_ « En ce jour, patriarcaux, vous aurez le choix de votre épreuve. Vous combattrez comme dans les temps anciens, contre un patriarcal armé, dangereux et qui en voudra à votre vie. Vous traverserez mer et déserts, dans un environnement infesté d’animaux mortels, que la grande intelligence a reconstitué en réel, et ainsi ramener l’or de la victoire. Vous défierez l’usine des temps anciens, où la cadence sera telle, que vous risquerez votre vie, pour devenir le meilleur des travailleurs de la ruche. Vous chasserez le titanosaure avec des armes préhistoriques. Mais attention, vous chasserez le titanosaure autant qu’il vous chassera. A vos risques et périls. Dans ces épreuves, aucune aide ne vous sera apportée pour sauver votre vie. Vous pouvez dès à présent renoncer, mais renoncer aussi à votre rédemption, à la gloire, à la célébrité, et à un avenir radieux au sein de la ruche. Sinon retourner dans le néant. Vous le voyez, vous avez le choix ! »
Les 4 candidats restants regardaient fixement Billosakis, en bloc. Donald leur glissa quelques mots, et ils levèrent tous ensemble le poing droit. Puis leur meneur prit la parole et dit :
_ « Nous demandons l’immunité ».
L’immunité avait été inventée pour qu’en n’importe quelle circonstance, la ruche fut défendue. Si une personne se trouvait dans la rue et constatait un manquement aux règles essentielles de la ruche, elle pouvait lever le poing et demander l’immunité. Si une femme était victime du comportement outrageant d’un patriarcal, genre jambes écartées, mauvais regard, elle pouvait lever le poing et demander l’immunité. Alors, les services de la ruche repéraient l’appel, faisaient intervenir les services spéciaux, ou encore transmettaient l’information par puce interposée, aux plus proches citoyens qui avaient l’obligation de la défendre sous peine de perdre de nombreux points de vie. Si encore, un citoyen de médicis était pris de doutes quant à la légitimité de la ruche, il pouvait demander l’immunité afin d’être ramené à la raison par les services culturels de la ruche. Ici, il ne perdait aucun point de vie, parce qu’il reconnaissait préalablement sa culpabilité en ses doutes. Et la ruche préférait cela à toute divagation solitaire des esprits. L’immunité avait donc été prévue pour combler les carences d’un système, qui ne pouvait encore tout anticiper des humains. Billosakis était bloqué. La production aussi. Ces candidats cherchaient à défendre la ruche et ils ne pouvaient qu’être encouragés en ce sens. Billosakis poursuivit donc la procédure prévue en ce cas :
_ « Que votre demande soit bénie par les reines. Que la ruche soit votre souci. Ne déviez pas de nous, rapportez nous l’immunité ! »
Donald parla, et Billosakis fut chargé de lui répondre, tout en répétant les arguments que le grand ordinateur lui soufflait à l’oreille :
_ « Grave a été le manquement que notre sainte ruche va subir. Cette épreuve n’est pas valide !
_ Patriarcal, quelles sont les preuves que vous avancez ?
_ Les preuves sont là. Elles sont accablantes. Vous voulez nous faire jouer aux patriarcaux contre la ruche. Ces épreuves, si nous les réussissons, nous valoriserons en tant que patriarcaux.
_ Ne comprenez vous pas le second degré, patriarcaux ! Nous vous faisons endosser ce rôle pour mieux nous moquer de votre ancienne peau de patriarcal.
_ Et pourtant, vous aiguisez l’intérêt du public en promouvant la force patriarcale. Voilà qui est bien dangereux, et même, étonnant.
_ Nos spectateurs sont éduqués, ils sauront faire la différence.
_ A moins que vous vous nourrissiez de cette force… à votre corps défendant bien entendu.
_ Laissez-nous en juger. Cela nous appartient.
_ Soit. Si nous réussissons à être de bons patriarcaux, alors vous nous ferez passer l’épreuve ! Vous ne pouvez pas nous faire rentrer dans ce jeu, sans favoriser l’image du patriarcal. Est-ce bien cela que vous voulez ?
_ Certainement pas. Nous ne voulons pas jouer avec cette image et la faire revenir. Mais soyez plus précis quémandeur. Déjà, qu’est-ce qu’il y a de patriarcal à cela ?
_ Travailler, rapporter l’or, se battre et faire la guerre, ne sont-ce pas des caricatures de patriarcaux oppressant les femmes, tout en affirmant être à leur service ?
_ Quémandeur, vous n’êtes pas au service des femmes, mais de la ruche. Ca fait toute la différence. Dans les temps anciens, ces travaux vous étaient dévolus pour oppresser les femmes. Désormais, vous servez la société qui sert les femmes. Comprenez-vous la différence ?
_ Je comprends qu’on nous demande de mourir hier pour les femmes, et en ce jour pour la ruche. Or, si nous prenons ce risque, il faut une contrepartie. Dans les temps anciens, les patriarcaux ont obtenu l’asservissement des femmes. Si nous risquons notre vie, vous devrez nous récompenser. Or, nous nous servirons forcément de cette récompense pour avoir du pouvoir et pour détruire la ruche. Nous ne le voulons pas. Nous refusons de travailler, de nous battre ou de nous risquer à l’aventure dans des terres inconnues, pour une telle entreprise.
_ Votre récompense sera votre réintégration au sein de la ruche et la gloire. Peu de personnes l’obtiennent après avoir commis de telles péchés que les vôtres.
_ Nous refusons cette gloire. Nous affirmons qu’avec cette gloire, vous faîtes renaître de leurs cendres, un nouveau système patriarcal. Cette mise en scène ressemble trop et trop profondément au travail d’un patriarcal des temps anciens, à la guerre d’un patriarcal des temps anciens, aux soit-disant risques pris par des patriarcaux des temps anciens, qui traversaient les mers et risquaient soit-disant leur vie, à la recherche de la fortune pour mieux oppresser leurs femelles. Avec cette épreuve, vous vous attaquez à la ruche.
_ Les hommes doivent être au service des femmes pour détruire le patriarcat.
_ Les hommes doivent cesser d’être au service des femmes pour détruire le patriarcat !
_ Vous êtes un lâche, quémandeur, et vous masquez votre lâcheté derrière de grands idéaux. Vous ne voulez pas servir les femmes en vérité, et encore moins la ruche. Un homme doit mourir pour les femmes de la ruche. Il doit travailler pour la ruche. Il doit prendre des risques pour la ruche.
_ Alors qu’elle est la différence entre les hommes des temps anciens oppresseurs et les nouveaux hommes fidèles à la ruche ?
_ Les hommes des temps anciens se tuaient pour maintenir leur pouvoir sur les femmes. Les nouveaux hommes doivent se tuer pour mettre les femmes au pouvoir.
_ Dans les deux cas, ils meurent, ou ils risquent de mourir. Pour nous, je ne vois pas la différence.
_ Vous ne la comprenez pas, car vous êtes un égoïste, incapable de sonder les coeurs et les reins. Entre le patriarcal des temps anciens, et le nouvel homme, il y a une distance comme de la terre à la lune. Mais vous ne pouvez pas la voir car vous êtes encore un patriarcal. Le patriarcal des temps anciens risquait de mourir. De nos jours, il ne vous est même pas demandé de prendre un tel risque. La ruche prend soin de vous, pour peu que vous adhériez à ses valeurs. Elle vous protège. Elle vous offre un travail et une famille. Vous n’avez plus besoin de traverser les mers. Juste de travailler un peu, pour elle, pour les femmes. Et même cela, vous refusez désormais de le faire pour vous réintégrer. Ici, nous voulons vous rappeler combien vous risquiez dans les temps anciens, et combien de nos jours, vous ne risquez presque plus rien. L’épreuve est encadrée, et notre but n’est pas de vous faire mourir. Nous voulons que vous vous rappeliez combien les hommes eux-mêmes ont de la chance d’appartenir à la ruche.
_ Alors annulez cette épreuve. Nous ne voulons plus mourir pour vous. Nous n’en avons plus besoin. Et faire resurgir cet archaïsme, ne vous honore pas. Il nous ramène à une époque révolue où les hommes devaient travailler et risquer leur vie pour leur famille, et où ils se servaient de cette mascarade pour jouer aux chéfaillons dans leur enclos. Quand ils revenaient chez eux, ils favorisaient les stéréotypes de genre chez les femmes. Celles-là devenaient les serfs de leur appareil domestique, esclaves de leurs enfant, de leur famille, et de la société toute entière. De pauvres femmes faibles et ridicules. Nous ne cautionnerons pas un tel retour en arrière. Nous voulons être respectés, nous voulons que les femmes nous respectent, et nous voulons respecter les femmes, être égaux, et sans rôles définis à l’avance par une société putride. Egalité !
_ Si vous ne servez pas les femmes, l’égalité n’est pas possible, et alors vous vous attaquez aux femmes, et nous devrons vous punir.
_ Si nous servons les femmes, votre système n’est plus égalitaire.
_ A vous de choisir votre punition ou votre récompense… »
Donald s’était retourné vers ses camarades. Ils avaient parlé ensemble, un peu. Puis il avait prononcé ces terribles paroles :
_ « Alors que notre sang vous retombe sur la tête. Nous agirons en conscience mais si l’un d’entre nous devait mourir, sachez que par avance, nous vous accusons. »
Le décor généré par le grand ordinateur avait alors commencé à s’estomper, laissant place à l’horreur, la même que durant l’épreuve d’électrocution. Mais le public avait été moins surpris que la première fois. A peines quelques uns s’en étaient émus. Certainement un test de la grande intelligence en direction des mécréants. Il fallait s’accrocher. Pas question de se laisser berner par ces effets spéciaux.
N°3 avait choisi l’épreuve du combat chevaleresque. Il avait été muni d’une armure et harnaché à un cheval de synthèse. Face à lui, le chevalier noir, armé de sa longue lance, l’attendait déjà. Son cheval piaffait d’impatience. La grande intelligence avait recréé à merveille, l’ambiance d’un tournois du moyen-âge. Le public avait pris l’apparence des damoiselles et des damoiseaux de l’ancien temps, déguisé hologrammiquement pour assister à ce spectacle qui lui-aussi, ne manquait pas de croquignole.
Les deux cavaliers s’étaient élancés l’un contre l’autre, chacun d’un côté de la longue barrière, pointant de leur lance l’adversaire. Le choc avait été titanesque entre les deux ennemis qui en étaient tombés à la renverse. Mais les armures de synthèse étaient légères et autrement renforcées qu’à l’époque. Alors même si n°3 fut un peu sonné, il se releva tant bien que mal. Un éclat s’était logé dans son cou, juste entre le casque et l’armure. Il sentait le sang ruisseler sur son corps, et il enleva l’écharde tant bien que mal. Le chevalier noir avait l’épaule gauche déboîtée mais il avait déjà pris son épée de la main droite pour affronter son adversaire. N°3 avait opté pour un fléau, une boule piquante en acier reliée à un long filin accroché à un manche en bois. Ils se donnèrent des coups et l’armure de synthèse se déforma à proportion que la grande intelligence calculait les impacts réels et leur effet probable. Dans un soucis d’équité, la force du chevalier noir avait été programmée pour correspondre exactement à celle de son opposant. Perclus de fatigue, n°3 trébucha en même temps que le chevalier noir avança son épée dont la pointe alla se ficher dans la blessure de tout à l’heure. L’arme s’enfonça dans le cou de n°3 et le sang gicla sur la visière du chevalier noir. Surpris de son coup de chance, le chevalier noir retira l’épée et le sang se mit à sauter à gros bouillons. A chaque battement du cœur de n°3 qui s’affaiblissait rapidement, le geyser diminuait. La production intervint de toute urgence, et pour soigner n°3, et pour l’emporter loin des caméras, tout en affirmant qu’il avait été courageux, et qu’il était désormais sain et sauf.
N°5 entra en scène dans un décor tropical exempt de toute présence humaine. La chaleur était torride, le soleil écrasant, l’humidité renversante. Il devait parcourir 100kms dans des forêts montagneuses afin d’atteindre son point de chute. Qu’importe le nombre de jours que cela prendrait. Seulement, il devait se nourrir de manière autonome grâce à son équipement complet de chasse. Et se défendre aussi. Pour se faciliter l’existence, il avait décidé de suivre la rivière, quand bien même l’itinéraire semblait plus long. Or les abords en étaient boueux, et pleins de branchages. Impossible d’avancer. Après 500m d’une marche épuisante, il se décida à passer par les monts. Un crocodile de plusieurs mètres de long, puissant et visiblement excité, lui barra le passage, la gueule ouverte. Il se mit à courir de côté pour lui échapper, mais l’animal le poursuivit. Terrorisé par le danger, n°5 s’écorcha les jambes, le visage, les bras, mais il continua coûte que coûte car sa vie pesait dans la balance, et même le plus domestiqué des citoyens de médicis, gardait en lui un instinct de survie. Puis il grimpa sur un rocher et se retourna pour faire face à la bête avec sa lance. Le crocodile chercha à grimper en lançant sa gueule et se pattes en avant mais il ne le pouvait pas. N°5 ne voulait pas user de sa lance par peur de l’exciter d’avantage. Pourtant, au bout d’un moment, il se dit « C’est lui ou moi » et il tenta de lui percer les yeux avec son pic. Le crocodile poussa une sorte de rugissement avant de renoncer à sa proie, et s’en aller lentement, en tortillant de la queue.
N°5 avait gagné en conscience. L’instinct sauvage avait repris facilement le dessus chez lui. Comme quand il s’était vendu au public pour passer les précédentes épreuves. Il s’agissait de s’adapter. Et n°5 avait cela en lui. La couardise sociale s’était muée en courage individuel chez lui, pour la même question de survie.
Si n°5 pouvait facilement marcher dans la forêt, quand bien même le dénivelé était éprouvant, les animaux se concentraient sur le bord des rives, tout comme l’eau. Il lui fallait donc régulièrement se mettre en danger pour obtenir de la nourriture. Pire, dès la première journée, il ne prit pas garde de faire bouillir l’eau avant de la boire. A médicis, l’eau coulait à flots avec toutes les apparences de la virginité. Il s’imaginait assez fort pour résister à n’importe quel liquide. Il ne se posa pas la question à vrai dire, et se vida de tout ce qu’il avait avalé le matin de l’épreuve, avant de partir. Il cracha et vomit tripes et boyaux. Et quand il fut vide, de haut en bas, alors reprit-il seulement un peu contenance. Livide, blanc comme un cachet d’assistance quotidien, il poursuivit son chemin en veillant à faire bouillir son eau cette fois ci. Bien armé, il ne réussit pourtant pas à tuer un seul animal. Tous fuyaient des kilomètres avant qu’il ne les atteignent. Sa vision romantique de la chasse la rendait impraticable. Il jeûna donc durant les 5 jours que dura l’épreuve, mais persista à avancer. Allégé de 5 bons kilos, mort de faim, et bizarrement en forme, il gagna son ticket pour l’épreuve suivante, sous les acclamations du public.
N°6 fut installé au milieu d’une usine qui semblait ronflante, d’un autre temps, des débuts de l’industrialisation. Les murs en étaient noirs. Les postes de travail en étaient graisseux. Le bruit assourdissant. Son épreuve n’avait rien de compliqué en fait. Il devait emboutir des tôles en série pendant 24 heures et parfaire son quota. Sans quoi il devrait recommencer 24 heures plus tard. Personne ne suivait réellement cette épreuve. A médicis, l’image de n°6 travaillant en continu apparaissait en fond, sans le son, au cas où un accident arriverait. Et après 20 heures, l’inévitable ne manqua pas de se produire. Alors qu’il plaçait là sa 2000ème tôle, avec plusieurs heures d’avance sur son objectif, sa main ne se retira pas assez vite, et fut brisée contre le fer implacable de la machine. La main, ça ne saigne pas toujours comme on imagine. Tous les os étaient broyés, mais la circulation se faisait encore, tandis qu’un gigantesque hématome était apparu. Un os de ci de là ressortait. L’image de synthèse de Billosakis fut convoquée pour rediriger la conscience du public vers des fins plus heureuses :
_ « N°6 a été tellement courageux, que la production a décidé de valider l’épreuve ! Bien entendu, nous nous faisons un devoir de lui remplacer la main, gratuitement, par le dernier cri bionique. Bravo n°6 pour votre courage. Pendant un moment, j’ai vraiment crû voir devant moi un patriarcal ! »
Quand au petit matin, Donald fut appelé, il resta assis devant les caméras, en tailleur, puis il déclara qu’il ne participerait pas à cette épreuve, qu’elle faisait le jeu patriarcal, et qu’il n’était aucunement question qu’il mette sa vie ou sa santé en jeu. Une éruption volcanique au milieu de médicis, n’aurait pas produit plus d’effet sur la production. Depuis le début, il était prévu de faire gagner Donald pour asseoir l’omnipotence de la ruche dans les esprits et voilà qu’il ne participait plus au jeu. Elle était donc coincée surtout que n°3 était mort. Utiliser une image de synthèse, c’était s’exposer à être découvert. Déjà de nombreux détecteurs de champ magnétique circulaient sous le manteau. Grâce à de tels appareils, leurs possesseurs pouvaient distinguer le faux du vrai. Et il serait vraiment dommageable pour la ruche de s’exposer au scandale d’avoir utilisé un faux concurrent. Donc il fallait garder Donald. Mais comment faire ? Alors elle entra dans l’argumentaire qu’il lui avait fourni. On lui envoya une reine en hologramme pour valider la décision qui avait été prise depuis longtemps. Comme cela, le public en aurait pour son compte. Une mise en scène, un dialogue percutant, la mansuétude de la ruche, tout avait été prévu d’avance. Après une heure d’intenses discussions, de reprogrammation de la grande intelligence, d’hypothèses diverses et variées, une magnifique reine habillée en grande pompe, vint à la rencontre de Donald :
_ « Cher enfant, qu’est-ce qui vous préoccupe ?
_ Gracieuse mère, j’ai demandé l’immunité. Elle nous a été refusée. Pourtant persiste en moi l’idée que c’est un mauvais choix.
_ Oh enfant, vous savez combien les reines accompagnent leur progéniture quand bien même celle-ci s’égarerait ? Une mère peut-elle oublier son enfant ? Même si elles le pouvaient, moi je ne le pourrais pas. Mais avant, dîtes-moi ce qui ne va pas.
_ Je ne veux pas être jugé par une autre que vous. Pourquoi, en effet, ma liberté serait-elle jugée par une conscience étrangère ? Je m’approche d’un coeur sincère, dans la plénitude de la foi, le coeur purifié de toute culpabilité, et le corps lavé d’une eau pure. Les faux docteurs portent la marque de la flétrissure dans leur propre conscience et je ne veux pas leur appartenir. L’épreuve qui nous était proposée offensait la ruche. Je ne comprends pas.
_ Jetez-vous dans les bras de votre mère, elle vous recueillera. Les humains édictent des lois. Les reines font naître la foi. Parfois, ce qui apparaît mal ne l’est pas. Je ne vous demande pas de comprendre n°10, mais seulement de croire.
_ Et si je ne le peux pas ?
_ Alors j’interviendrai auprès de la ruche pour votre cause, et j’obtiendrai grâce. »
Donald s’était mis à douter. Il avait triché. Et tout d’un coup, les leçons de la ruche prenaient forme devant lui, la douceur des reines, la commisération du conseil, un monde où il n’y aurait plus à faire preuve de raison, où les obstacles n’existeraient plus, où le lion paîtrait avec l’agneau. Il avança sa main vers la reine. Elle lui prit la sienne, mais Donald sentit aussi le déclic de la synthèse hologrammique. Tout était faux.
_ « Grâcieuse reine, merci. Je sollicite votre mansuétude.
_ Vous l’obtiendrez. »
De nouveau le décor, les images de synthèse, la chair hologrammique se décomposèrent avant que les générateurs de secours ne vinssent en renfort du système principal. Même l’image de la reine disparut quelques instants.
La voix de Billosakis finit tout de même par retentir et sa bonne présentation redevenir l’image même de l’ordre. Le conseil avait fait grâce à Donald. Exempt d’épreuve, ce dernier échappait à la mort que la production, envers et contre Luc Fréminot, avait voulu lui réserver. Des personnes jalouses du succès du procureur s’était mises en tête de lui mettre des bâtons dans les roues. Ce candidat devenait gênant, et sa conversion apparaissait pleine et entière. Dès lors, pourquoi s’encombrer d’un tel individu ?
N°3 fut éliminé et évidemment, sa mort, soigneusement cachée. Comme pour tous les gens qui disparaissaient mystérieusement, un récit fut inventé en la circonstance. N°3 s’était remis de ses blessures. Il s’était pris de passion pour les tournois et désormais, il continuerait cette activité, dès qu’il s’en serait remis.
Vous pouvez vous demander pourquoi ces gens là mentaient à l’insu de leur plein gré. Mais en vérité nous faisons tous comme ça. Je mentais dans mon métier de pute. Je n’étais pas une pute d’ailleurs. Les reines mentaient aux citoyens. Les journalistes aidés de la grande intelligence, mentaient pour le bien de la ruche.
Nous mentons tous pour de bonnes raisons, et j’ai même appris que le mal se commet presque toujours pour de bonnes raisons. Je peux vous garantir qu’il n’y avait pas plus vierge que la conscience d’un Billosakis ou d’un Yannick Pygeamas. Et pourtant, combien leur image était hideuse en un sens. A ce point que personne ne les reconnaissait dans les rues. Entre le programme de rectification du grand ordinateur, et leur laideur intérieure, leur apparence réelle dénotait tellement de leur image publique, que personne n’aurait osé les aborder comme des personnes connues. Bien entendu, s’il arrivait que leur identité se sache, que d’obséquiosité recevaient-ils ! Je crois qu’ils en avaient conçu une forme de sagesse. Je les connaissais bien, et ils n’étaient pas si creux qu’ils en avaient l’air. Dans l’intimité je veux dire. Ils avaient acquis, non pas une conscience, mais une forme de connaissance sur le coeur humain qui me surprenait à chacune de nos conversations. Derrière l’image, et c’est bête de le dire comme ça, il y avait de vrais humains, qui n’auraient pas mérité de pendre au bout d’une corde.
Chapitre 1 : Le mariage de Caroline
Chapitre 2 : Donald arrive chez Caroline
Chapitre 3 : La cérémonie de mariage
Chapitre 4 : La cuisine et le suicide
Chapitre 5 : la grand messe hologrammique
Chapitre 6 : Un papa parfait
Chapitre 7 : La scène
Chapitre 8 : Le patriarcal derrière les barreaux
Chapitre 9 : Le petit voyage de Donald en prison
Chapitre 10 : La danse du feu
Chapitre 11 : Les fées du logis
Chapitre 12 : La décharge
Chapitre 13 : Rédemption
Chapitre 14 : Abnégation
Chapitre 15 : Il s’appelait Anthony
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