Je manipule ce concept de « domination féminine » depuis pas mal de temps. Et quand j’ai ouvert le livre de Vincent Dussol, je m’attendais au minimum à me retrouver en terrain connu. Tel n’a pas été le cas. Ce livre a étendu ma vision de l’antiféminisme au champ de la biologie et même dans certains domaines de la psychologie. Qui pourrait croire que la prévalence féminine est déjà inscrite dans nos gènes depuis l’aube de l’histoire ? Et pourtant.
L’histoire du vivant commence par une cellule primitive qui fait figure de principe féminin de base se reproduisant indéfiniment à l’identique jusqu’au jour où ce qui ressemble à un principe mâle bouleverse l’ordre de ce clonage. Le principe mâle surgit comme un accident mystérieux dans l’ordre du vivant mais qui va le précipiter vers une infinité différenciée, de génération en génération, et de plus en plus différenciée.
A partir de là, l’auteur, Vincent Dussol, va organiser son concept de domination féminine. Le livre véritablement axé autour de la biologie et débouchant sur la psychologie est marqué par l’immanence qu’il cherche parfois à relier à une forme de révélation, cette articulation fonctionnant mal. Mis à part cela, la démonstration est transcendante. Comme l’homme qui se sait en position d’infériorité, il avance ses idées sans en faire des affirmations marquées. Mais je crois que ce sentiment qui a pour but de laisser place aux raisonnements du lecteur cache une certitude profonde appuyée sur une démonstration scientifique sûre. Même en prenant ce genre de pincettes, l’idée restera difficile à admettre : des êtres d’une fragilité physique certaine, ayant à peu de choses près, le même cerveau que nous et l’apparence psychique de la faiblesse, partent avec une longueur d’avance en termes de maîtrise de leur environnement, et ce depuis le début du vivant. Les hommes viendraient des femmes, non seulement par leur naissance mais encore par leur histoire, philologiquement et ontologiquement diraient certains.
Grâce à sa façon minutieuse de décrire cette évolution biologique, l’auteur enrichira certainement le lecteur antiféministe qui sera capable d’envisager l’hypothèse de sa propre domination. Les liens d’interdépendance entre hommes et femmes n’ont pas été assez explorés à mon goût, mais dans une époque comme la nôtre où le féminin semble être partout et le masculin nulle part, ce livre participera à rééquilibrer la balance en donnant des points d’appuis forts à un lecteur homme qui voudrait grandir en maturité et en intelligence.
EXTRAITS
Sur le déni de grossesse.
P120
« S’agissant des mères qui abandonnent ou éliminent leur bébé, les cas recensés au cours de l’histoire sont beaucoup plus nombreux qu’il n’y paraît. A cet égard, les statistiques concernant la mort subite du nouveau-né ont été revues à la baisse. Un certain nombre de ces morts inexpliquées seraient en réalité imputables à des négligences de la part des mères sinon à des actions directes. De plus, dans la grande majorité des cas d’infanticides, les rapports statistiques font état de femmes jeunes, généralement célibataires, sans aucun lien direct avec le père de l’enfant et en tout état de cause totalement étrangères à tout projet de filiation. Ce sont les plus exposées à ce que les psychiatres ont appelé « le déni de grossesse ». beaucoup plus que les circonstances défavorables qui amènent les femmes à abandonner leurs enfants voire à les éliminer, il semble que ce soit l’absence de tout projet parental coordonné avec le père qui soit à l’origine de ces « déraillements » de l’instinct maternel. Ici encore l’éthologie animale a permis de comprendre et peut-être d’interpréter autrement cet attachement instinctif de la mère à ses petits. La reproduction, dont la mère reste le sanctuaire, lui consacre naturellement ce pouvoir ontologique de donner la vie, cela ne fait aucun doute. Mais elle tout aussi capable de donner la mort… Les exemples tirés de l’observation animale où la mère précisément tue et dévore ses petits dépassent largement en fréquence les cas similaires chez le mâle. Il est vrai que les hommes se montrent aussi parfois très agressifs et violents envers leurs enfants. La plupart du temps ce ne sont pas leurs propres enfants. Il leur arrive hélas dans des accès de colère clastique de les brutaliser au point de les tuer. En revanche lorsqu’une mère élimine son enfant, elle le fait bien souvent à l’insu de tout le monde, froidement, presque naturellement pourrait-on dire, et parfois même sans aucun état d’âme comme nous le révèle l’actualité. Sans véritablement en comprendre le sens, elle va le plus souvent tout mettre en œuvre pour dissimuler son crime. Pour autant, les femmes conserveront toujours cette réputation de mère aimante, tendre et attentionnée à l’égard de leurs enfants. Il faut se méfier des lieux communs et des évidences. »
Sur le rapport de la femme à son propre corps et à la séduction.
P148
« La femme n’a rien à refouler et ne ressent donc aucun interdit. Le sexe de la femme, cet organe vagino-oral qui l’établit dans le manque, est aussi une image de la castration et de l’anéantissement. Elle captive attire et s’approprie sans retenue. Cependant, l’absorption, qui caractérise sa sexualité, pourrait tout aussi bien glisser vers la prédation pour peu que ses instincts s’enkystent dans le déni la privant ainsi de l’altérité.
En outre la femme n’a jamais totalement abandonné le tout premier et le plus ancien objet de jouissance, c’est à dire l’investissement à sa mère. Cette intimité lui fait appréhender son corps sur un mode narcissique et incestueux. La femme jouit d’elle-même, de sa féminité, de son intériorité comme elle jouissait enfant du corps de sa mère… dès lors l’accès symbolique, condition de l’accomplissement de sa sexualité et de sa féminité, que ce soit à travers son plaisir sexuel comme à travers ses activités maternantes et culturelles, doit se situer dans l’ordre du signifiant qui peut seul la transcender. C’est le passage obligé par le discours « fondateur ». »
Sur la confusion des genres en occident.
p196
« A l’opposé de la distinction radicale et précoce, observée dans les sociétés traditionnelles, l’Occident souscrit à une confusion des genres qui tente d’annuler la différence entre les sexes, source de hiérarchisation et d’inégalité. … La mixité qui en est le corollaire a titularisé cette confusion des genres. Dès lors, l’imaginaire se substitue au réel, la subjectivité l’emporte et annule toute objectivité à l’endroit du sexe. Ce refus de la différence s’inscrit dans un besoin narcissique et auto-suffisant. Le sujet ne peut se rapprocher et aimer un autre soi-même, dans une relation redevenue fusionnelle, infantile et narcissique. C’est l’échec à l’altérité, le rejet de la procréation, le déni de généalogie pour un retour à l’état indifférencié des origines. »
Sur l’égalité.
P255
« Le débat sur l’égalité entre les hommes et les femmes repose sur un malentendu parce que le concept d’égalité est fondamentalement de nature juridique et politique, et s’avère impuissant à traiter des rapports entre les sexes qui eux sont, avant toute autre considération, de nature biologique. »
Sur la position du père par rapport à la procréation.
P307
« Si la mère a toujours la certitude biologique de sa maternité, le père en revanche vit dans l’incertitude constante sur sa paternité. Rien n’est jamais acquis et il reste à la merci de la destitution, du désaveu ou du déshonneur. La peur ne cesse de le talonner face à cet ennemi intérieur, dont l’exorcisme ne repose que sur la seule confiance qu’il peut éprouver envers sa compagne. Après la fécondation, l’incertitude demeure et l’angoisse des premiers ébats amoureux ne va pas pour autant l’abandonner. »
Sur le phénomène des femmes battues.
P314
« Il est facile pour un homme de battre une femme et d’abuser de sa force physique. La différence morphologique est là, irréfutable et place systématiquement l’homme dans le rôle de l’agresseur et la femme dans celui de la victime. Mais un homme peut-il frapper (à mort comme le relève souvent l’actualité) sa compagne sans raison, par plaisir et par simple défoulement, celle qui est là pour assouvir sa pulsion sexuelle en même temps que son désir inconscient mais toujours présent de filiation ? A l’origine de ce dérèglement et de ce déchaînement passionnel, il faut toujours rechercher une frustration, un rejet quand ce n’est pas une humiliation. L’homme, il est vrai, n’est pas toujours en mesure de contenir et de réprimer son désir pour la femme, mais si tel n’était pas le cas, que deviendrait alors le pouvoir de séduction dont les femmes savent jouer si habilement et de quel ascendant sur leurs partenaires pourraient-elles alors se prévaloir ? »
Sur la domination naturelle des femmes sur leurs enfants et la situation du père.
P377
« L’homme, dans ses exploits pour inscrire sa lignée dans le temps et la soustraire à l’emprise du matriciel, est d’autant plus vulnérable que sa parole ne peut passer chez l’enfant qu’au travers du filtre maternel. Ce verrou est bien connu de la psychanalyse. La mère a tout pouvoir sur ses enfants certes, mais aussi indirectement sur le père en disqualifiant à son gré son discours et c’est si facile au regard de son ascendant biologique procréatif. La parole instituante du père, qui a pour but d’inscrire l’enfant dans le temps et la généalogie, doit être validée par la mère pour être acceptée et produire ses effets. La perception même du père par son enfant est inféodée à la volonté de la mère et dans certains cas elle ne résiste pas au déni qui fonde la toute puissance maternelle. Ainsi les femmes, si elles n’oeuvrent pas du côté de la mort physique, et encore… n’en sont pas moins expertes quand il s’agit du meurtre symbolique. »
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