Éditorial de La Charente Libre, 28 novembre 1944, par Mathilde Mir, du C. D. L. (comité de libération, organe de résistance) de la Charente.
Aux femmes
“Si la nation française n’était composée que de femmes, quelle terrible nation ce serait. »
Ce jugement sur les femmes de chez nous, un Anglais, correspondant du « Time », l’exprimait en 1871 au moment des désastres qui désolaient notre pays.
Cet hommage au patriotisme de nos grand-mères, à ces femmes en deuil qui pleuraient sur nos provinces perdues, sur la trahison de Bazaine, sur la défaite des armées impériales, leurs petites filles peuvent aujourd’hui le revendiquer dans la joie de la victoire, dans l’exaltation de l’honneur national retrouvé (5).
Les femmes françaises n’ont pas démérité, elles sont dignes de leurs aïeules. Elles ont été les artisans passionnés du redressement miraculeux qui s’est opéré depuis 1940. Elles se sont battues comme les hommes, dans les organisations de résistance; elles ont fait le coup de feu a coté de leurs maris, de leurs fils, de leurs frères.
Le gouvernement a reconnu ce rôle des femmes dans la guerre de résurrection et il a accordé aux femmes le droit de vote et le droit d’éligibilité. Actuellement, on procède dans toutes les mairies à l’établissement des listes électorales et on est obligé de constater que bien des femmes se désintéressent de ce droit nouveau pour elles, et qu’elles ne se présentent pas dans les bureaux pour se faire inscrire (1).
Le C.D.L les a exhortées a ne pas négliger cette inscription. Trop de femmes s’imaginent que cette inscription n’est qu’une nouvelle formalité, ajoutée a tant d’autres. Il y a déjà eu tant de taxations, tant d’inscriptions, tant de bons, tant de tickets que les formalités dont s’accompagne le droit de vote n’est qu’un souci de plus ajouté à la peine des femmes (4).
Et les femmes, qui ont en mains la chose domestique depuis 4 ans ne veulent pas y ajouter les tracas de la chose publique (4 bis). Et pourtant les femmes françaises constituent 62% de la population française, elles sont la majorité et elles ne peuvent se retrancher de la communauté sans porter un tort sévère à la nation (2).
Les femmes françaises vont voter, les femmes françaises doivent voter. Elles sont, dans le monde civilisé, les seules qui ne sont pas admises à l’administration du corps social. Je ne vais pas ressusciter le vieux débat sur le vote des femmes, ni ressortir les arguments des suffragettes, l’opposition d’Adam et d’Ève, les mérites de chaque sexe. La question est réglée, les femmes vont voter et il faut qu’elles se préparent a cette fonction nouvelle.
On craint qu’elles n’aient pas l’éducation civique nécessaire et qu’elles ne se laissent prendre a un extérieur avantageux, a une éloquence abondante et fleurie (5). Notre pays va faire un saut dans le noir avec le vote des femmes, dans une période incertaine de son histoire. J’ai la plus grande confiance dans le bon sens des femmes, dans leur esprit pratique et je voudrais leur dire que je compte sur elle pour qu’elles votent pour le candidat qui sera le plus honnête, le plus énergique, le meilleur Français, celui qui saura sacrifier ses intérêts personnels à l’intérêt de tous. Je voudrais que cette première consultation engage la France dans des voies non battues, pour des solutions hardies, plus humaines.
Car il y aura dans la France de demain des tâches qui seront exclusivement féminines. Il y aura des femmes sans travail, des veuves, des orphelins, il y aura des questions d’urbanisme, de salubrité publique, de moralité, des préoccupations d’éducation, tout l’immense problème du bonheur de plus d’un million de familles que des femmes ont toutes qualités pour résoudre (3).
Les Françaises, dans leur immense majorité, ne sont pas des égoïstes qui bornent leur horizon au cercle de la famille. Elles seront soucieuses de l’intérêt général. Je mets en elles tout mon espoir. Elles seront dignes dans la paix, de ce qu’elles ont été dans la lutte. Elles ne décevront pas la confiance que le gouvernement a mise en elles.«
Mathilde Mir
Plusieurs éléments significatifs ressortent de ce texte montrant que :
– Le droit de vote n’était pas demandé par la majorité des femmes (1).
– Les femmes militantes ont conscience de leur majorité, de leur pouvoir, une majorité énorme au sortir de la guerre, 62%, puisque les hommes se sont faits décimer dans deux guerres mondiales (2)
– L’intérêt des femmes pour la politique n’est pas porté par la politique en général mais pourrait l’être par des domaines d’affinités qu’elles affectionnent particulièrement : la défense de leurs propres intérêts (emploi), moralité, éducation, salubrité des logements (3).
– Le fait que les femmes négligent la politique comme un domaine inintéressant et superflus à leur vie (4).
– Les femmes ont été devant les hommes pour les pousser à la guerre (5).
Un an plus tard, Mathilde Mir, résistante, écrivain, est devenue plus pessimiste dans son discours :
Dans un éditorial du 15 mars 1945 de la Charente Libre
La politique et les femmes
« Contrairement à ce que pensent les hommes, les femmes ont accueilli sans joie la nouvelle de leurs nouvelles qualités d’électrices et d’éligibles (1). C’est précisément cette indifférence des femmes pour la chose municipale et cantonale, puis ensuite pour la vie nationale, en un mot pour la chose publique, qui est grave et qui inquiète ceux qui ont le souci de la grandeur française.
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Je comptais sur les femmes françaises pour que notre pays soit rétabli dans sa grandeur et son indépendance comme le proclamait Churchill en juin 1940 (2). Mais les femmes boudent au bulletin de vote, par timidité, par crainte du ridicule, par paresse, mais surtout parce que les moeurs électorales de la 5e République répugnent à leur délicatesse. Quelle est celle d’entre nous qui ayant, le plus souvent par hasard, assiste a une réunion électorale, n’en sortait pas écoeurée par les calomnies, les médisances, les sous-entendus, les équivoques, échangées par les candidats (3). Et je ne parle pas des horions, des coups portes par les partisans adverses. Mes yeux d’enfant ont assisté à un meurtre autour d’une urne, au cours d’une élection municipale et j’ai plus d’une fois songé à Roger Salengro. Entrer dans une bagarre politique, dans ce monde haineux ou l’on ne se pardonne rien, est pour les femmes une angoisse et elles préfèrent leur tranquillité (4). »
C’est en songeant à cette appréhension si facilement compréhensible que les sections féminines des Mouvements de Résistance ont décidé une campagne par affiches où les femmes électeurs poseront leurs exigences. Elles n’accorderont leurs votes qu’aux candidats et aux candidates qui s’engageront a mener la campagne électorale avec décence et courtoisie, et a ceux qui_leur paraîtront les meilleurs au point de vue moral (5).
Que nous voila loin de la notion de parti. Ce sont les partis qui sont responsables de cette atmosphère brutale, cynique, pour ne pas dire plus…….(6)
……………………………………………
Ici, le ton est plus désenchanté. Il apparaît que :
– Ce sont des hommes qui ont poussé les femmes à voter (1).
– L’auteur fantasme un monde où la participation des femmes améliorerait le sort de l’humanité (2)
– L’auteur trouve des excuses à leur non-participation politique et accuse déjà les hommes et leurs moeurs (3)
– Les femmes n’ont toujours aucun désir d’entrer en politique car elles préfèrent leur tranquillité (4)
– Une minorité d’entre elles se chargent de leur « montrer la voie » et de leur donner un prêt à penser quitte à commencer à faire pression sur les hommes pour que cette majorité de femmes se sente à l’aise en politique (5).
– La notion de parti est complètement incomprise (6). Les femmes lui préfèrent celle d’individus (relations personnelles). Ceci explique mieux comment certaines femmes de droite, dernièrement ont favorisé le camp adverse sur certains sujets qui heurtait leur sensibilité (mariage homosexuel). Si l’esprit partisan est effectivement à dénoncer comme le fera Mathilde Mir dans la suite de son texte, il ne faut pas s’attaquer non plus à l’esprit de loyauté et croire que le monde peut fonctionner sans divergences d’opinions affichées, sans modèles généraux et parfois antagonistes. Le prix de l’excellence ne s’obtient qu’après un long débat d’idées.
Ainsi l’entrée en politique des femmes se soldera à terme par une accalmie dans les relations politiques, pacification voulue et exigée par les femmes elles-mêmes, dès le début. Certains pourraient trouver cela positif, d’autres comme moi, pensant que la politique est aussi affaire de conviction, de croyance, de combat et donc de débats, regretteront ce progressif changement de culture vers une concorde de surface qui réduira nos principaux partis politiques en France à penser la même chose sous couvert de diversité, voire créera une doxa qui stigmatisera la moindre personne essayant de sortir du cadre fixé par quelques unes. Je pense que si nous sommes tant bloqués aujourd’hui en France, sans croyance, sans conviction, cela est aussi dû à une forme de discours social féminisé qui nous a été imposé par des femmes détestant les esclandres, une forme policée qui sied mal à l’affrontement d’idées et qui finit par empêcher toute expression réduite à une communication marketé (voir le (5) dans le premier texte)
A l’avenir, avant de légiférer sur les femmes, je pense qu’il faudra leur demander leur avis de façon très explicite, afin au minimum, de leur faire assumer leurs choix.
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A contre-temps. Je crois qu’il n’y a pas de meilleur mot pour désigner l’action politique…
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"[Mythologie féministe] – Les Suffragettes et le droit de vote des femmes" Eromakia du 02/01/2021.
(Vidéo) Le vote (des femmes) aux municipales de 1945 :
Droit de vote des femmes : Municipales du 29... par droitsdesfemmes
La propagande est déjà en marche : il n'y a quasiment que des femmes sur cet extrait ! Le pouvoir leur est cédé galamment. Elles sont majoritaires. Le monde se portera mieux.
Dans l'intimité, Mme De Gaulle accusait son mari de donner un droit de vote aux femmes dont elles n'avaient rien à faire, mais publiquement, elle participe à la mascarade politique. Les femmes vont prendre une place que nous leur avons cédé et elles vont exercer leur pouvoir sans se départir de ce qu'elles sont. Qui pourrait le leur reprocher ?
"2014 et la génération Quoi ? : 45 % des filles n’ont pas confiance en la politique, 52 % pensent que les politiques sont corrompus, 58 % ne sont pas intéressées par l’engagement politique.", Marie-Claire du 27/04/2015.
C'est quand même très audacieux cette malhonnêteté qu'ont les femmes particulièrement dans le milieu de la presse féminine, de mettre toute leur misère (psychologique?) sur le dos d'une main invisible (patriarcat, "obstacles" à l' "épanouissement" professionnelle des femmes, quoique quand on voit l'état des entreprises, on comprend mieux en quoi c'est épanouissant) le summum de la bêtise, du mensonge effronté et de la futilité, je ne m'étais pas trompés sur le compte de la presse féminine