L‘appauvrissement d’une langue est le plus abject des combats. La langue c’est l’émanation du Verbe divin. Elle structure la pensée et la société. Elle ne sert pas à fabriquer de la culture, elle est culture. Elle est chant, elle est logique, et chaque petit enfant qui apprend une langue à sa naissance sera marqué définitivement dans l’éventail de ses possibles, émotionnels et intellectuels.
Ces questions de grammaire sont trop graves pour laisser les féministes avancer seules sur ce sujet. La tradition qui nous a été laissée, ici comme ailleurs, est bien plus riche que les revendications progressistes qui nous sont proposées par notre monde moderne. Ici, plus qu’ailleurs, il est urgent de discerner parmi les décisions politiques puisque la confiance n’y est plus. Le lien entre les générations s’est brisé et nous ne voyons plus pourquoi nous n’adopterions pas une langue anglaise plus pauvre que la nôtre, mais surtout dont l’usage est de plus en plus régressif car limité au seul « informationnel ». Le Français ne s’anglicise pas que dans le lexique, cela serait trop beau, puisque la conséquence serait une augmentation de nos possibles. Non, le pire, c’est l’abandon du vouvoiement. Le recul de l’usage des formes particulières de subjonctif. Le langage informationnel. L’absence de culture littéraire chez nos élites d’argent (3). Le laxisme quant aux règles d’accord particulières du verbe avoir. L’appropriation du langage par les femmes, à l’école, dans l’éducation des enfants. La séparation nette entre langage féminin et science masculine. Des élites masculines bêtifiées contrôlées humainement par des femmes qui maîtrisent le langage. Le pire des scénarios ségrégationnistes possible arrivé à son terme sous nos yeux sans que nous n’ayons rien imaginé pour lui opposer une proposition alternative.
Exemple de propagande féministe autour du terme « mademoiselle ».
Le terme de « mademoiselle » a été enlevé en 2012 des formulaires administratifs car il aurait contribué à stigmatiser les femmes non mariées. L’hystérie est telle chez nos féministes qu’un site comme Madmoizelle.com qui entend toujours bénéficier de ce mot flatteur, a pourtant soutenu la suppression. Comme si la culture et le langage pouvaient vivre indépendamment l’un de l’autre. Ces féministes qui ont fini par noyauter le site constataient pourtant l’opposition très majoritaire des femmes à cette mesure en 2006. Mais il fallait convaincre coûte que coûte. Les rédactrices idéologues désormais payées par les grandes entreprises à but commercial ont donc déployé des trésors d’imagination en matière d’argumentaire. Elles ont justifié leur position par une sorte de méta féminisme qui permettrait aux femmes d’être ce qu’elles veulent. Comme si aujourd’hui, les mesdemoiselles avaient encore la possibilité de cocher cette case de formulaire, et comme si le choix d’une majorité de femmes n’avait pas été foulé aux pieds à cette occasion. La pilule est pourtant passée. Et le site Madmoizelle.com vit encore de la naïveté de ses lectrices.
Les revendications grammaticales féministes : le droit du plus fort.
Mon ancienne institutrice, un caractère bien trempé, l’a assumé jusqu’à la fin de sa vie ce terme de « mademoiselle ». Dans ces temps si lointains, elles étaient nombreuses à se faire appeler comme cela, en en étant fières, vieilles ou jeunes. Nos femmes d’aujourd’hui représentées par un féminisme puissant, semblent plus complexées dans leur vie personnelle qu’autre chose. Elles ont assouvi leur vice en obtenant l’une des pires victoires qui soit : la suppression d’un mot noble et à forte connotation positive. Ces éternelles mademoiselles, ce n’est pas le terme qui les gênait, mais plutôt l’idée de devoir devenir femme par le mariage. Le mariage, ce carcan de la femme moderne qu’elle ont réussi à abolir également. Le souvenir de la jeune fille vierge doit sembler n’avoir jamais existé dans leur mythologie. Et au fur et à mesure que la novlangue a progressé, les féministes ont réussi à faire nôtre cette histoire contrainte. Pour sortir par le haut de cette différence qui n’avait rien de dérangeante, nous aurions pu imaginer créer un terme pour les hommes. Au lieu de cela, les féministes ont choisi pour nous un ajustement par le bas, signe d’acculturation et de manque d’amour.
Cette victoire féministe n’a rien de trivial.
Cette mesure permet de contrôler les esprits par le langage. Si un mot n’existe pas, le concept lui-même disparaît. La jeune fille vierge au mariage n’a plus de mot pour s’envisager, ces femmes là n’existent plus. Elle n’est plus souhaitée. On est déjà « femme » au mariage et on se marie alors en toute connaissance de cause, quand on se marie… Le divorce suit de prêt ce genre de routine. Si elles voulaient s’incarner dans leur vie, il me semble que les femmes auraient dû vouloir s’envisager de manière spéciale avant ou après le mariage, pas indifférenciées. Pour tout choix, et au nom de l’égalité, les féministes ont réduit celui des femmes à n’être rien en promouvant ce genre de décret.
Les autres règles grammaticales attaquées.
La compréhension faussée des règles de grammaire françaises par les féministes ne peut s’expliquer que par le complexe et donc, le désir de dominer. En effet, quel scientifique objectif ne peut pas constater l’étonnant équilibre différencié qui règne encore dans notre langue malgré le travail féministe. Pour comprendre comment notre peuple a évolué, il faut savoir qu’au début du langage sur notre territoire, tout était féminin et masculin. Mais pour marquer le féminin, notre langue a choisi de rajouter des lettres aux mots. Elle a donné un petit plus au féminin, le rendant particulier. Si le masculin l’emporte encore face au féminin en matière d’accord des adjectifs, et ce malgré les dernières revendications féministes (1), ce n’est pas à cause de l’affreuse domination hétéro-patriarcale ou à cause d’une époque où seuls les hommes élaboraient des discours (2), mais parce que le masculin englobe souvent le neutre dans notre langue et parce que justement nous avons choisi de donner quelque chose de particulier au féminin. Ainsi, le masculin qui englobe aussi le neutre, devait obligatoirement servir de mesure d’accord quasi-universelle en cas de litige.
Ex en Français : « Ces rivages et ces fleurs sont beaux ».
L’utilisation passée de la règle de proximité pour accorder les adjectifs provenait du latin.
Exemple si le Français appliquait la règle du Latin : « Ces rivages et ces fleurs paraissent belles »
Sans règle de prééminence, la notion de neutre inclue dans le masculin disparaît et il faudra parfois se poser la question de savoir si l’accord de l’adjectif englobe les deux noms; c’est un petit recul logique qui se retrouve à l’identique quand l’interlocutrice veut féminiser toutes les fonctions et les adjectifs d’une phrase :
Exemple de suppression du masculin-neutre et de son remplacement par le féminin qui rend la phrase moins cohérente
La phrase au masculin :
” Madame Vidé Lebrun est l’UN des peintres portraitistes les plus fameux”.
On la compare avec TOUS les portraitistes Hommes et Femmes.
Cette phrase n’a aucun sens au féminin car cela reviendrait à la comparer avec les seules femmes…et elle deviendrait :
” Madame Vigé Lebrun est l’une des peinteuses portraiteuses les plus fameuses”…..
Exemple pris à Noémie Albert dans son commentaire du 06/11/2015 sur l’article du Figaro “«Dites écrivaine, pas écrivain» : le guide pour lutter contre les stéréotypes de sexe”
Cette règle de proximité, on la comprend mieux quand on sait que le latin marquait le neutre de manière plus évidente pour les noms. Ainsi la règle de proximité était la seule possible dans un système où le neutre ne pouvait servir d’accord universel à des noms qui pouvaient être tout aussi bien neutres, féminins ou masculins. En résumé, la neutralité qui se retrouvait dans les noms latins, ne pouvait être utilisée pour les adjectifs, et la règle de proximité devait primer. For heureusement, l’esprit gaulois reprit le dessus et la marque du neutre qui était moins évidente chez nous pour les noms se traduisit logiquement par l’accord des adjectifs au masculin/neutre quand il y avait litige. La phrase de l’abbé Bonhours en 1675 (“Lorsque les deux genres se rencontrent, il faut que le plus noble l’emporte”) régulièrement citée pour prouver le machisme d’une époque n’a donc été utilisée que dans une forme de généralisation abusive de la part des féministes à partir d’un exemple grammatical mal compris.
Les noms de métiers.
Cette règle du neutre influence encore les noms de métiers. A cause de son origine, notre langue qui valorisait les femmes sans toutefois discriminer les hommes, donnait des noms de métiers masculins/neutres là où il y avait forcément des hommes. Car malgré tout, il faut le rappeler aux oublieux, les noms de métiers féminins se comptaient à la pelle. Ils évoquaient des travaux spécifiques aux femmes, ou bien mixtes : prostituée, lavandière, paysanne. Et ils étaient bien pourvus, car l’armée de fonctionnaires professeurs, proviseurs, chefs d’entreprise, modernes, n’existait tout simplement pas. Malheureusement pour elles, les femmes travaillaient beaucoup et le nom de leur poste s’était féminisé dans les structures où elles étaient représentées en nombre. Sinon, le neutre/masculin s’imposait. Il ne faut pas comprendre cette soumission au monde du travail et la féminisation des noms de métiers qui s’en suivait comme d’un avantage décisif ! Il ne faut pas comprendre non plus ce reliquat d’une société différente de la nôtre comme d’un environnement favorable à la guerre des sexes, mais plutôt l’envisager du point de vue d’une civilisation qui ne voyait pas dans le travail salarié la réalisation ultime de l’individu. Dans ce cadre chacun devait supporter la contrainte qui était la sienne sans qu’il ne put en être autrement, au travail des champs ou familial, hommes et femmes n’étant pas forcément joyeux à l’idée se tuer à la tâche contre un salaire de misère, raison pour laquelle les femmes, toujours privilégiées, restaient plutôt à la maison quand elles le pouvaient.
Discrimination, inesthétique, ou bien culture masculine ?
Quand il a fallu féminiser certains noms de métiers comme professeur ou auteur, il est même à se demander si l’affaire n’a pas été retardée par le côté inesthétique du résultat et non par des questions de culture masculine. Par exemple, le professeur fesse autant l’esprit que la professeuse, pourtant cette image s’inscrit plus profondément dans l’esprit d’un Gaulois lambda. L’auteuse est aussi honteuse que l’auteur est honteux, mais je ne sais pas pourquoi, ça sonne faux. Ce faisant, nos féministes ont dû se faire la même réflexion que moi et au lieu d’imposer l’habitude d’un nouveau langage par l’exemple de femmes compétentes, elles ont plutôt choisi de garder la consonance masculine à ces noms de métier, comme pour se réapproprier une aura qu’elles n’avaient pas mérité, celle des hommes. Elles sont ainsi devenues« professeure » et « auteure », et non « professeuse » ou « auteuse » comme la règle de français l’exigeait. D’ailleurs il est à noter que ces noms de métiers qui ont été féminisés à l’écrit, ne le sont pas du tout à l’oral. Cela prouve une seconde fois que la revendication féministe n’a pas du tout été une revendication de féminisation de nom de métiers mais bien de tentative réappropriation de cercles d’influence masculins, avec les résultats que l’on connaît (4).
Un changement impraticable.
Pour avoir la prétention de changer les règles de grammaire en Français, il faudrait déjà les comprendre, et surtout comprendre leurs limites. L’écosystème de la langue française a réduit le neutre à sa plus simple expression :
Ex : du fromage, des yeux bleu.
Il semble difficile de revenir au latin et à sa règle de proximité pour les accords litigieux sans propager une erreur de logique. Marquer le masculin de manière particulière serait coûteux, tout comme inventer des formes d’adjectifs neutres seulement pour le pluriel. Cette dernière option n’aurait d’utilité que dans le cas d’accord d’adjectifs reliés à des noms de sexe différent. Ce serait une complexification disproportionnée de notre langue pour un résultat maigre :
Exemple d’invention d’une forme neutre de pluriel : « Ces rivages et ces fleurs sont joliaux » (il n’y aurait plus d’accord par sexe)
Exemple d’invention d’une forme particulière de masculin par ajout du “x” pour un adjectif afin de lui faire perdre son caractère neutre au masculin : “ce rivage jolix”.
Ou encore exemple de marquage spécifique des noms masculins pour leur donner un caractère propre comme ceux du féminin (présence du “e” pour le féminin) par ajout du “x” par exemple : “un rivagex”
Enfin, la volonté de supprimer le neutre pourrait aboutir à un marquage qui ne tranche pas la question :
Ex : “Ces rivages et ces fleurs sont beaux/belles”,
soit la reconnaissance d’une impossibilité à appliquer l’accord.
Genre ou sexe.
Si les anciens n’ont pas trouvé de solution, il y a une raison à cela : il est difficile de distinguer sexe et genre. L’élargissement du neutre ne résout pas les problèmes, cela en rajoute. Les langues qui se complexifient par une économie de moyens détestent ce genre de revendications arbitraires telles que les féministes se les imaginent possibles. Pour changer une règle, il faut que ce changement ait un sens. Les revendications féministes n’en ont pas, voire tuent le sens (comme pour « mademoiselle »). Soit le neutre se généralise et alors la différence sexuelle des mots reculera, soit nous gardons notre joli système différencié et nous acceptons ses quelques imperfections en attendant de trouver mieux. Vouloir casser la règle « le masculin l’emporte sur le féminin en cas de litige sur l’accord de l’adjectif » parce que nos garçons dans des classes hyper-féminisées y trouveraient un petit réconfort, ce serait une énième humiliation de la part de notre système. Quant à la féminisation des noms de métiers, j’aimerais bien que les féministes l’assument jusqu’au bout : à l’oral également. Ainsi commenceraient-elles peut-être à arrêter de vivre sur notre dos dans des métiers qu’elles ont complètement dévalorisés. La guerre des mots est aussi une guerre des sexes où les féministes et plus largement de nombreuses femmes qui les soutiennent, tentent d’échapper à leurs responsabilités par l’exercice de leur domination. Plus que les femmes, les hommes savent depuis longtemps qu’exercer le pouvoir implique une forme d’abnégation, et non d’appropriation. Seule la féminisation des esprits et de son corollaire dans le langage ont pu nous le faire oublier.
1 « La bataille du genre gagne aussi la grammaire », Figaro du 19/03/2015.
2 « Les féministes en veulent aussi à la grammaire », Terrafemina du 25/02/2015.
3 « La réforme du collège : le coup de grâce pour les lettres classiques », RITV du 20/03/2015.
4 Catégorie « Ambiance au travail », Aimeles.
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