Cette période est propice à la rencontre de femmes aux regards plus désespérés les uns que les autres. Probablement les films de Noël. Au détour d’une rue, elles vont le trouver. Elles s’affichent donc, l’oeil bovin, juste pour se montrer disponibles.
Mécaniquement si vous les fixez, elles cherchent à se faire désirer en détournant les yeux. Mais je sais combien elles espèrent que je les aborde, et que l’histoire la plus improbable de leur vie les réveille d’un long ennui. Alors, fini les déceptions, le spleen de l’hiver, le manque de lumière qui les pousse à de telles extrémités.
3 mois de pluies incessantes, ça doit jouer. Mon air dégagé aussi. Au milieu des doutes ambiants, je suis serein et heureux, grâce à Dieu. Le contraste est criant. Toutes ces personnes me l’ont révélé, pas seulement ces femmes. J’ignorais à quel point le monde avait crû en laideur ces derniers temps. Jusqu’à oublier l’existence de la joie, la vraie, pas celle que procure une bonne fiction, mais l’évident équilibre.
A force de renoncements et de compromis, elles sont nombreuses à avoir perdu le fil. Chez elles, l’instinct a repris le dessus, non l’hormonal, mais un vieux fond de survie. Il émet un message d’alerte sans que ce ne soit séduction. La femme qui joue de sa fragilité est irrésistible. Celles-ci cherchent à ne pas faire pitié. Pour un œil averti, la différence est gigantesque.
Il suffit de les ignorer pour comprendre la cata. Vous passez devant elles et ces aphrodites, qui n’auraient jamais daigné vous prêter la moindre attention en d’autres périodes de l’année, vont jusqu’à se retourner sur votre passage, comme si elles voulaient vous retenir.
La moisson est abondante, mais les ouvriers sont peu nombreux. Le réservoir d’hommes à engager n’a jamais été si faible. Les mâles n’en veulent plus. Ils en sont dégoûtés. Seuls les impuissants ont encore du désir pour cette espèce de lamantin. Ou bien, ils sont déjà pris dans des histoires qui vont les broyer. C’est le règne de l’amour. L’amour nous guide, jusqu’au jour où l’amour s’en va. Un juge vous fait alors comprendre l’ampleur de votre erreur. Elle voulait vivre dans un rêve. Elle ne vous pardonnera pas de l’avoir réveillée. La belle au bois dormant, mais à l’envers. Conte féministe moderne.
L’immaturité, c’est la société du rebus. Les hommes sont interchangeables tout comme les femmes. Ils suivent. Elles espèrent. Comment trouver ? Comment se trouver ? Elles s’accrochent à leurs fariboles, surtout en cet hiver, pourquoi ? J’imagine qu’une crise sourde se prépare. Un de ces nombreux revirements qu’elles ont l’art d’orchestrer. Après la libération sexuelle, nous connaissons les soubresauts durs d’un retour au puritanisme. Je ne m’y suis pas encore habitué. Nous n’avons qu’une vie. Et elles m’étonnent encore dans leur fanatisme.
Personnellement, je ne comprends pas bien comment elles peuvent vouloir remonter en selle après de telles chutes, sans se poser de questions sur leurs limites humaines. La nuit peut-être. L’instinct ne se combat pas aussi facilement. Le reproduction leur parle toujours. Même lorsqu’elles sont ménopausées, elles continuent à croire et cherchent à vous imposer des rapports licencieux et stériles. Le désir d’être engrossée face à celui d’exister. La recherche éperdue d’une masculinité qui viendrait les sauver de leur face à face.
Celles que je vois, leur prime jeunesse derrière elles, ne vivent que pour ça, sentir leur coeur bondir, surtout quand elles se sont déjà reproduites. Car libérées des objectifs qu’elles se sont fixées pour réussir une vie, pondre, les voilà à espérer l’amour encore plus fort qu’avant, tout l’inverse d’une noble démarche. Elles ont compris trop tard l’intérêt d’avoir un homme à leurs côtés, pas un simple faire valoir. Que la jeunesse est bête et manipulable.
A la télévision, une rétrospective sur la pilule me fait bondir. Je vois une affiche nous vantant les naissances planifiées pour l’équilibre des enfants. L’exact inverse de ce qui s’est produit. Les enfants n’ont jamais été aussi désirés, mais inconsciemment, et ils n’ont jamais été aussi malheureux. Jamais un cadre si malsain ne leur a été offert, grâce à la pilule contraceptive, parce que les mères décident de tout. Le mensonge de l’image est pourtant flatteur, la mère et le bébé rient aux éclats. Seuls des choix assumés vous mèneront au bonheur. Ils nous ont bien fait rêvé ceux-là aussi, comme ces films de Noël d’aujourd’hui avec leurs armées de filles mères qui se sauvent d’un ratage complet par une rencontre for opportune. Entretenir le rêve au fur et à mesure que la société se délite. Les séries télévisées comme anti dépresseurs. L’imaginaire n’a jamais été aussi pauvre, mais jamais il n’a fallu l’entretenir avec autant de verve pour sauver toute une civilisation d’un épisode dépressif sévère.
Et pourtant elles viennent presque toutes de Paris ces femelles que je croise. La ville lumière, de tous les espoirs, de toutes les réussites sociales, de toutes les facilités. L’avenir. D’habitude, ici, les rues sont vides. Là pendant les vacances, elles se remplissent à leur venue. Elles marchent en groupe, en famille. Et les voilà à croire qu’un monde ancien, entièrement disparu, pourrait resurgir du passé comme par magie et les engager dans une nouvelle existence. Comme dans ces films américains, la working girl accomplie tourne le dos au passé d’une vie trépidante, mais manquant de l’essentiel, pour se soumettre à l’amour. Enfin se l’imagine-t-elle comme ça. Abandonner le confort de la ville moderne pour retrouver le village rustique de ses origines et de bons repères.
A quel point ce monde qu’elles ont favorisé là-bas doit être cloîtré, pour qu’elles veuillent l’abandonner pour si peu, alors que cette géode représente une sorte d’idéal social au féminin : du choix, de l’emploi, de l’argent, du changement, des rencontres, une infinité de bons partis. Des oies gavées dont le foi est hypertrophié. Et le coeur avec.
Elle vit sa vie par procuration, mais elle n’est pas vieille comme dans la chanson. Elle a 20 ans, et son existence s’est terminée avant d’avoir commencé. A 35-40-50 ans, elle me regarde, et elle a beau savoir d’instinct que je suis pauvre, elle voudrait que je fasse un geste, pour commencer le jeu.
Ca ne m’intéresse plus. Seule une bonne partie de jambes en l’air pourrait me sortir de ma béatitude, si je n’en connaissais pas déjà la triste fin. Envie de la prendre par la peau du cul et de la jeter avec force à cause de son regard bovin, qui espère trouver en moi le désir qu’elle n’a jamais eu. Et en général, les femmes souhaitent tout sauf ce genre d’épilogue ridicule. Car même si elles ne l’ont pas expérimenté, elles le connaissent par coeur. Voilà qui me sauve de mes mauvais penchants, malgré moi. Heureusement. Jamais nous ne nous rencontrerons.
Le drame excite pourtant leur instinct de femelles. Et si l’impossible était encore défié, juste une fois ?
Non, ça ratera comme toujours, et je le sens si bien que je les observe de moins en moins, malgré toute ma curiosité naturelle. Je n’y crois plus. Je ne crois plus en leurs mensonges. De plus en plus souvent, je les ignore, surtout depuis que je croise le regard de ces soeurs jumelles résignées, tout comme moi. Seulement, contrairement à moi, je ne crois pas qu’elles la supporteront longtemps, cette impasse dans laquelle elles nous ont collectivement engagés. Elles feront revenir le chaos comme d’un énième appel à la masculinité. Et si je ne me trompe pas lorsque j’entrevois les prémices de leur amertume, leur chaos est déjà là en fait.
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