Elle trône sur son siège, regardant de haut la circulation environnante, sûre de son fait, attachée à l’illusion d’être en sécurité que lui ont vendue quelques marchands perspicaces. Comment reprocher aux vendeurs de voitures d’avoir trouvé le bon filon ? Leur métier est de vendre. Ils n’ont fait qu’exploiter une des nombreuses failles narcissiques de ces dames dont l’une consiste à dominer, à écraser, à se situer en haut d’un siège et de trouver cette position normale en ce monde.
Bien sûr le marchand ne vendrait rien avec ce genre d’argument. Alors il explique à ces dames que c’est bien pratique. Que toute la famille pourra rentrer dedans, quand bien même elle serait grand-mère. Que le crossover, autre nom du SUV, est « petit ». Seulement, par rapport aux voitures du passé, ceux-là sont des monstres, aussi pratiques qu’une bétaillère, mais plus coûteux. D’ailleurs, les gens n’achètent pas de bétaillère. Ils veulent leur part de rêve et surtout, se donner de bonnes excuses pour consommer haut et fort, la conscience libérée de toute culpabilité dans une société où la religion du pardon a été évacuée.
Aujourd’hui, le meilleur moyen que le consommateur moderne a trouvé pour survivre psychiquement, c’est de se mettre dans la peau de quelqu’un qui ne fait jamais le mal. Ainsi lui vend-t-on tout et n’importe quoi, pour de bonnes raisons, mais surtout parce qu’il est devenu plus bête et plus irréfléchi que jamais. Il croit comprendre le monde alors qu’il ne connaît rien de lui.
Par exemple, au moment où tout le monde nous parle d’écologie, le pauvre de la classe moyenne achète un véhicule tout terrain en forme de gabegie environnementale conçu pour des citadins qui n’emprunteront jamais que des routes goudronnées. Il faut dire que nos gouvernants qui ont la prétention de s’occuper de tout, n’arrivent même plus à entretenir ces fameuses routes dont ils ont la charge évidente et que bientôt, il faudra peut-être un 4*4 pour aller en ville. Mais ceci est une autre histoire. La bêtise de notre élite fait seulement miroir à la bêtise de nos concitoyens qui achètent ces voitures alors qu’ils n’en ont pas besoin.
Au départ, ce n’était pas gagné. C’était fait pour les hommes. Comme d’habitude, ces derniers auraient plastronné à l’intérieur de leur bête rutilante, cherchant à se convaincre de manière infantile qu’ils sont les maîtres de ce monde. Bien qu’il y ait de nombreux modèles fabriqués en direction des hommes, sur ce point, les vendeurs se sont trompés. Les hommes s’y sont laissés moins prendre. Par contre, les vendeurs se sont aperçus avec surprise qu’une bonne partie des achats de SUV concernaient les femmes. Ils ont donc creusé l’idée et ont donné du grain à moudre à leurs consommatrices. Aujourd’hui, le SUV ce concept car bâtard, fruit d’une liaison interdite entre une voiture sans permis et un tank, est aussi acheté par des femmes qui tirent le marché vers le haut.
Mais combien ont-elles l’air ridicules dans leur gros tas de ferraille, ces petites femmes qui conduisent désormais sans mari à côté d’elles. Combien d’accrochages surnuméraires ont été provoqués par la taille de ces véhicules disproportionnés qui sévissent au milieu d’une circulation dense, souvent avec un seul conducteur à leur volant. La bêtise de cet achat doit être corrélé à la bêtise de celle qui l’a acheté et à qui le plus souvent, il ne sert que très peu en tant que tel.
A plein, le SUV nous parle de la femme moderne. Cette dernière se protège toute seule et quand vient l’incident, elle récrimine sur tout sauf sur elle-même ou sur la taille d’une voiture qu’elle ne sait pas conduire. Celle-là ne commet jamais d’erreur car elle ne sait rien de l’accident, car la prise de risque, c’est dangereux et inutile. Le SUV est là pour la garder. Il lui donne l’illusion de n’avoir rien à faire pour assurer sa sécurité.
Rehaussée à l’intérieur de son véhicule, elle comble son appétence pour la toute puissance, sa passion du confort, sa vie de non sens infini, enfin riche. Oh ! combien elle l’a cherchée cette richesse, ou tout au moins, cette apparence de richesse. Combien elle a fait trimer son mari pour ça, ou combien à l’extrême, elle se l’est donnée à elle-même, dans un coït sans phallus, s’appliquant des caresses toutes plus stériles les unes que les autres.
Messieurs-dames, la reine arrive. Elle roule vers nous. Normal qu’elle nous ignore derrière ses grandes lunettes de soleil, attentive à la route, à ne pas dévier, à aller d’un point A à un point B. Elle passe quasi immobile derrière ses vitres teintées qui cachent des rides qu’elle ne peut pas supporter. Et puis la voilà qui s’éloigne, qui fuit avec son gros derrière, ne laissant aucune trace de son passage sur terre, si ce n’est des enfants qu’elle aura fait élever par d’autres.
Entre vous et elle, il y a plus que cette vitre. Il y a toute la société qui la protège, qui l’assure, qui la marie, qui lui dit qu’elle a raison en toutes circonstances. Mais qui ne l’empêche pas de faire des erreurs. Au contraire. Tous ces avantages ne la mène qu’à l’autisme. Cette caricature de femme sera toujours plus libre sous l’emprise d’un gourou qu’en working girl indépendante. Elle le sent, mais en SUV, elle a choisi une autre direction, bien séduisant elle-aussi : le laisser-aller. Et plus que de profiter d’une hypothétique protection qui ne pourra rien contre la fatalité, son véhicule, comme le reste d’une société féminisée, la garde surtout d’évoluer. Toujours plus riche, toujours plus pitoyable.
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