Un anonyme dans un embouteillage, veut subitement rentrer chez lui, au milieu des insultes des cris, des odeurs nauséabondes, des panneaux publicitaires régressifs. Le film raconte son retour at home.
Pourquoi une telle envie, et qu’est-ce que « chez lui » ? Le spectateur va le découvrir à travers deux histoires : celle d’un père répudié pour incapacité sentimentale, et celle d’un policier qui lui court après, époux castré, trop à l’écoute de sa femme. Ces deux là ont perdu leur petite fille mais pour deux raisons différentes. L’un va s’entêter à y croire et l’autre en revenir à sa vie d’homme, arrêtant de chercher à satisfaire tous les désirs de sa femme. L’un trop à l’écoute, l’autre pas assez.
Chute libre est d’une rare intelligence. Il nous montre combien il ne faut ni écouter la société, ni écouter les femmes en tant qu’homme. Ou plutôt comment il faut se construire en tant qu’homme avant de satisfaire et les désirs de la société et ceux de sa femme.
Bien des hommes vivent dans le mensonge. Ils s’imaginent qu’il suffit d’être un bon petit travailleur, bien intégré socialement, un « Américain moyen » comme le dit le personnage principal, d’écouter maman, pour réussir sa vie de couple. Ceux-là, immatures, se réveillent souvent tard de leur rêve lunaire. Ils font le tour de cet astre tels des astronautes, allégorie pré oedipienne de notre anonyme en perte de repère, avant de réapparaître sans que personne ne sache s’ils sont encore vivants. Il est bien possible qu’ils ne le soient plus, que la majorité d’entre eux ne le soient plus. Ce que nous montre le film.
D’autres ont bien compris quel était l’ampleur du mensonge dans notre société. Le monde de maman et du parfait petit travailleur, n’est pas réel. Les incompétents fourmillent, il faut faire avec, en se servant de toute l’expérience affective accumulée. Car la compétence, c’est d’abord une question humaine. Cependant, il n’est pas possible de répondre à toutes les variations sentimentales d’une femme, au risque de se perdre en tant qu’homme. Juste équilibre à trouver.
La folie du personnage principal est particulièrement jouissive. Son immaturité le pousse à remettre de l’ordre dans le monde, tel que le ferait un bon père. Entre les lignes, le spectateur pourra comprendre que cet homme et que cette société souffrent de l’absence de père. Tel un de nos terroristes modernes, notre père divorcé soigne la décomposition familiale actuelle de manière radicale, en rétablissant l’ordre et la justice qui lui manquent tant dans son environnement. A la fois héro et anti-héro, ce gamin cherche seulement retrouver le chemin de la maison. Et pour ce faire, il fera plier le monde à sa volonté. Le policier, lui, très souple, trop souple, devra se réaffirmer au sein de son foyer.
« Chute libre » nous propose le portrait de deux hommes qui sont l’envers d’une même pièce, en nuance. Ce monde est faux, mais il faut savoir faire avec, même si en tant qu’homme, nous n’y avons plus notre place.
Si vous trouvez une version originale de ce film, sautez dessus. A part celui du policier, de nombreux doublages sont particulièrement ratés en français. Le film perd la moitié de son sens à cause de ça. Les répétiteurs français saccagent souvent les intonations, quand ils les comprennent. De ce côté, c’est une catastrophe absolue, ici comme ailleurs.
Laisser un commentaire