Vous en voulez de la poiscaille ? Il y en aura pour toutes les bourses. Du frais, du langoureux, du romantique, mais surtout, du vite fait. L’étalage est fourni en quantité et en qualité. Vous achetez, vous emportez, vous cuisinez, vous jetez les restes.
Pour les petites gens, plutôt en zones rurales, nous avons du badoo à disposition. Filles mères et secondes mains en quantité. Pas très sophistiquées mais solides, rurales, provinciales, à la présentation impeccable, quoique parfois de mauvais goût, chairs débordantes et œil bovin fréquents, parfois bien masqués par un snapchat. Orgueil mis en berne depuis que le premier enfant lui a fait prendre une sacrée décote sur le marché de l’occasion. Après le deuxième enfant, c’est open cuisse. Veut être aimée, mais incapable d’être émue. A retirer de l’eau tout de suite après ébullition et à consommer rapidement quoiqu’elle en dise. En couple par désespoir.
Pour les romantiques, vous avez du meetic. Cette espèce là vit avec l’idée qu’elle n’a pas eu l’occasion de rencontrer le « bon » client. Le chalutier les pêche dans les zones de classe moyenne inférieure quand l’individu est encore motivée pour se reproduire avec un partenaire stable. Espèce malheureusement en diminution. Elle gîte plus souvent dans les centre urbains. Plein d’idéaux, la meetic est une bonne bête, un peu simple certes, mais pleine de bonnes intentions. La cuisson prend plus de temps que pour la moyenne des poissons. Il faut bien l’assaisonner de salades achetées sur le marché tôt le matin. Elle aime les courts bouillons aromatisées d’herbes politiquement correctes.
Les clients avides de fugu, poisson japonais à chair délicate dont il ne faut pas rater la préparation sinon à risquer la mort, iront chercher du côté d’ « Adopte un mec ». Croyance en « l’évolution de la société » assurée. Pas de kit « morale » disponible. Les femelles des centres urbains y nagent en eaux troubles en voulant devenir mères par « l’adoption » d’un mâle reproducteur qu’elles pourront traiter comme un enfant. Les complexes d’infériorité dépassés, la femelle concentrée sur sa portée, le mâle sera normalement relargué dans la nature, à moins que le dit mâle ait eu la bonne idée de s’enfuir avant le stade reproducteur.
Pour la classe moyenne supérieure, allez voir du côté « Attractive world ». Là vous pourrez espérer faire la prise qui vous a échappé jusque là. Toute vouée à parcourir les eaux stériles de la terre entière, la chair de l’ « Attractive World » n’est pas très grasse. Elevée pour devenir un poisson performant, l’ « Attractive World » n’est pas familière des émotions, ce qui lui donne un petit goût assez commun, tout comme le requin, malgré la grande idée que le poisson se fait de lui-même.
N’espérez pas entamer le repas de votre vie avec cette espèce, et vous ne serez pas déçu. Attendez-vous plutôt à une sorte de fast food affectif : peu de temps à consacrer à l’autre, mal fait, clinquant et dangereux pour le cœur. N’espérez pas non plus une descendance nombreuse. L’ « Attractive World » n’est pas très sensible à ces choses là, raison de son célibat qui dure, qui dure, qui dure, malgré tous ses diplômes et toutes les personnes qu’elle a croisées dans son métier. La reproduction pour l’ « Attractive World », c’est pour se soulager de sa libido et de ses angoisses existentielles liées à la stérilité qui se rapproche. Les petits de ces unions, lâchés au milieu de nulle part, ont une espérance de vie assez courte.
Le Tinder, est une espèce de poisson rouge à dents longues. Il est qualifié, non sans raisons, d’ « Attractive World » du sexe. Les jeunes individus des centres urbains riches, à la queue frétillante, s’y soulagent de leur semence à bon compte. Dans leur bocal, les yeux globuleux, tournant à la recherche d’un partenaire, ils s’imaginent parfois rencontrer l’âme poisson de leur vie, simplement parce que la baise aura été bonne. Vous l’aurez compris, derrière des apparences carnassières, le Tinder est un naïf. Il croit se soulager. Il est dominé.
Comme vous le savez, la mémoire d’un poisson rouge est de 3 secondes. C’est à cette condition seule que le Tinder peut espérer survivre dans une telle zone d’élevage. Le Tinder a souvent eu un parent « Attractive World », enfin je veux dire une espèce apparentée qui vivait il y a très longtemps de cela, 35 ans en arrière.
Extérieurement, le Gleeden se rapproche du Piranha, mais il a de grandes cornes. Je ne vous le conseille pas à moins d’avoir fréquenté toutes les zones de pêche précédentes, et d’en être au dernier stade du cynisme et du handicap en matière sentimentale. Comment vous dire… en plus de ses grandes cornes, le Gleeden a la mémoire d’un poisson rouge, le goût de la chair du requin, la naïveté d’un bulot, le cœur du Fugu, et la libido d’un cachalot. Toujours plus, pour toujours moins, telle pourrait être sa devise. Une anecdote sur lui. Les cornes du Gleeden lui poussent après ses aventures nocturnes. Il cocufie son partenaire dès que celui-là a le dos tourné. Dès lors, un processus biochimique étonnant dans le règne animal va se déclencher en lui. Ses fameuses cornes grandissent, jusqu’à ce qu’il ne puisse plus rentrer dans son foyer. Tout au moins, celles-là vont le gêner au quotidien et rendre ses relations de couple de plus en plus difficiles. Il aura cru se simplifier la vie en se soulageant, il se sera trompé lui-même. Se rencontre dans les zones d’ennui, chez les individus qui ont de l’argent à perdre, et peu de passions en dehors de leur fonctionnement hormonal.
Une lectrice de l’Obs résume très bien la situation concernant ces sites de rencontre : « Tout va très vite, on se parle vite, on s’apprécie vite et on se lasse vite. D’autant plus que les applis génèrent elles-mêmes une insatisfaction. On se dit qu’on a envie de rencontrer quelqu’un, on l’idéalise. Cela crée une attente extrêmement forte et du coup dès qu’il y a un grain de sable dans le rouage : on lâche l’affaire. C’est un cercle vicieux. C’est parfois ce qui me donne envie d’arrêter ces sites qui se veulent différents par leur concept mais au final sont tous les mêmes. »
En général, et il faut le dire, les sites de rencontre sont une arnaque. Ils entretiennent un rêve, celui de se reproduire un jour.
Avant, les agences matrimoniales annonçaient la couleur : « la moitié des personnes trouvent un partenaire avec nous, 2/3 chez nous… ». Si les applications d’aujourd’hui devaient afficher leurs taux de réussite, vous comprendriez vite que vous avez plus de chance de gagner au loto, et vous vous y prendriez autrement, déjà en commençant à vous remettre en question, ainsi que la société. Mais il n’y a rien de plus tenace qu’une bonne illusion qui vous permet de ne pas en finir avec la vie par une dépression carabinée. Telle est le rôle des applications.
Aujourd’hui, les gens se mettent en couple par désespoir au fur et à mesure qu’ils accumulent les échecs. L’organisation des unions par des rencontres fortuites faites d’amour est un échec. C’était laisser à la société du divorce, le soin de choisir pour nous. Enfermés dans NOS désirs, dans NOS fragilités, dans NOS fantasmes, dans une sexualité qui repousse toujours plus loin le moment où elle va pouvoir avoir du sens, par la reproduction, nous finissons par nous châtrer. Et comme nous ne voulons pas renoncer à NOS droits d’adulescents post-soixante huitards, eh bien, la situation perdure.
Il faudrait que notre société offre aux personnes désireuses de s’engager deux choses : un contrat indissoluble et l’obligation de recueillir l’avis d’adultes qui les entourent avant de se marier. En outre, les parents, les prêtres, devraient veiller très tôt à aiguiller leurs enfants vers de possibles partenaires pour la vie, et non les pousser à « faire carrière » ! Car un jeune adulte a besoin d’être discerné, dans bien des domaines d’ailleurs, aussi professionnel. C’est à cette seule condition que nous pourrions retrouver un peu de sérieux dans notre société.
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