Figure de l’extrême droite anti-catholique, Dominique Venner s’est suicidé à genoux devant l’autel de Notre-Dame le 21 mai 2013, jour de la Saint Constantin. La compassion était paraît-il pour lui une forme de faiblesse inadmissible qui avait contribué à précipiter l’Occident dans l’état léthargique que nous connaissons. Il a laissé une lettre sobre pour expliquer son geste. Dans celle-ci, il évoque son « respect et son admiration » pour l’édifice catholique construit sur d’anciens lieux de culte païens. Les unions de duos homosexuels et le remplacement des populations autochtones européennes étaient pour lui les dernières des abominations contre lesquels il comptait bien mettre un terme symbolique par son geste. Les blogueurs catholiques se sont bien déchirés à son sujet, les uns l’accusant de contribuer à la culture de mort ambiante, les autres laissant à sa personne le bénéfice de la compassion, renversant les rapports habituels entre traditionalistes et progressistes.
Il est vrai que son acte est difficile à comprendre. La contradiction semble totale et de partout. Euthanasie, suicide, culture de mort, sont en opposition à notre dogme. Le fait que Dominique Venner ait défendu l’Algérie française tout en vouant un culte à l’Europe et à ses populations n’est pas non plus une position dénuée d’incohérences idéologiques. Le païen proche du Japon médiéval, étant venu mourir à Notre Dame dans un geste anti-catholique, il faudra rajouter cette énième contradiction à la contribution obscure de Dominique Venner. L’abbé de Tanoüarn imagine que Sainte Marie lui a servi d’intercesseur auprès de Dieu, tandis que ce païen était plutôt soucieux de virilité. Quant au blogueur Koz, qui nous demande d’espérer en la résurrection, le geste de Dominique Venner ne le remet pas plus en question que cela, alors que l’effondrement du temps présent devrait peut-être nous amener à des introspections plus pragmatiques.
Main tendue
Cet auteur païen était étranger à notre communauté catholique. Pourtant, il a voulu nous tendre une main, comme si Judas Iscariote était revenu se pendre au pied de la croix. Nous ne pouvons ignorer son geste avec un sentiment d’horreur ou pire, d’indifférence, sans nous interroger.
Retour en arrière
Tout remonte à la saint Constantin, non, disons plutôt, tout remonte à Constantin, lorsque l’Église devint religion d’Etat. Ce jour maudit, nos communautés purent se laisser aller à une féminisation complète, progressive. D’un côté, l’Église prêchait, gérait notre foi et nos communautés spirituelles. De l’autre l’Etat nous assurait protection tout en s’octroyant une légitimité de bon aloi. En Occident, ce mouvement mit un peu plus de temps à s’imposer, mais à partir du sacre de Clovis peut-on dire qu’il devint inéluctable. Certes notre dogme catholique est laïc par essence, il fait une distinction nette entre questions spirituelles et temporelles depuis que Jésus nous a dit que Son Royaume n’était pas de ce monde. Cependant nous avons vécu cette séparation de manière de moins en moins responsable, de plus en plus confortable, jusqu’à ce que nos Etats croient pouvoir se passer de nous et faire religion.
Aujourd’hui, nous sommes forcés de participer à un système matérialiste sur lequel nous n’avons plus aucun contrôle. Nous travaillons pour lui, nous avons accepté ses règles, nous nous croyons obligés de faire unité autour de lui. Le culte marial s’est développé en parallèle rajoutant à la désunion entre un Etat masculin et une communauté catholique de plus en plus féminisée. Alors que les révolutionnaires abattaient une royauté jugée dégénérée, les groupes croyants mettaient toutes leurs espérances en Marie. La sécularisation de nos sociétés s’est constituée en forme de division entre hommes et femmes, et entre Etat et Eglise catholique, entre spiritualité et matérialité. Il n’y a qu’à penser à tous ces hommes qui allaient au bistrot au début du 20ème siècle parlant de politique tandis que leurs femmes étaient à la messe, chacun jouant pourtant son rôle jusqu’à ce que ce mouvement de désunion soit trop fort. Nous souffrons plus que jamais de ces satans. D’un côté, la virilité a abandonné notre Eglise qui se réfugie trop souvent dans des dogmes infantilisants. De l’autre, les femmes ont fini par se rallier à un Etat jugé de plus en plus apte à les protéger. Nos communautés sont en état de déliquescence comme jamais. Ce mouvement a même engendré la séparation à l’intérieur de notre Eglise.
Le rôle d’un homme païen pour notre Eglise
Je crois que Dominique Venner est venu lancer un appel désespéré à notre Eglise, appel qu’il nous est difficile de comprendre à cause des séparations entre hommes et femmes qui sont les nôtres depuis plusieurs centenaires. Nous ne retrouverons pas un Etat protecteur de l’Église. Heureusement. Nous ne pourrons pas non plus continuer dans cette féminisation totalitaire qui a précédé celle de notre société. Ces temps sont terminés. Ils étaient ceux de l’immaturité de nos communautés. Nous nous devons de réagir et de retrouver un équilibre dans nos consciences. Beaucoup d’hommes ont souffert de leur mise à l’écart progressive de l’Église et se sont réfugiés en France dans des courants meurtriers qui semblaient plus aptes à les accueillir, socialisme, paganisme, scientisme, franc-maçonnerie, protégeant parfois les femmes de manière encore plus niaise. Mais beaucoup ont désormais compris que ces idéologies constituaient des impasses. Ils reviennent vers l’Église et la question est de savoir si nous saurons les accueillir. Il ne faut pas compter le faire avec notre manière de combattre bête, nos structures ultra-féminisées, notre dogme lascif. La réconciliation doit se faire. Elle est la condition de notre propre survie, à tous, et plus largement de notre monde. En cela, j’invite une nouvelle fois les hommes à construire leur Eglise malgré les pesanteurs passées, à la renouveler de l’intérieur et non simplement en posant des gestes forts de l’extérieur. Nous sommes tout autant l’Église qu’elle nous forge. Voilà aussi d’où viendra notre salut. La remise en question de tous est nécessaire. Il faut avoir l’humilité d’accepter qu’elle puisse venir d’un non-catholique qui n’avait peut-être même pas conscience de ce débat sous-jacent entre hommes et femmes dans nos communautés.
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