Les Américains devraient arrêter de faire la guerre au monde entier pour se concentrer sur ce qu’ils savent faire : raconter des histoires. Je me demande d’ailleurs à quel point ils se lancent dans des conflits armés pour alimenter le scénario de leurs films et non l’inverse. Barbie (2023) est la preuve évidente de cette réussite.
Synopsis :
Barbie a été largement critiquée par les féministes ces dernières années. Matel, la société productrice de la poupée, a décidé de remettre l’Église au centre du village avec ce film : loin de propager des stéréotypes, Barbie a été l’icône de la libération de la femme pour les petites filles. Barbie est l’outil féministe qui a bouleversé leurs représentations dans leurs jeux d’enfants, pour leur donner envie de s’intégrer sur le marché du travail. La scène d’introduction est d’ailleurs mémorable. Plagiant l’odyssée de l’espace, l’évolution devient Barbie. C’est volontairement outrancier, et réussi.
A ce propos, beaucoup de commentateurs sont restés bouche bée devant ce film. Que ce soit les féministes ou les réactionnaires, personne n’a vraiment su quoi en penser, et ceci pour une bonne raison : ce film est profond. Au risque de me répéter, si les Américains ont une qualité, c’est de pouvoir vendre des congélateurs à des Esquimaux avec leurs films. Ici, le monde d’avant est décrit comme terne. L’imaginaire maternel ne peut suffire aux petites filles. Barbie débarque et la petite binoclarde va pouvoir enfin s’identifier à un modèle de réussite, autant professionnel que physique.
Voilà ce qui est désormais dénoncé comme stéréotypes par les nouvelles féministes. La révolution mange ses enfants. Le modèle barbie était surtout conçu pour élargir l’imaginaire des filles, non pas pour le restreindre. D’ailleurs Barbie, c’est comme Jhonny Halliday, elle s’est soumise à toutes les contorsions commerciales possibles pour vendre. Barbie est devenue nègre, ou niak quand la mode a été au multiculturalisme. Après s’être contentée du rôle de potiche, elle a endossé toutes les professions valorisantes de la terre. Mais l’existence même d’un modèle déplaît aux féministes, parce que celles-ci finalement, détestent intérieurement ce qu’elles sont devenues, et cherchent le viol, pour que les hommes remettent le monde à sa place et leur redonnent cette identité qu’elles ont perdue. Rien ne plaira jamais aux féministes que je soupçonne de vouloir retourner à leurs fourneaux, avec ou sans burqa. Il est évident qu’au jeu de la modernité, à vouloir tout conquérir, elles ont perdu le principal : leur famille. Quand elles ne se sont pas perdues elles-mêmes. Le film Barbie essaye de réconcilier les attentes de ces dames et de leur donner de nouvelles perspectives. A la fin du film, hommes et femmes se réconcilient, mais les femmes se réconcilient aussi avec leur nature : le film se termine alors que Barbie prend rendez-vous chez le gynéco. Oui, vous avez bien lu. Nous sommes loin de l’idéologie woke.
Comme dans la nouvelle version de mad max (fury road), les commentateurs sont restés à côté de la plaque. Les féministes comme les réactionnaires. Dans un certain sens, Barbie est un autre de ces films antiféministes qui s’ignore. Oui, Barbie a saccagé la famille traditionnelle. Mais elle est prête à faire amende honorable et reprendre le droit chemin. Oui, Barbie a méprisé Ken et l’a réduit à un homme objet, tel qu’aurait pu agir un macho avec une femme, et elle a eu tort de le faire. Oui, une femme doit se sentir proche de sa nature et envisager la maternité comme d’une réalisation personnelle. Barbie enceinte ne sera peut-être plus si bizarre dans les années à venir.
Mais le film va encore plus loin. Il décrit précisément comment les femmes s’y sont prises pour dominer les hommes. D’abord, les femmes dominent. Puis elles se laissent séduire par le patriarcat. Heureusement, les féministes leur ouvrent les yeux. Et les femmes vont définitivement reprendre le pouvoir en montant les hommes les uns contre les autres, en les rendant jaloux, ce qui fonctionne assez bien.
De nos jours, en france, il est rare de trouver un homme qui n’attende pas de répondre aux attentes féminines, aveuglément. La guerre entre les hommes a abouti à l’infantilisation de ces hommes, qui n’ont plus que des femmes pour repère. Et le film Barbie décrit précisément comment les femmes s’y sont prises pour cela. Plutôt culotté. Ca viendrait de moi, on dirait que j’exagère. Ici, ça passe crème. Personne pour le relever.
Pour le côté positif du patriarcat, certaines influenceuses y ont mis le holà. Plusieurs ont quitté leur homme suite au film (preuve qu’elles ne l’ont pas compris), et une autre a même donné ce conseil aux autres femmes si ce dernier trouvait le patriarcat bien décrit au sortir de ce film. Et en effet, la patriarcat, ça ne fait pas du bien qu’à Ken. Voir du muscle, de l’entraide, des grosses bagnoles, de l’esprit de conquête, j’ai soufflé. Voilà longtemps que je n’avais pas vu ça dans un film. Et je suis certain que je n’ai pas été le seul au vu des réactions de ces influenceuses. Le film Barbie les dérange en vérité. Celles là ne veulent même plus envisager l’existence d’un pouvoir masculin au nom de toutes ces souffrances dont nous devrions les soulager. Le projet, c’est l’élimination des hommes de leur sphère de pensée, et continuer ainsi à se vautrer dans leur narcissisme. Finalement, quitter leur homme a été le meilleur service qu’elles aient pu leur rendre.
Enfin, ce film joue méchamment avec l’image des dirigeants qui ont commandité ce film. Je sais que les Américains voient dans l’auto-dérision, une forme accomplie d’humilité. Pourtant, dans notre monde politiquement correct, cette démarche dénote, preuve qu’il y a encore de la vie aux usa.
Ce film, truffé de références à des monuments du cinéma, explore la psychologie féminine à fond, sans en avoir l’air, jusqu’à mettre en dialogue la créatrice de Barbie et Barbie elle-même. La femme de l’ancien monde transmet à la jeunette son amour et ses recettes humaines. Très touchant. Chaque dialogue mériterait d’ailleurs d’être analysé. Dans l’un de ceux là, Ken relativise le patriarcat et accède au monde des sentiments.
Evidemment, tout est caricatural dans Barbie, mais volontairement caricatural. Et les hommes doivent faire preuve de la même humilité que les dirigeants de Matel ont eu, pour progresser. Cette caricature d’hommes nous montre peut-être comment sortir des caricatures. Ryan Gosling, toujours proche du cinéma d’auteur, et qui a accepté de jouer dans ce film, ne l’a pas choisi pour rien. Barbie n’est pas une super production formatée, mais un film courageux qui a pris bien des risques, que ce soit dans le scénario, dans la mise en forme, ou dans les dialogues. Parfois comédie musicale à la « west side story » (lorsque les garçons s’affrontent), parfois film d’ambiance à la « Odyssée de l’espace » (introduction), parfois film de science fiction à la « Matrix » (choisir entre la pilule rouge birkenstock et la pilule bleue talon aiguille), bourré d’humour, Barbie est une vraie contorsion idéologique, plutôt réussie. Car tenter de réconcilier une pin-up sortie des années 50, transformée en working girl triomphante dans les années 80, avec toutes ses variantes professionnelles improbables des années 2000, n’était pas gagné d’avance. Ce conte pour enfants est plutôt réussi. Le poulet sans tête s’agite, mais il continue d’avancer. Car Barbie est par excellence, la femme « d’extérieur ». Or ce modèle n’a pas encore trouvé le moyen de se réconcilier avec la femme d’intérieur, ni ici, ni chez les féministes. Et pour cause : cette réconciliation n’est peut-être pas possible, capitalisme triomphant ou pas, une femme devant surtout renoncer à la tentation d’être tout dans ce monde.
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