L’écriture est si dangereuse, si dangereuse quand elle ne nous apporte rien mais qu’elle est si plaisante. Regardez tous ces gens qui vivent par procuration en se gavant de belles histoires qui flattent leur ego… croyez-vous que la lecture seule suffise à élever l’âme ? Non, le monde est rempli de sots qui savent lire et écrire. Mais il y a bien pire que l’insignifiance, il y a la fatuité.
Notre talentueux Eric Emanuel Schmitt vient de commettre une nouvelle provocation qui n’en est pas une. Croyant nous livrer une vision originale du monde, il a encore plaqué des mots sur quelques lieux communs de notre époque. Notre société d’individus insoumis et sans culpabilité, cherche à monnayer son bonheur à travers l’achat et la lecture de livres qui lui donneraient raison, envers et contre la vie. Et Eric Emmanuel Schmitt se charge de leur vendre la came dont ils ont besoin, ici grâce à 3 de ses héroïnes.
Après avoir exprimé le point de vue du traître dans la religion, et avoir essayé de sauver à tout prix celui qu’il ne pouvait se décider à condamner, Judas Iscariote (je n’ai toujours pas digéré), le voilà à vouloir exalter l’éternel féminin. A travers 3 femmes et leurs mêmes aspirations au sein d’une société dont seules les apparences ont changé, à travers les siècles, nous découvrons que des femmes peuvent être mal à l’aise dans le rôle que la société exige d’elles. Vous remarquerez que je fais des efforts pour adopter le lexique féministe : « rôle », « que la société exige d’elles ». Si j’étais plus macho, je dirais qu’il nous a fait la caricature de l’éternel féminin insatisfait, qui se venge sur son entourage et sur lui-même de ne pas réussir à s’accepter, lui et le monde, tel qu’il est.
Car oui, les femmes souffrent ! Elles souffrent souffrent souffrent de cette satanée société qui n’a pas changée et qui se complaît à leur attribuer des seconds rôles sous la férule d’hommes cupides, inexistants ou tyranniques, qu’importe les adjectifs qu’on pourra attribuer aux oppresseurs tant que ceux-ci oppressent !
- Bien avant les babas yagas et leurs maisons de retraite interdites aux hommes (déjà qu’ils sont presque tous morts à cet âge), la première de ses héroïnes, au 13ème siècle, va s’exclure de la société, non pardon, intégrer une communauté religieuse qui refuse toute autorité institutionnelle, les béguines. Qui ne rêve pas aujourd’hui de détruire toutes les institutions dans notre société et de recréer quelque chose de neuf à partir de rien ? Vous voyez bien ? Ces utopies qui ont massacré nos sociétés occidentales du 20 ème siècle ? Rien de neuf dans ce livre. Pire, toujours cette même puanteur : il n’y a pas de continuité, il n’y a pas de tradition, le monde est laissé aux désirs de chacun qui va d’auto-destructions en égoïsmes, voire en jalousies, idéologie qui croit pouvoir se réaliser en dehors de tout, en dehors de tous, foncièrement dissidente.
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Le deuxième héroïne de son livre, une bourgeoise du 19ème siècle, va se libérer de toutes ses contraintes sociales. Celle-là est en fait la femme idéalisée de mai 1968. Du carcan sociétal, l’auteur passe à la caricature du carcan familial que tant de femmes auraient à « subir » (lexicologie féministe). La famille n’est pas un lieu de réalisation et d’ouverture, de découverte d’une dimension nouvelle de notre humanité, elle est ici un lieu d’enfermement.
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Enfin, nous passons à notre époque moderne, à la jeune starlette oppressée par tout un système capitaliste, et qui, à travers la mode, la tendance et la subversion, est encore la victime de ses propres non-choix.
Eric-Emmanuel Schmitt croit, à travers son livre, pouvoir faire le procès d’un système hideux et qui n’aurait pas d’âge : celui du carcan universel et immuable qui, dans nos sociétés occidentales, nous empêcherait de nous réaliser. Et en négatif de ce carcan, il existerait des êtres parfaits qui auraient réussi à s’en libérer, ici 3 femmes qui sont peut-être les mêmes.
En fait dans ce livre et malgré lui, Eric Emmanuel Schmitt nous offre l’image saisissante d’une dialectique morbide et qui est celle du féminisme : quand elles s’aperçoivent que l’idée d’une institution dans l’institution n’est pas viable (celle des hippies des années 70, les béguines du 13ème), quand après avoir détruit le « carcan » familial du 19ème et l’avoir remplacé par la désespérance individuelle (1968) les féministes ne survivent plus qu’à travers les modèles traditionnels, il ne leur reste plus, comme fuite idéologique, qu’à s’auto-détruire dans une société d’hyper-consommation et individualiste qu’elles ont contribué à faire naître. Tel est la vraie puanteur de « l’émancipation des femmes », et de « femme au miroir ». Non, M Schmitt, il n’y a pas de plus beau voyage humain pour une femme que de devenir épouse et mère.
Eric-Emmanuel Schmitt cherche désespérément l’idée originale qui fera de lui un écrivain subversif, enfin reconnu par ses pairs, philosophes, alors qu’en fait, il alimente tous les poncifs d’une société misandre. Loin d’apporter un éclairage nouveau sur le sentiment humain, notre auteur cultive les lieux communs d’une société féminisée dont il est le dépendant et le représentant. Participant à la destruction de notre société à travers sa fausse exaltation de quelques femmes marginales qui donnent voix à leurs sentiments les plus négatifs, je vous propose le boycott pur et simple de ses livres. Faîtes comme moi, ne perdez pas votre temps à les lire. Et puis, il y a tant d’autres causes auxquelles votre argent pourra être utile !
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