L’ère du temps a soufflé en faveur de l’insertion professionnelle des femmes. De nombreux pères s’y sont laissés prendre. Ils ont d’autant plus adhéré à ce discours social qu’ils aimaient particulièrement leur fille, au point d’être jaloux du futur compagnon qu’elles devraient servir. Pour eux, le féminisme a aussi été une excuse pour étendre leur sphère d’influence publique. Le mariage, surtout dans notre société de la consommation, devenait secondaire. Le monde avait besoin de responsables au féminin. Qu’importe les enfants ou la famille. Les pères allaient envoyer à ce monde leurs filles, eux qui étaient garants du bon fonctionnement de la marche sociale.
Mais ces bons sentiments ou ce désir malsain au choix allait contribuer à déstructurer notre société, et plus encore à détruire les filles détournées de leur vocation première : la famille. Je pense que Marine Le Pen illustre à la fois combien ce détournement aura porté tort à notre pays, à cette personne elle-même et finalement à son père. Elle en est l’illustration emblématique et va le devenir toujours plus dans les années à venir parce qu’il est difficile d’arrêter le cours d’une tragédie.
Et si Jean-Marie Le Pen avait eu un fils, le cours de l’histoire en aurait été-il changé ?
Je ne le crois pas. Il y avait chez lui cette volonté de voir la France de nouveau sauvée par une femme comme elle l’avait été auparavant par Jeanne D’Arc. Les signes du temps correspondaient, la dégénérescence, l’envahissement du territoire national par la mécanique anglo-saxone, la perte de croyance, l’idéalisation française des femmes. Dans un mimétisme extraordinaire avec une majorité de ces populations arabes déracinées qu’il disait vouloir limiter sur le territoire national, il a alors choisi sa famille plutôt que la France.
En matière de mimétisme, ce réflexe tribal, fut d’autant mieux compris dans les banlieues que Jean-Marie Le Pen y avait toujours joui d’une opinion très favorable. Le débat national n’avait d’ailleurs aucun sens pour les étrangers de l’époque. Ceux que je connaissais en tout cas, au début des années 80, ne comprenaient même pas que la France ne puisse pas agir de manière souveraine. Venant de pays où les dictatures prospéraient, beaucoup de mohamétans, quand ils avaient une opinion politique, voulaient faire partie d’une France souveraine. Il ne leur avait pas encore été appris la haine de leur pays et de leurs concitoyens par d’anciens rouges, et les femmes loin de se voiler, voyaient l’accession à la nationalité française comme d’une libération. Ce temps est très loin.
Marine Le Pen est l’héritière de son père jusqu’à la caricature, jusque dans ce mimétisme qui l’a fait exclure du parti politique celui qui l’avait fondé. Jean-Marie Le Pen n’avait-il pas agi comme tel avec tous ceux qui l’avaient contesté ? Celui-ci voyait en elle la France femme triomphante, catholique. Elle n’a été que le prolongement de son fantasme populiste et personnel. Mais ce fantasme date. Il n’a pas été mis au goût du jour, n’est plus incarné par un vécu particulier, et désormais il pourrit dans le marécage de l’histoire.
Elever ses enfants, chérir son époux, faire la fête, à la rigueur prendre quelques dossiers dans un cabinet d’avocat, tel aurait été une vie ambitieuse pour Marine Le Pen. Au lieu de cela, son père l’a désignée pour lui succéder et a fait son malheur. Cette élection présidentielle aura été un révélateur de la situation au Front National mais aussi et par le plus grand des hasards pour bon nombre de partis politiques. L’élite historique qui nous représente avec son féminisme, aura été incapable de construire un cadre cohérent, si bien que les débats auront mis à jour la médiocrité de tous pour faire élire le seul qui surnageait dans cet océan d’incompétence : Emmanuel Macron.
Tous les mensonges accumulés depuis des années, à gauche sur le communisme, à droite sur le réflexe de caste, au Front national sur la question tribale, n’auront pas réussi à faire élire l’un de ceux-là, contrairement aux décennies précédentes. La gauche libérale libertaire revient au pouvoir parce qu’elle est seule à occuper le terrain idéologique, et qu’à côté, tout le monde la suit à l’odeur.
Dans son fief, Marine Le Pen participe à cette mascarade qui aurait fait horreur à son père. Elle aura renoncé au libéralisme économique, non par conviction, mais pour se positionner de manière originale sur l’échiquier politique et parce que les hommes qui l’entourent désormais, aussi efféminés qu’ils soient, lui montrent le nord. Jean-Marie Le Pen voulait une Jeanne d’Arc, il a eu une fille à papa influençable comme tant d’autres, poursuivant son élan, mais dans une direction toute féminine. Ainsi, est-elle aussi plus souple sur les questions sociétales car elle incarne son sexe et son histoire qui est celle d’une fille des années 80 pétrie de ce même féminisme à qui elle doit tout.
Les temps ont changé, et elle ne fait que bénéficier des rentes accumulées par la génération précédente, comme une Angela Merkel. Le costume de Président de la République qu’elle convoite, s’est révélé trop grand pour elle. Même les commentateurs communistes le constate. Elle en est devenue à ce point rassurante qu’elle n’a même pas suscité l’opposition épidermique du camp adverse. Car quand Jean-Marie Le Pen perdait, en fait, il gagnait le véritable combat, celui des idées. Aujourd’hui, toujours plus de gens votent pour sa fille sans qu’elle ne soit jugée comme d’une menace crédible pour le système oligarchique. L’un triomphait dans la défaite, l’autre échoue dans la victoire. Tout un symbole.
Outre le champ de ruine qu’elle va laisser après son passage, sa situation personnelle et celle de la France sont d’autant plus préoccupantes. Il faudrait être bien froid pour ne pas les considérer ensemble et avec un peu de miséricorde. Quand une personne n’est pas au niveau de ses ambitions, elle souffre, les autres avec, et si je veux bien croire que les politiques soient des animaux à sang froid, si elle a hérité de son père, je ne peux m’empêcher de penser au drame personnel qu’elle vit surtout dans le cas où elle serait lucide sur sa situation ou celle de son parti.
Le Front National représentait la seule entité d’opposition crédible. Elle se révèle être une coquille vide gouvernée par une absente. Jean-Marie Le Pen s’est réfugié définitivement dans sa croyance en soutenant le mouvement Civitas. Les ponts sont coupés avec Marine Le Pen, et comment pourrait-il en être autrement ? La fille qui était faite pour suivre le père, ne sait plus quelle est sa route désormais qu’il est loin d’elle. Mais leurs caractères respectifs, trop proches, les éloigne à jamais l’un de l’autre. La tragédie est en place. Marine Le Pen ne peut qu’échouer et Jean-Marie Le Pen a fait ce qu’il fallait pour qu’aucune autre personne ne puisse la remplacer. Il a suicidé son propre parti et la France, lui qui voulait les perpétrés. Nous sommes bien peu de chose au regard de l’histoire.
S’il faut tirer bilan de ces échecs de Jean-Marie Le Pen, le féminisme semble en être une des pierres angulaires qui a fragilisé l’édifice. Par idéologie, cet homme d’expérience a été poussé à mettre en place une femme à sa succession pour combattre tous les préjugés dont il avait souffert. La question de la tribalité renvoie éminemment à l’emprise des mères sur l’idée qu’il se faisait d’une nation et des chefs qui devaient la gouverner, dixit la référence obsessionnelle à Jeanne D’Arc. La volonté de forger Marine Le Pen comme d’une guerrière nous rappelle qu’un père ne peut vouloir le féminisme pour sa fille sans désirer la destruction, et qu’il appartient à Dieu seul de déroger aux lois naturelles qu’Il a fixées.
Alors même que Jean-Marie Le Pen ne défendait pas le féminisme, le fait même qu’il ait agi en tant que féministe, a autorisé l’échec, et permis le malheur de tous. Une bonne leçon pour ceux qui seraient tentés, à l’avenir de miser sur la « libération » de la femme. Car plus qu’une idéologie défendue par quelques illuminées, le féminisme est surtout un ancrage culturel partagé par toute une population qui veut la mort plus que la filiation, en direction de ses fils. Marine Le Pen ne se sera pas réalisée dans sa famille, mais elle n’aura pas pu, non plus, endosser les ambitions indifférenciées de son père. Et si ce n’est un miracle, il ne pouvait en être autrement.
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