Le manque de clarté dans le débat public à propos du Revenu Minimum dénote d’un manque de culture économique de base dans la société française.
Le Revenu Minimum est une invention néo-libérale, non pas de gauche, et pour cause, il avait d’abord pour but d’individualiser les rapports économiques. En effet, nos lointains ancêtres des années 80 vivant encore de solidarités familiales, et celles-ci entrant en concurrence avec le système économique, il fallait que le libéralisme les casse.
Pour résumer, un individu pris en charge par sa famille ne rapportait rien à la société, et ne rapporte toujours rien. Il fallait que cela change, et ce fut fait avec le RMI. Le Revenu Minimum d’insertion permettait à une personne coupée de sa famille de survivre, certes, mais il permettait également à un individu qui voulait se couper de sa famille de survivre. Ainsi, dès le départ, le Revenu Minimum regroupa des personnes aux modes de vie très différents. Des plus de 25 ans dont la priorité n’était pas le travail, et d’autres qui se trouvaient dans l’impossibilité d’être rentables pour une entreprise, eu égard aux capacités de celles-ci à générer de la croissance. Les premiers permettaient et permettent toujours de maintenir des niveaux de salaires artificiellement hauts sur le marché de l’emploi, puisqu’ils ont réduit la masse salariale disponible. Les seconds permettaient et permettent toujours d’augmenter le taux de rentabilité des entreprises en sortant les « inutiles » de l’économie libérale.
Contrairement aux idées reçues, le Revenu Minimum a donc favorisé en premier lieu les personnes qui possédaient déjà un emploi et les entreprises qui se voulaient plus efficaces. D’ailleurs, on le constate dans les pays qui n’ont pas ce genre de dispositif : l’échelle des salaires est plus large, et sans la famille, impossible de vivre. Les liens familiaux perdurent donc et entravent la disponibilité de l’individu à l’économie. Voilà en quoi ce genre de revenu est ambiguë : il favorise l’économie mais détruit les moyens pour elle de se reproduire (la famille), d’où la nécessité de l’immigration qui devient une machine à faire éclater les structures traditionnelles pour soumettre l’individu à un fonctionnement économique. Cette immigration casse également le phénomène de hausse des salaires suite à l’introduction du Revenu Minimum. Quant à l’immigré tant critiqué à droite, il doit surtout opérer un grand écart : accepter d’abandonner la sécurité familiale pour gagner de l’argent de manière plus isolée. La souffrance issue de ce genre d’acculturation est forte, même pour l’autochtone qui vient de sa campagne et qui va devoir s’intégrer en ville. Elle se fait, mais non sans heurts, sans perdants et sans gagnants, non sans injustices. Comprendre n’est pas excuser, et il le faut pour décider de manière éclairée.
Tandis que la plupart des gens croient que Le Revenu Minimum a été une mesure sociale et anti-économique, il a plutôt participé à casser la famille au profit de cette fameuse croissance économique. C’est un fait indéniable. Il a eu des conséquences importantes dans nos modes de vie. Nous ne pouvons comprendre l’augmentation de l’isolement dans notre société sans comprendre cela. Il fallait choisir entre une relative richesse couplée à une persistance des liens d’interdépendances familiaux, contre un soutien à la croissance économique. En période de ralentissement du PIB, dans une société matérialiste, nous avons misé sur une stimulation de la croissance économique pour résoudre tous nos problèmes. Nous sommes alors partis dans une fuite en avant : le nombre d’allocataires augmentant en période de crise, et la crise perdurant à cause justement de ces attaques contre la famille, le Revenu Minimum n’est plus devenu un choix, mais une obligation, sauf à se trouver face à une révolte de millions de personnes toutes unies par la nécessité.
Le faible coût du Revenu garanti
Du côté de la société des intégrés, la pression fiscale augmentant, l’allocataire du Revenu Minimum est devenu un bouc émissaire de choix : une personne qui vivait du système sans y participer. Un simple calcul montrera pourtant que le Revenu Minimum est une simple goutte d’eau dans le système social français :
500 euros * 12 mois * 2,4 millions de foyers = 14,4 milliards d’euros en 2015
A titre de comparaison, les dépenses de santé s’élèvent pour un total de 257 milliards en 2014 soit 18 fois plus. L’erreur a été de faire supporter le poids de cette mesure à des départements qui n’avaient pas les reins assez solide pour la prendre en charge, eu égard à la réalité centralisée de notre pays. Le versement du Revenu Minimum pose donc aujourd’hui problème dans ce cadre. Là encore, il est facile d’imaginer que l’idéologie d’inspiration néo-libérale qui a concouru à la mise en place de cette mesure, a aussi présidé à la décision de la gérer à un niveau local, notamment pour favoriser à terme les ajustements de montants, voire pour encourager la mobilité entre départements des allocataires.
Mais fiscalement parlant, le Revenu Minimum n’est pas un problème en soi. J’y reviendrai, il pose surtout des questions de cohésion sociale. A ce stade, je veux seulement souligner qu’il faudrait une volonté d’extermination ferme pour supprimer le Revenu Minimum et que notre société encore riche, n’est pas prête à revenir sur ses principes pour si peu, surtout qu’il faut être lucide, ces principes lui donnent bonne conscience à moindre frais. Désormais elle est donc obligée de tolérer cette mesure qui constitue un filet de sécurité peu onéreux pour un nombre croissant de personnes en situation de précarité. Les bonnes intentions de gauche couplées à l’avidité de droite nous ont menés sur un chemin que nous n’aurons pas loisir de quitter aussi facilement que nous le voudrions. Une famille en fin de parcours met des générations à disparaître. Un individu isolé peut mourir du jour au lendemain. Telle est la fragilité de chacun d’entre nous dans la société actuelle et qui justifie l’existence du Revenu Minimum. La destruction des structures familiales nous a livrés pieds et poings liés à l’État et à l’économie libérale, sa comparse. Or nous ne recréerons pas des familles stables du jour au lendemain. Il faudra donc tolérer encore pour un bon bout de temps de donner un minimum aux personne qui n’ont pas de travail, sauf à accepter de voir redevenir notre société plus violente.
Problèmes techniques
Le niveau de ce Revenu Minimum a été ajusté en fonction de plusieurs critères. Politiquement, un salarié qui se sent coupable d’arrêter son travail, exige que l’allocataire gagne beaucoup moins que lui. La distance entre le Revenu Minimum et le salaire minimum a donc été ajustée pour calmer la jalousie du travailleur pauvre, et la demande d’équité des autres. Aujourd’hui, le travailleur pauvre gagne 2,1 fois ce que gagne une personne allocataire. Plus de deux fois semble être la barrière symbolique à laquelle aucun politique ne s’attaquera. Qu’importe que le travailleur pauvre et l’allocataire aient tous les deux, de plus en plus de chance de finir à la rue, il faut :
1 Maintenir la distance entre les deux pour ne pas provoquer une hausse du vote pour les partis dits extrémistes.
2 Que toute mise à la rue se fasse de la manière la plus douce possible pour ne pas provoquer de troubles sociaux.
Ayant réussi à faire perdurer ces deux exigences, notre personnel politique a maintenu jusque là la viabilité du système. Si les gens s’apercevaient qu’on les a privés de leurs structures familiales pour les faire aller plus ou moins rapidement à la rue, cela ferait tâche…
Mais cela, la plupart des travailleurs intégrés n’en ont aucunement conscience. Eux « ils bossent » comme ils disent souvent avec une pointe d’orgueil ridicule. Dans notre société du désir mimétique, l’existence seule de l’allocataire de Revenu Minimum vient en effet briser l’idéal de consommation du citoyen lambda. Lui, ne peut/veut pas consommer, il ne peut/veut pas travailler pour consommer, il semble remettre en cause l’idéal bourgeois de toute une société.
La question de la cohésion sociale
Pour calmer la jalousie des travailleurs, qui il est vrai, connaissent des conditions d’exercice de plus en plus difficiles à cause de la féminisation totalitaire de notre société (disparition de l’entreprise paternaliste, fin de l’autorité des hommes dans la famille etc.), il a ainsi fallu mettre en place d’autres mesures. Le Revenu Minimum d’Insertion a-t-il donc laissé place au RSA il y a quelques années de cela, ce nouveau Revenu Minimum faisant référence au travail, et non plus seulement à la garantie de conditions de vie minimales. Depuis quelques jours, le nouveau président du département du Haut Rhin a décidé d’aller plus loin. Il veut que les allocataires travaillent « bénévolement » 7h par semaines. L’État qui tue la charité en cherchant à l’organiser risque surtout de fonctionnariser tout un tas de travailleurs pauvres, sans parler des questions de faisabilité, d’assurance, de coût de trajets etc… En fait, ce populisme essaye de répondre maladroitement à la peur de l’intégré, effrayé de voir émerger une société lascive d’un système social jugé laxiste. Il n’a pas forcément tort. Notre bureaucratie n’a pas créé une structure capable d’adaptation, il a voulu court-circuiter les lois naturelles à son propre profit, comme il le fait à toutes époques dès qu’il en a le pouvoir. Cependant, il ne faut pas être naïf. Le fonctionnaire sait bien que l’argent gaspillé en tant de crise risque de lui manquer si l’État va à la faillite. Le fonctionnaire n’est donc pas si laxiste que le salarié du privé l’imagine. Au contraire, il peut même être raide, car sa survie en dépend. Le problème ne vient donc pas de l’Etat qui applique ici une mesure libérale mais du Revenu Minimum lui-même, dont le concept permet peu d’adaptation et crée la polémique. En réponse, le Revenu Universel pourrait améliorer son idée première si sa mise en place était encadrée de manière stricte.
Le revenu universel, une mesure plus libérale mais peut-être plus naturelle
Distribué à tous les adultes majeurs, le Revenu Universel calmerait la jalousie des intégrés. Il pourrait être fonction de la richesse nationale produite et recréerait une conscience de groupe. Il ferait pression à la hausse sur les salaires, permettrait de diminuer le phénomène de harcèlement dans l’entreprise, si tant est que nos hommes politiques ne favorisaient pas l’immigration en même temps. Il aurait donc un bon nombre d’avantages du RSA sans en avoir les inconvénients. Pour être efficace, il faudrait qu’il remplace l’ensemble du système d’allocation actuel mais il y aurait des perdants et c’est là que le bât de notre démocratie pourrait blesser. En effet, les poules pondeuses de la République qui font des enfants seulement parce qu’elles sont financées pour le faire, gagneraient moins. Il faudrait aussi permettre aux gens de s’assurer seuls en matière de santé, avec les uns en bonne santé qui y gagneraient, et les autres qui y perdraient. Il faudrait abandonner le système de subvention aux entreprises ou encore les différentes subventions aux retraités. Il faudrait supprimer un nombre de fonctionnaire incroyable. Il faudrait protéger les femmes et les hommes qui voudraient s’engager à fonder famille par un contrat de mariage protecteur, sinon à accepter une immigration massive et destructrice des cultures nationales. Le Revenu Universel semble donc trop révolutionnaire pour être mis en place. Il bouleverserait de fond en comble une société crispée sur le moindre de ses intérêts. Il privilégierait les nationaux actifs et en bonne santé dans une société qui a un culte pour la victime qu’elle ne connaît pas. Et enfin, cerise sur le gâteau, il attaquerait encore la valeur travail dans une société qui est devenue mortifère en la matière, peut-être pour mieux la réhabiliter, mais ce n’est pas certain.
Le revenu universel : une démagogie pour la France ?
Dans notre société féminisée, je ne crois pas que cela sera possible. Les pays comme l’Espagne, la Grèce ou l’Italie, préfèrent le suicide plutôt que la réforme. Les fonctionnaires femmes, qui ont une aversion au risque, restent, tandis que leurs enfants s’en vont, quand ils ne sont pas forcés de rester à la maternelle maison, au chômage. Dans ces contrées qui nous ressemblent tant, le changement c’est pas pour maintenant. Or en la matière, il ne s’agirait pas seulement de changement mais de révolution culturelle. Ce pourrait être l’occasion pour notre pays de légitimer un nouveau contrat social, mais vu l’état de notre élite actuelle et de ce peuple qui la forge, ce pourrait être aussi le dernier coup de pelle sur le cercueil de notre civilisation exténuée, surtout si la mesure s’impose comme un mensonge comme ce fut le cas pour le Revenu Minimum.
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