_ « Yesss ! Encore quelques jours de gagnés. »
Numéro 9 avait exprimé sa satisfaction dès le petit déjeuner, et il se dégageait de lui une bonne humeur insolente. Tout comme numéro 5 qui se sentait bien placé à cause des bonnes grâces du public. Ils fanfaronnaient tous les deux. Quand la discussion se mit-elle à dévier entre ces hommes, ce serait difficile à le dire. Mais les propos des uns entraînant ceux des autres, et la joie étant communicative entre ces rescapés, numéro 7 finit par dire :
_ « Tu n’es pas le champion des chiottes numéro 10.
_ Et toi, le moutard, heureusement qu’il était hologrammique. Tu l’aurais massacré sinon.
_ Il faut prendre exemple sur numéro 5 et 9. Ils vont faire cocu le public.
_ Je vous avais dit que la production manigançait tout. Regardez, c’est numéro 1 puis 2 qui ont été éliminés dans l’ordre. Coïncidence ? Simple hasard ? Mon cul ! »
Ces réflexions s’étaient faites avec toute la bonne humeur possible et imaginable. Les psychologues appellent cela un phénomène de décompensation je crois. Nos candidats avaient besoin de s’exprimer pour se soulager de leurs tensions. Mais le public ne l’entendit pas de cette oreille.
Cette fois, ce n’est pas le complotisme qui fit scandale, mais cette apparence de fraternité révolue. Les habitants de la ruche n’avaient plus souvenir de la camaraderie entre hommes. Et quand ils virent ceux-là se tancer de manière virile, ils saisirent tout de suite qu’un phénomène inhabituel s’était produit et qu’un interdit avait été franchi. Sur les réseaux sociaux, les insultes fusèrent, par jalousie du côté des hommes, et par terreur du côté des femmes. Ces hommes, dans la grotte, se laissaient aller à leurs instincts primaires et ils devaient être sanctionnés. La ruche devait y remettre bon ordre. Une pétition promue par l’intelligence artificielle fut signée par des millions de citoyens. Un éditorialiste célèbre affirma que leur présence dans la grotte ne les autorisait pas à tous les excès et que humainement, un tel comportement n’était pas admissible, même à titre expérimental. Sinon, nos valeurs ne voulaient plus rien dire. La grotte devait être un endroit de progrès mais aussi d’éducation. Et qu’en l’occurrence, l’éducation leur avait manqué, que la moindre résurgence de patriarcat devait être combattue pour éviter que « la bête immonde, dont le ventre encore chaud menace, ne reprenne ses exactions ». For satisfait de sa formule, notre journaliste rigolait intérieurement de s’être bien tiré sur la nouille sur le dos de son public.
Alors la production décida d’une punition collective à l’égard de tous les patriarcaux de la grotte. Numéro 5 et numéro 9 n’y échappèrent pas, ce qui provoqua des tumultes parmi les fans de ceux-là. Mais, même eux durent répéter mille fois « Je suis un gros con de patriarcal ». La séance fut filmée et mise en scène de manière admirable. Et lorsque l’un d’entre eux s’emmêla les pinceaux, ils durent tous reprendre depuis le début. A la suite de cet « incident », ils se regardèrent étrangement. Et le public fut comme subjugué par l’incantation qui semblait revenir en boucle dans leurs cerveaux. La phrase, marrante au premier abord, potache, avait fini par changer de sens. Seul le premier degré persistait dans les têtes, car après mille répétitions, plus personnes n’avait envie de rire. Voilà comment l’humour patriarcal fut chassé de l’esprit des candidats mais surtout, du public.
Luc Fréminot n’en pouvait plus. Il se félicitait d’avoir insisté à ce point pour que la ruche reprenne à son compte cette nouvelle forme de télé réalité. Même si les reines étaient sceptiques, elles lui faisaient confiance. Et il savait par expérience des procès que le tumulte et la dénonciation affermissaient le pouvoir de la ruche. Implacable, il utilisait consciemment la mécanique « victime, bourreau sauveur » pour modeler les esprits. Le patriarcal serait rééduqué quoi qu’il en coûte. D’abord la ruche lui apprenait sa leçon gentiment. Puis il déviait. Enfin des gens comme lui, Luc Fréminot, les remettaient dans le droit chemin. Et ainsi de suite jusqu’à la pureté virginale. Car il comptait éradiquer chez eux, et dans la société, la moindre trace de masculinité toxique : « De la bonne pâtée » pensait-il en secret. « Le peuple a besoin de sa bonne pâtée. Il faut que nous, dirigeants, nous leur indiquions qui haïr et comment, pour canaliser tous leurs mauvais penchants. Voilà comment nous les amèneront à nos vues. Par leurs propres manques de vertus. » Cette réflexion sibylline conclut son entretien intérieur. Sur son écran hologrammique, il se délectait à la vue des patriarcaux qui ânonnaient, estimant que la mise en scène de la grotte se déroulait encore mieux qu’il ne l’avait anticipé. Les imprévus avaient mis du piquant à l’affaire, et il comptait bien poursuivre sur ce chemin.
Dans la grotte, les conversations s’étaient faites plus méfiantes. Mais tous, stressés psychologiquement, avaient besoin de donner un sens à ce qui était arrivé et d’en parler. La production elle-même fit venir un psychologue pour éviter le blocage et désamorcer le moindre ressentiment qui pourrait se retourner contre la ruche. Il fallait voir s’ils étaient rentrés dans le cadre et s’étaient réappropriés le langage commun :
_ « Nous allons nous distribuer le bâton de parole pour alimenter le débat. Vous avez dépassé les limites de la ruche, et vous avez peut-être le besoin de vous exprimer sur le sujet ? »
Numéro 5 voulut prendre le bâton le premier :
_ « Je ne savais pas que j’avais cela en moi. Je m’excuse pour toutes les femmes que j’ai choquées. Telle n’était pas mon intention.
_ Un autre veut-il prendre la parole ? Oui numéro 9 ?
_ Cela vient du plus profond de nous. Je n’en reviens pas. Je ne croyais pas… »
Et numéro 9 se mit à chouiner doucement de tout son être. Puis il cria :
_ « Oui un homme ça pleure !
_ Mais numéro 9, nous ne vous en voulons pas de pleurer. C’est bien. Vous avez fait beaucoup de chemin. Ca se voit. Personne ne vous juge ici. Numéro 10 veut intervenir. Passons lui le bâton.
_ J’ai pris du plaisir à parler avec vous. C’était comme si nous avions été amis, solidaires. J’ai éprouvé beaucoup de joie à le faire.
_ Je crois que numéro 4 veut vous répondre.
_ C’est vrai, moi-aussi. C’est pas parce que nous sommes concurrents que nous devrions nous haïr.
_ A vous numéro 3.
_ N’est-ce pas cela le côté terrible du patriarcat ? On a l’impression de faire quelque chose de bien, et on se transforme en monstre de violence. Où toute cette violence nous aurait-elle conduits ? Je m’en veux d’être ce que je suis.
_ A vous numéro 6.
_ La violence n’a pas de limite. La masculinité toxique est partout. Le moindre geste, le moindre regard. C’est un effort de tous les jours. Nous sommes là parce que nous sommes malades.
_ Passons le bâton à numéro 7.
_ Ce n’est peut-être pas si grave ? Bon, nous nous sommes laissés aller un peu. Mais personne n’est parfait !
_ A vous numéro 9.
_ Nous devons devenir parfaits et purs. C’est notre mission sur cette terre. La sainte ruche et nos mères du ciel le veulent. A genoux . Nous ne sommes qu’une bande d’impies ! »
Et numéro 9 s’était mis à genoux, pendant que les autres l’avait suivi plus ou moins prestement, selon leur caractère. La psychologue reprit la parole quand tout le monde fut installé en cercle :
_ « Numéro 9 a voulu exprimer sa contrition par la prière envers nos saintes reines. N’y-a-t-il pas de plus beau moyen pour avancer sur le chemin de la rédemption ? Numéro 9 est un peu ému, mais faisons lui confiance pour cette prière.
_ Mes bons amis, nous avons péché, nous avons encore fauté contre la sainte ruche, alors exprimons nos plus vifs regrets de tout notre coeur. QUE LA RUCHE NOUS PARDONNE ! »
Et les autres reprirent en coeur comme ils l’avaient appris durant leur enfance :
_ « QUE LES REINES NOUS PARDONNENT ! »
Ainsi s’était terminée cette séance de contrition générale. Les spectateurs en avaient été estomaqués. Qu’il était beau de croire en la ruche. Que la ruche accomplissait de belles choses en changeant le coeur des hommes par le rituel sacré. La masculinité toxique serait vaincue, car elle ne résisterait pas à l’action du bien.
Entre les différentes contritions, les hauts et les bas du patriarcat, cette semaine s’écoula bien vite, et les candidats en arrivèrent à l’épreuve de la semaine sans avoir eu le temps de dire ouf.
Cette fois, la scène était toute simple. Seules les décorations avaient été étudiées pour donner un aspect fastueux à l’événement, sur le côté du théâtre, et ceci afin de permettre au public de se concentrer sur le grand vide devant eux. Un espace immense qui attendait Billosakis, le présentateur. Celui-ci arriva sur une musique énergisante, survolant la foule pour mieux l’exciter :
_ « Ne sommes nous pas là ce soir pour le bien de la ruche ?
_ Oui !
_ Ne sommes-nous pas là pour anéantir le patriarcat ?
_ Oui !
_ Ne sommes nous pas là par sororité les unes envers les autres ?
_ Oui !
_ Et n’allons-nous pas accomplir le destin de l’humanité ?
_ Oui !!!
_ Ah mon cher public, qui fait mon bonheur, notre mission est de toute beauté ce soir. Non, quand je dis notre mission, je veux dire « votre » mission. Car ce soir, ce n’est pas moi, ce n’est pas la production et ce ne sont même pas les reines qui vont devoir transmettre la bonne parole. C’est vous !!!!
_ Ouaih !!!!
_ L’épreuve est très simple en réalité. Chacun des candidats va défiler individuellement devant vous. Nous allons afficher dans l’espace un visage de femme fabriqué par la grande intelligence. Et notre homme devra reconnaître le sentiment exprimé par cette femme. S’il est incapable de discerner son émotion, alors vous aurez pour mission de lui envoyer une décharge électrique pour le punir. Plus vous serez nombreux à trouver qu’il se trompe, et plus la punition sera salée, et plus celui-là aura de chance d’être éliminé de la course. Vous voyez, c’est simple. Et je pense qu’il est désormais l’heure de commencer. Numéro 3, vous avez été tiré au sort pour être le premier de la liste. Avancez-vous ! »
Pas très rassuré, numéro 3 tenait pourtant à afficher sa confiance, car il sentait que de cette confiance, dépendrait aussi la quantité d’électricité qui lui serait envoyé. Le premier visage généré montra une personne souriante. Alors numéro 3 dit :
_ « La joie. »
Mais contrairement à ce qu’il aurait pu imaginer, il reçut quelques décharges électriques. En effet, les images avaient été piégées, et les plus sadiques du public avaient décidé de tester leur pouvoir sur le premier candidat. Cette image là pouvait représenter la joie, mais aussi une femme qui aurait souri avec un peu de tristesse. C’était ambiguë.
Puis vint une image de femme triste, une image neutre, une pleine de compassion, une image de rage, une image de colère, une image de femme apeurée, un visage plein de reproche. Les autres candidats étant dans une salle d’isolement, n’avaient pas l’occasion de se faire une idée de la séquence. Isolés, ils attendaient patiemment dans la terreur en imaginant le pire.
Numéro 3 s’en tira pas trop mal. Il faut dire qu’en tant que harceleur, il avait une connaissance plus profonde des sentiments féminins. Mais cela, ni la ruche, ni le présentateur ne se seraient amusés à le souligner pour ne pas encourager le patriarcat.
L’incident survint avec numéro 8. Jusque là, les candidats s’étaient faits électrocutés avec parcimonie et le jeu du présentateur avait consisté à appuyer sur les différences entre les uns et les autres pour les accuser d’être insensibles à tel ou tel trait de caractère exprimé par une femme. Bien entendu, il y avait numéro 5 et 6 qui étaient sortis lessivés de l’épreuve, mais rien de comparable avec ce qui arriva à numéro 8.
Ce dernier souffrant d’un spectre autistique léger, n’était pas capable d’identifier le moindre trait de caractère de ces visages de femmes. Alors les décharges allèrent en s’amplifiant, jusqu’à ce qu’il se mette à pleurer tel un gamin terrorisé par les invectives d’un éducateur. Et il en était seulement à la 4ème image. Le quiproquo fut d’autant plus grand qu’il avait du mal à exprimer ses émotions correctement et que le public en vint à penser que numéro 4 se fichait de lui en tentant de le manipuler par de fausses larmes. Alors la sauvagerie des téléspectateurs n’eut pas de limite.
Devant le visage de la femme en rage, numéro 4 affirma qu’elle était en joie, et le public se mit à demander mentalement le niveau de décharge le plus important, tous ensemble. Numéro 4 gigotait tel un blanc d’œuf dans une poêle chaude quand la lumière s’éteignit un quart de seconde. Les réserves auxiliaires d’énergie prirent le relais si rapidement que le public continua à demander mentalement que la décharge se prolonge, ce qui fit sauter tous les relais, non seulement de la scène mais aussi de médicis. La ville entière était dans le noir. Pas tout à fait, car les murs du théâtre, non alimentés en énergie, s’effacèrent, et une scène bizarre apparut à l’extérieur, illuminée par une lune dans son premier quartier. Dans la pénombre, il était difficile de discerner le paysage qui s’offrait aux yeux des spectateurs. Pourtant une autre ville avait surgi comme par miracle, une ville inconnue des citoyens de la ruche, baignée de rouge et de noir, de murs salis et ensanglantés, endommagés de toutes parts, avec un aspect de bidonville. Des enfants nus et sales couraient pour revenir dans leurs taudis tels des rats. Et puis des hommes erraient tels des zombis en quête de chair, maigres et affamés, les orbites noires, peureux.
Enfin, les deuxièmes relais s’activèrent pour faire réapparaître le décors fastueux du théâtre. Les spectateurs pensaient avoir eu une sorte d’hallucination, créée de toute pièce par la grande intelligence, victime d’un bug, car nous étions seulement en chemin vers la perfection. Deux ou trois spectateurs vomirent, sans comprendre pourquoi, avec l’impression de s’être vus dans un miroir, comme si Dieu les eut autorisés à scruter leur âme défaite par le péché originel. Même ceux-là ne voulurent pas aller plus loin. Les questions, c’était idiot. Ca nuisait à la confiance sociale. Il suffisait d’adhérer pour ne pas être dérangé. Renoncer au discernement, c’était accéder à la sécurité apportée par le groupe, et donc au bonheur. Plus besoin de philosophie, de quête, d’altérité, de différence, fini le deuil de la perfection, fini l’individu, fini le risque. Et vive la survie qui se confondait avec la perpétuation sociale, dans n’importe quelle condition, ce n’était pas le sujet. Tant que les visages s’illuminaient autour de soi, tant que les doses de médicaments étaient ajustées au plus prêt des besoins de chacun, il ne fallait pas se plaindre. Il suffisait d’obéir, et surtout, éviter les questions, condition impérative pour vivre tranquillement et heureux.
L’incident bénéficia à numéro 8 qui put recevoir des décharges amoindries. L’inconscient collectif du groupe de spectateurs avait été bousculé par la scène précédente d’horreur. Chacun fut plus empathique envers lui et osons le mot, plus miséricordieux. La culpabilité n’était pas loin, et le spectacle qui leur avait été renvoyé, les avait éveillés à l’humilité. Numéro 8 put échapper à la mort.
Donald qui passait en dernier fut de loin, le meilleur à ce petit jeu. Il ne reçut quasiment pas de décharges, non pas parce que l’humeur générale s’était adoucie, mais surtout parce qu’il excellait réellement à détecter les émotions sur les visages féminins. Il en fut très troublé. Avec Caroline, il s’était moult fois répété que son incapacité à prendre en compte ses sentiments d’épouse, avait ruiné son couple. Et là, la ruche venait le valider dans l’excellence de cette compréhension. Il n’avait pas fauté avec Caroline. Un bouleversement complet s’opéra en lui. L’idée désagréable d’avoir eu raison commença à s’imposer dans sa psyché. Désagréable car elle s’opposait à toutes ses croyances antérieures. Objectivement, Donald savait que Caroline avait eu tort, qu’elle avait mérité cent fois la baffe qu’elle s’était prise. Mais subjectivement, il était assailli par la culpabilité. Non, une femme ne pouvait mériter une baffe. Non, ce n’était pas bien. Non, le patriarcat n’avait pas de raison d’être. Oui, il avait été puni avec justice. Surtout qu’il avait fait preuve d’une faiblesse qu’il reconnaissait lui-même. Il s’était bien laissé aller, c’était incontestable, alors comment dès lors, pouvoir justifier son acte ? Sa propre impuissance se mélangeait avec la conviction d’avoir eu tort et raison à la fois.
Numéro 8 fut éliminé pour avoir reçu la plus grande quantité de décharges. Billosakis commenta magnanime cette décision qui résonnait comme d’une évidence :
_ « Nous sommes toujours punis par là où nous péchons. »
Ce qui en avait fait rire plus d’un. Le public s’était dispersé dans la joie et la bonne humeur tout en conservant une ambiguïté dérangeante à l’esprit. La soirée avait permis de se soulager de bien des tensions, mais l’incident électrique avait comme mis entre parenthèses la volonté générale de torturer les candidats. Pluss, la rupture l’avait comme dénoncée. Même si la grande intelligence avait fabriqué cet horrible environnement, celui-là ne collait pas avec les bonnes intentions qui auraient dû animer la machine. Ainsi, la grande intelligence pouvait penser à mal, ce que les citoyens de médicis avait du mal à admettre. Mais peut-être simplement, s’était-elle trompée ? Habillement, les journaux furent chargés de rationaliser des incohérences qui n’auraient jamais dû l’être. D’abord, la panne était le fruit d’une « exaltation débordante » des spectateurs. Elle n’était plus de la faute de l’organisation en somme. Et en un sens, c’était vrai… Et puis, les images entre aperçues avaient été pour les uns cauchemardesques, et pour d’autres magnifiques. Où était la vérité ? Il semblait là aussi, que le spectacle offert lors de la coupure d’électricité, était plus le fruit de l’imagination de chacun, que le résultat d’une réalité bien assise. Ainsi le doute fut général sur ce qui avait été entre aperçu. Chaque citoyen dut se rendre à l’évidence : l’expérience vécue par les spectateurs sur place, ou par tous les citoyens de médicis, n’avait été qu’une forme d’hallucination collective.
Numéro 8 fut autorisé à revenir dans la grotte pour prendre ses effets personnels. Moins groggy par son éliminations ou par les décharges électriques que le spectacle qui s’était offert à ses yeux durant la coupure, il navigua l’air hébété au milieu de ses compagnons d’infortune. Le croyant déçu, numéro 9 essaya de le consoler :
_ « Allez numéro 8, tu auras tout de même une bonne remise de peine ! »
Et numéro 8 lui répondit lunaire :
_ « Il s’est passé quelque chose durant mon passage.
_ Tu veux dire que t’es déçu ?
_ Non, il s’est passé quelque chose. L’électricité a coupé, je n’ai plus reçu de décharges et alors les murs du théâtre ont disparu.
_ La barrière hologrammique et cinétique a cédé !
_ Oui, mais c’est pas ça.
_ Ben alors ?
_ J’ai vu… j’ai vu », et il continuait à ranger ses affaires en même temps sans les regarder.
_ Qu’est-ce que t’as vu ?
_ J’ai vu la ruche.
_ Mais qu’est-ce qu’il raconte. T’es vraiment fatigué mon pauvre numéro 8.
Numéro 8 continua à parler dans le vague, à une personne qui n’existait pas :
_ « Oui, je suis très fatigué. J’ai toujours été très fatigué. Comme lorsque je me suis fait arrêté pour avoir voulu dessiner le visage de cette femme sans son consentement. Je voulais savoir quels étaient ses sentiments. Je voulais la connaître. Mais j’ai été puni pour ça. Tout à l’heure, j’ai été puni parce que je suis incapable de reconnaître les sentiments d’une femme. Je commence à comprendre. Tout devient logique parce que j’ai vu la ruche.
_ Eh bien on peut dire que les décharges t’ont bien entamé mon pote ! »
Et c’est effectivement l’explication qui fut retenue par tous les commentateurs de l’émission. Numéro 8 avait été complètement déstabilisé par l’épreuve, mais on avait des nouvelles de lui, et il se portait à merveille. De nombreux soins médicaux lui avaient été prodigués et il ne souffrait d’aucune séquelle, bien évidemment. Il était même heureux dans sa cellule. Cependant, il resterait en prison jusqu’à ce qu’il fut oublié de tous. La grande intelligence y veillerait. Et s’il en restait trace dans les esprits, quelques électrochocs simuleraient les séquelles d’une mort par électrocution. Car qu’est-ce que valait le sacrifice d’un seul par rapport à la survie de la ruche ? Bien sûr, c’était dommage…
Dans la grotte, seul Donald avait compris furtivement les paroles de numéro 8. Lui aussi ressentait cette incohérence. Et il se demandait bien ce que numéro 8 avait pu voir. Quelle était la réalité de la ruche ? Et pourquoi ne s’affichait-elle pas à leurs yeux ?
***
Chapitre 1 : Le mariage de Caroline
Chapitre 2 : Donald arrive chez Caroline
Chapitre 3 : La cérémonie de mariage
Chapitre 4 : La cuisine et le suicide
Chapitre 5 : la grand messe hologrammique
Chapitre 6 : Un papa parfait
Chapitre 7 : La scène
Chapitre 8 : Le patriarcal derrière les barreaux
Chapitre 9 : Le petit voyage de Donald en prison.
Chapitre 10 : La danse du feu.
Chapitre 11 : Les fées du logis.
Laisser un commentaire