Il faut les entendre toutes ces vierges effarouchées. Un des meilleurs joueurs de football au monde aurait planté ses dents dans la chair fraîche d’un de ses adversaires et l’éducation de nos enfants serait menacée, l’acte serait inadmissible, la sanction de la FIFA serait largement justifiée, M Suarez aurait privé son équipe de ses talents et aurait commis une faute morale et sportive irréparable.
Cachez cette violence que je ne saurais voir, semblent nous dire tous les commentateurs en coeur. Ces personnes complètement déchristianisées en sont arrivées à s’imaginer que dans notre société moderne, dans nos équipes sportives bien éduquées, il ne subsisterait aucune part d’animalité ou tout au moins, qu’aucune part de violence ne saurait y être admissible. Par la suite ce sont les mêmes personnes qui vous parleront de sexualité comme expression de l’amour le plus élevé, confondant l’animal et l’homme.
A la vérité, si certains pensent qu’un joueur peut être performant sans être agressif ou bien même s’il est agressif, j’ai plutôt tendance à croire qu’il mord justement parce que c’est un joueur performant. Personne n’a de plus gros potentiel que celui qui possède en lui une forte dose d’agressivité. Les meilleurs sportifs sont les plus agressifs; les meilleurs vendeurs sont mués par l’agressivité; les meilleurs penseurs sont des inquisiteurs de la logique. La violence est partout où est la performance. Notre société féminisée gavée de pétrole ras la gueule ne veut plus le concevoir. Elle a bien tort. Toute sa réussite s’est construite sur ce sentiment de violence.
Que faire de la violence ?
D’abord, accepter qu’elle existe. Oui M Suarez ou M Zidane n’ont pas pu retenir cette violence parce qu’ils étaient les meilleurs joueurs du monde de leur temps. Il arrive toujours un moment où un être vivant et performant en arrive à dépasser les bornes. D’autres joueurs ont commis et commettent à chaque match des fautes volontaires et bien plus dangereuses. Celles-là devraient être sanctionnées plus durement que ce genre de réaction, car non seulement elles sont le signe d’une animalité mal contenue mais en plus, elles se doublent parfois d’une forme de machiavélisme (en tentant d’échapper au regard des arbitres, pour faire punir injustement un autre joueur). En droit, les fautes volontairement commises sont plus sanctionnées que les crimes passionnels. Le droit qui connaît mieux la nature humaine que le football et ses 150 années d’existence, agit aussi avec plus de justice. Nous avons appris à savoir avec l’expérience, que la nature humaine était faillible. Et ce n’est pas parce qu’elles nous rappellent que l’être humain possède en lui une tendance au cannibalisme et à la destruction, que des fautes devraient être plus sanctionnées que d’autres.
Si nous refusons l’agressivité.
En sanctionnant implacablement tout débordement, c’est à la performance et au beau jeu que la société s’attaque. Elle s’attaque en premier lieu aux garçons qui sont des experts en risque. La sanction contre M Suarez a été bien trop conséquente : 4 mois d’interdiction de jouer et 9 mois de suspension, c’était une sanction morale injustifiée. Le priver du match de 8ème de finale était déjà trop. Pris sur l’instant il n’aurait pas dû écoper plus qu’un carton jaune, voire un carton rouge sans match de suspension. Pour un coup de canine peut-être moralement mérité (ne se pose-t-on jamais la question de savoir pourquoi ce sont des Italiens qui sont systématiquement victimes de ce genre d’attaques ?), les vierges effarouchées nous auront privés d’un superbe 8ème de finale ainsi que du plaisir de voir le meilleur joueur du monde évoluer contre de grandes équipes. Pendant ce temps, elles laisseront encore longtemps les petites frappes ceinturer, simuler, chialer comme des gamines dans la surface de réparation, blesser pour plusieurs mois, ou tuer le jeu par leur manque de civisme. Il faudrait savoir si le football est encore un sport d’homme ou un délassement pour fiottasses.
Les puristes ici comme ailleurs, qui se la joue « immaculé », devraient se pencher un peu sur leur conception du monde et sur les nombreuses fautes qu’ils tolèrent au regard de celles qu’ils ne tolèrent absolument pas, parce que ces dernières leur rappellent leur faillibilité intrinsèque. Oui, l’animal doit être contenu. Mais il ne peut être éliminé. Comme Dieu domine la nature, nous devons dominer notre nature animale, et non l’éradiquer. S’il nous arrive de flancher, nous n’en sommes pas pour autant irrécupérables. Faire le mal par calcul et par intérêt, devrait être, en soi, beaucoup plus sanctionné. Il est significatif que notre société s’offusque d’une animalité mal contenue, et qu’elle n’aperçoive même plus la faute morale, que ce soit dans le football ou ailleurs.
Pourquoi en dehors de toute morale, le geste de M Suarez a choqué.
M Suarez en se défendant de son adversaire, nous a rappelé que la part animale de l’intime pouvait ressortir à tout moment dans le champ indivudel et social, et que cette part animale n’était pas forcément positive. Au yeux de tous, il a brisé le contrat social qui nous lie depuis un peu plus de cent ans selon les pays et qui veut que l’animalité soit réservée à l’intime, et qu’elle y soit exclusivement positive dans ce cadre, tandis qu’elle devrait être exclue du champ social où elle y serait entièrement négative. En effet à chaque fois qu’un geste animal ressort en société, il devient la preuve évidente que notre animalité ne peut être contenue dans le simple environnement de l’intime en forme de compensation. Et cela signe l’échec du tout permis indivualiste vers lequel nous avons pourtant choisi d’orienter notre société. Or en société comme en couple, une pulsion sexuelle qui n’est pas dominée provoque un mal évident. Et ce mal a tendance à s’étendre. L’intime ne peut être le lieu exclusif de l’animalité tandis que la société serait le lieu exclusif de la sociabilité car l’animalité dans un cadre intime sépare et aboutit immanquablement à l’individualisme, ce qui est la fin des rapports intimes. Deuxièmement, tout individu est contraint par la nature animale de son être alors même qu’il se meut en société. Ne pas le reconnaître comme nous essayons de le faire, de plus en plus, est tout simplement absurde. Cette étanchéïté bipolaire est une forme de maladie sociale. Elle rejette l’animalité à la sphère intime et nous dit « débrouillez-vous dans vos vies ». Et au moindre comportement déviant en société, elle retourne le discours qui devient alors « Vous êtes entièrement responsable ». Ce dénigrement de l’intime doublé d’une sacralisation du social est le signe d’une emprise évidente d’un système social dénaturé sur la vie de chaque citoyen. La pornographie, la prostitution, la masturbation même ne peuvent servir de compensation éternelle intime à une rigidité sociale qui s’étend. La séparation complète entre sphère sociale et familiale/individualiste, est également aburde. Ce sont des personnes à psyché particulière qui forment société. Et quand la société l’oublie et rejette ses membres pour ce qu’ils sont, elle oublie également qu’elle est au service de ses citoyens avant que ses citoyens ne soient à son propre service.
Idéal catholique : la séparation de l’Etat et de la Religion.
La morsure de M Suarez n’était pas une grosse faute, mais la base comportementale que n’importe quelle société devrait prendre en compte avant d’espérer une quelconque évolution : en intégrant la part animale de chacun de ses individus, pour la dépasser, que ce soit dans l’intime ou à un niveau social, tout en gardant de la mansuétude pour ceux, nombreux, qui n’arriveront pas toujours à se contenir. Notre société devrait donc s’occuper de punir bien plus fortement les fautes volontaires, qui, quand elles ne sont pas sanctionnées, invitent à la destruction sociale ou familiale, plutôt que de punir moralement des fautes qui ne la concernent pas. Pour illustrer cette règle, M Suarez aurait dû être puni pour avoir blessé quelqu’un, non parce qu’il l’avait mordu. Si d’ailleurs on aurait voulu parler de faute morale et donc de religion, il aurait fallu rappeler que le péché d’animalité n’existe même pas. Seul l’acte qui fait dominer l’animal en nous contre ce qui nous est supérieur, est péché. Or ce genre de faute concernait le confesseur de M Suarez, non l’opinion publique. M Suarez a mordu comme il aurait pu faire un croc en jambe à son adversaire de manière bien involontaire. Il n’aurait donc pas dû être jugé publiquement pour cela. Ici, comme ailleurs, notre société s’est donc mêlée de ce qui ne la regardait pas en voulant donner aux spectateurs et aux petits n’enfants de grandes leçons de morales. Puisse un jour, l’Etat, la FIFA ou l’opinion commune se restreindre au bien public plutôt que de vouloir régimenter les consciences. Qu’ils laissent ce rôle à l’Eglise catholique dont c’est la charge et qui le fait bien mieux que tous ceux-là réunis.
Car notre Nation est aujourd’hui un peu comme un terrain de foot. L’Etat arbitre se charge de faire de la morale là où il devrait s’occuper de faire régner l’ordre public. Les terrains de foot, comme nos sociétés, sont remplies de tricheurs, de médiocres, de vilains. Et pendant qu’on laisse faire les criminels, on se charge de rendre fécond des duos qui naturellement, ne le seraient jamais sans le concours de quelques artifices institutionnels. On sanctionne la performance en oubliant qu’on en vit. Ou encore, on prêche une morale médiocre dans l’école de nos enfants tandis que leur instruction reste à faire. Et si chacun reprenait sa place ? Et si l’Etat sanctionnait les fraudeurs au lieu de les laisser courir sur le terrain politique ? Et si l’Etat s’occupait d’instruction publique au lieu de vouloir régimenter les comportements à la naissance ? Et si l’Etat favorisait les familles stables au lieu d’encourager les duos obnubilés par le rejet de la différence et avec une sexualité non féconde ? Et surtout : et si chacun commençait à juger l’autre au regard de son propre comportement ?
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