilà ce qu’elle appelle politique. Elle gouverne le monde à travers l’enfantement et ne voit pas pourquoi le monde serait différent d’elle. Elle est le monde, elle vit dans la confusion, assimile égalité et indistinction. De son point de vue, l’altérité masculine est gênante. Elle est domination parce qu’elle ne voit que par les rapports de domination, par la politique. Et quand elle réussit à imposer à ses enfants sa vision, que tout devient alors politique, tout devient finalement guerre tribale.

 

               Remèdes

     Bien entendu, il est nécessaire de dénoncer cette régression généralisée. Mais ce ne sera qu’un détail pour un vrai militant. D’abord, il faudra pouvoir penser un monde en dehors de la mère. Puis, il faudra créer des oeuvres d’art, des théories scientifiques qui s’en dégagent. Enfin, il faudra les confronter aux autres et les améliorer, malgré l’aporie ambiante. Là où le constructivisme déconstruit, il faudra lui opposer la religion qui réunit.

     Loin de moi l’idée de contester les découvertes des sciences dures, mais plutôt d’interroger : à quoi nous servirait de gagner l’immortalité grâce à la science pour mener des vies toujours plus dégradées ? Et si nous investissions dans ce qui rapporte : notre quotidien, au lieu de vouloir nous guérir de peurs fantasmatiques ? Si, au lieu de vouloir nous épargner les souffrances, nous les acceptions pour pouvoir en dépasser certaines ?

     Vous voyez, quand j’entends que des scientifiques travaillent actuellement sur le clônage de têtes humaines, sur l’utérus artificiel, sur la robotisation des membres humains, je me dis que nous marchons sur la tête. A mon avis, il serait préférable de soigner d’abord le petit mal au dos de millions de Français, ou trouver un test fiable pour des millions d’Européens qui n’ont même pas la possibilité de savoir s’ils sont atteints par la maladie de Lyme, ou pas. Ceci n’appartient évidemment qu’au domaine de la médecine, mais combien tous les autres domaines sont également concernés.

     Réviser l’histoire pour la faire correspondre à nos fantasmes actuels est un mauvais chemin. Des hommes submergés par les femmes entretiennent ces fadaises. A nous de les en faire sortir, que nous soyons hommes ou femmes d’ailleurs.

Léonidas Durandal

Antiféministe français, j'étudie les rapports hommes femmes à travers l'actualité et l'histoire de notre civilisation.

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Léonidas Durandal

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