La volonté du Japonais d’adopter les mœurs occidentales, n’entame en rien sa culture. Voilà qui peut nous paraître surprenant en Occident, pourtant tel se vit le Japon. Il peut adopter l’école, l’économie, les habits, les routes de nos pays, il le fait d’une telle manière qu’il ne peut se départir de ce qu’il est. Le Japonais ne singe pas l’Occidental, il cherche à récupérer ce qu’il a de meilleur. Ainsi, s’il se trouvait que la force fût africaine, le Japonais adopterait les mœurs africaines, mais il n’en resterait pas moins japonais de par cette volonté de vaincre. Pour gagner le Japon est capable d’imaginer d’aller jusqu’au suicide, comme nous le montre l’existence de kamikazes à la fin de la seconde guerre mondiale. Le kami kaze est d’abord une divinité qui s’incarne dans l’individu et qui le pousse au sacrifice pour en préserver d’autres. En ce sens, nous avons peine à imaginer combien les deux bombes nucléaires qui ont explosé sur leur territoire en 1945 ont perturbé l’imaginaire collectif. Le sacrifice humain n’ayant pas réussi à empêcher la victoire technologique, l’ensemble de la société japonaise s’est alors convaincue qu’elle devait se sacrifier au progrès. Comme à son habitude, le Japon va jusqu’au bout, suscitant l’intervention divine pour se sauver de lui-même.
La dernière réforme en date : donner de l’argent aux emprunteurs
Voilà donc le Japon « moderne » à la tête des réformes économiques de nos pays industrialisés en déroute. Reprenant d’abord la mesure américaine d’assouplissement monétaire, de planche à billets diraient de moins hypocrites (1), le premier ministre conservateur Shinzo Abe
a décidé que non seulement il n’en coûterait rien d’emprunter, mais que la banque centrale donnerait désormais de l’argent pour le faire (Les Echos du 29/01/2016). Ainsi faut-il comprendre ces taux « d’intérêts négatifs ». Ceux-là vont financer une économie à tendance déflationniste mais qu’importe. Il faut agir, marcher sur les pas du grand frère américain et pourquoi pas le précéder, puisque toutes les mesures progressistes ont échoué jusque là.
La féminisation d’un marché de l’emploi déjà très féminisé
Se penchant sur les recommandations de Goldman et Sachs (Les Echos du 09/05/2014), les Japonais ont constaté que le taux d’emploi des femmes était de 18 points inférieur à celui des hommes et qu’en réduisant cet écart, la croissance pourrait augmenter de 13 %. Il n’en a pas fallu plus au premier ministre pour mener une politique volontariste de féminisation du marché du travail en commençant par montrer l’exemple et en ouvrant largement les portes de son gouvernement à celles-là, lui le conservateur.
Comme chez nous mais avec son exaltation habituelle (RTL du 08/07/2015), le Japon a donc décidé de féminiser toujours plus le marché du travail si cela était possible. Car malgré l’écart avec celui des hommes, le taux d’emploi des femmes se situe déjà un bon niveau de 62,5 %, soit quasiment identique à celui des femmes françaises qui tourne autour de 59 % en équivalent temps plein (Insee).
La peur de l’échec qui propage l’échec
D’abord, dans un pays où le taux de fécondité des femmes est un des plus bas du monde (1,4 enfants par femme), augmenter leur taux d’emploi ne manquera pas de diminuer la taille de la famille moyenne, de surcroît où plus qu’ailleurs, le foyer est le fief de la mère. A cela, Goldman et Sachs nous ressort une autre de ses bonnes vieilles recettes : favoriser l’emploi des immigrés. Or, si le Français moyen est plutôt perméable à l’assimilation, tandis qu’il a échoué dans ses projets intégrateurs, le Japonais lui, y est complètement rétif. Croire que la culture est anecdotique dans ce cas, n’est pas seulement irréaliste, mais délirant. Pourtant seuls les moyens importent aux Japonais modernes qui ont élu Shinzo Abe. Ils vont donc jusqu’au bout de leur démarche.
Qu’importe également que le marché du travail soit un des plus difficiles à supporter, source de stress, les Japonais imaginent pouvoir aller plus loin, sans toutefois détruire ce qui reste chez eux de structures familiales et sociales. Là encore, nous ne pouvons leur reprocher d’agir comme nous. Il n’en reste pas moins que dans des pays déshumanisés par le tout travail individualiste, cette attitude est suicidaire.
Enfin, la féminisation est une bombe civilisationnelle dans un pays où la différence des sexes est culturellement marquée jusque dans les intonations de la langue, et où bien entendu, les femmes ne sont pas meilleures ici que chez nous. D’ailleurs, à peine arrivées au gouvernement après avoir été encensées parce qu’elles étaient des femmes, deux ministres ont été obligés de démissionner suite à des accusations de corruption et de trafic électoral (Le Monde du 20/10/2014). Mais ni le Japon, ni Shinzo Abe, ni nos féministes qui aiment en faire un exemple, n’y voient un signe.
La femme est vue comme une ressource à exploiter, un gisement, qui n’a pas de particularités culturelles propres par rapport à l’homme. Elle peut rapporter autant. Là encore cet aveuglement répond au nôtre, surtout quand on songe à l’indépendance d’esprit et parfois même le caractère envahissant de la femme japonaise (Figaro du 11/06/2013).
1 « Crime statistique : de la planche à billets à la tyrannie » Aimeles du 24/01/2015.
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