Fratelli tutti, « tous frères », le point d’achoppement de la théologie catholique moderne… En se penchant sur la question « Qui est ton frère ? », le Pape François a choisi de mettre les deux pieds dans le plat. Ici comme ailleurs, personne ne pourra lui reprocher d’avoir refusé d’affronter les problématiques de notre temps. Car oui, la délimitation de la notion de fraternité engage toute notre époque, ainsi que la survie du monde occidental/moderniste, certainement la survie aussi, ou plutôt la prospérité de notre Église, qui guide encore, qu’elle le veuille ou non, ces régions de l’âme où l’Islam, le communisme, ou le panthéisme ne se sont pas imposés. Oui, tout se résume de nos jours et pour nous Français, Allemands, Américains, Togolais, Espagnols etc. à « Qui est donc ton frère ? », question que le Pape refuse de poser mais à laquelle il répond comme d’une évidence : « Tous frères ».
Saint François d’Assise…
Pour faire une exégèse plus en profondeur de la pensée du Pape, il faudrait se pencher avec application sur la vie de ce saint qui donnait aux oiseaux, aux arbres, aux ruisseaux, le doux nom de « frères ». J’atteindrais ici les limites de ma très faible érudition. J’avancerai toutefois que cet élan de coeur du saint, et sa proximité avec la création, ne devraient jamais faire l’objet d’un détournement syncrétique, panthéiste ou communiste. Ici, je n’accuserai pas le Pape François d’un tel abus, cependant qu’il me semble avoir été trop loin en utilisant cet héritage à des fins de mauvaise politique. Mais commençons par les erreurs de logique du document « Fratelli Tutti ».
Confusion entre « prochain » et « frère »
Généralement, ce document confond totalement les principes de « proximité » et de « fraternité ». En d’autres termes, le prochain est assimilé à un frère. Et même plus encore, même si le frère n’est pas proche, il reste pourtant notre « prochain ». Car comme le précise l’encyclique, nous sommes appelés à aimer tout le monde quelle que soit la proximité que nous entretenons avec lui. « Loin des yeux, loin du coeur », dicton que nous avons tous expérimenté dans nos vies, n’existe pas, et ne devrait pas exister. Voilà qui n’empêche pas le Pape d’avancer plus loin, que les communications sur internet auraient tendance à amoindrir les relations humaines. Ainsi d’un côté, nous pourrions nous sentir proches les uns des autres quelle que soit la distance, mais de l’autre, les moyens qui nous priveraient de l’odeur et du toucher amoindriraient la relation.
Cette confusion entre les termes, se retrouve aussi dans l’utilisation des Textes. Tout d’un coup, la notion de « frère » employée par Saint Paul, s’appliquerait pour le Pape à des personnes qui ne seraient pas de la communauté catholique. Contresens évident de la pensée de saint Paul qui était prêt à exclure d’une Eglise locale, les « frères » qui se comportaient mal, suivant en cela la recommandation du Christ (Matthieu 18.15-20 ). A l’inverse, dans la parabole du bon Samaritain employée par Jésus, le « prochain » deviendrait subitement un « frère », c’est à dire comme un membre de l’Église au sens large, ce que le Texte ne précise absolument pas. Pire, ce passage évoque en réalité comme prochain, celui qui va nous aider, et non celui que nous devons aider. Ce Texte pourrait donc s’interpréter comme « être à la hauteur » des meilleurs des païens, au lieu de faire de tout le monde un frère. A tout le moins une parabole qui évoque une attitude personnelle humble, et non pas un programme de politique publique.
La confusion entre tous et tout, intérieur et extérieur, est l’évident dommage collatéral d’une féminisation de notre société. L’être indifférencié, c’est l’enfant qui a du mal à sortir du ventre de sa mère, qui confond lui et les autres, environnement et intériorité. Ce mode de pensée, s’il prend des aspects élaborés, n’en reste pas moins incohérent.
Sortir de la pauvreté ou l’entretenir ? La vision archaïque de l’économie de la part du saint siège.
Le mal pour le Pape, c’est l’économie que nous avons créée, qui pourtant a permis un développement inédit dans l’histoire humaine, et dont ces tribus viennent chez nous chercher les bénéfices. Mais, à l’ancienne, le Pape voit ce développement comme une sorte de coup de chance. Il ne considère pas que notre culture nous a guéri de la pauvreté. Il considère que l’existence de cette richesse justifie un mode de redistribution égalitaire, sans se pencher sur la destruction culturelle/économique qu’engendrerait un tel procédé. Et pour appuyer ce raisonnement, il fait appel à une réflexion puritaine ou relativiste : oui le progrès technique est là, mais il reste des pauvres, et tant qu’il restera un seul pauvre, cette mécanique de création de richesse aura tort :
Car la réalité, c’est que « tant que notre système économique et social produira encore une seule victime et tant qu’il y aura une seule personne mise à l’écart, la fête de la fraternité universelle ne pourra pas avoir lieu ».[84]
Voilà qui entérine une inertie voire une oppression, car à ce compte là, nous n’y arriverons jamais, tandis qu’en acceptant une situation imparfaite, nous avons déjà bien progressé. Réflexion aussi relativiste du Pape qui évoque plus loin, des sortes de standards de consommation. Il ne suffirait plus que l’homme ait de quoi manger, l’eau et l’électricité, il faudrait aussi que les différences sociales ne soient pas trop grandes. Quand une personne a de quoi vivre, qu’est-ce qui la pousse à revendiquer plus qu’elle ne mérite par son travail, si ce n’est la jalousie ?
« Ce serait merveilleux si la croissance de l’innovation scientifique et technologique créait plus d’égalité et de cohésion sociale »
Jusqu’à preuve du contraire, le but de l’Eglise n’est pas l’égalité ou la cohésion sociale mais Jésus. Et Jésus n’a pas voulu l’égalité sur terre. Il a voulu l’acceptation des différences en ce monde et l’égalité devant Dieu. L’innovation technique permet à l’individu de choisir entre le bien et le mal, de faire plus de bien grâce aux moyens technologiques, ou de faire plus de mal. C’est tout. C’est la responsabilité individuelle qu’il faudrait travailler au lieu d’un sentiment de groupe qui prive l’individu de faire ses choix, de choisir Dieu, de faire le bien et le mal en promouvant une collectivité justement incapable d’exercer ses responsabilités parce qu’elle cache de l’hypocrisie et des intérêts individuels sous prétexte de défense du collectif.
Le Pape ignore ainsi toutes les lois économiques et n’a pas identifié en elles, une résurgence de la loi naturelle. Pourtant ô combien le fonctionnement du marché ressemble à cette nature qu’il cherche à défendre à tout prix depuis le début de son pontificat. Dans ce cadre, les pays sous-développés ont besoin de protection avant de prospérer tandis qu’il soutient :
« qu’on s’efforce « de favoriser l’accès au marché international de la part des pays marqués par la pauvreté et le sous-développement »,
recette exacte pour faire faillite en se mettant en concurrence avec des pays qui vous dépassent parce qu’au préalable, vous n’aurez pas développé un biotope économique, un marché et une épargne locales. Ecosystèmes et économies, même combat.
De même, il voit les ressources naturelles comme des trésors exploitables par tous et partout, alors que dans la pratique, seuls les pays culturellement développés peuvent les faire fructifier. Ces ressources n’ont et n’auront jamais aucune valeur ajoutée dans les pays arriérés (l’exemple de Madagascar après la décolonisation ou encore récemment celui de la Nouvelle Calédonie sont cinglants). Un jour elles seront tout, demain elles ne seront rien au gré des progrès techniques. S’il y a guerre à cause de ces ressources, c’est entre pays développés, ce qui constitue un autre débat par rapport à celui que le Pape nous propose.
J’emploie le terme « d’arriéré » à dessein. Le Pape ne le ferait pas, tout en défendant la responsabilité humaine, autre contradiction. Ainsi dans un cas, la réussite des uns ne saurait leur être attribuée pas plus que l’échec des pays/gens pauvres, mais dans l’autre, nous serions responsables de nos actes. Les riches n’auraient pas mérité leur richesse :
« Saint Jean Chrysostome le résume en disant que « ne pas faire participer les pauvres à ses propres biens, c’est les voler et leur enlever la vie. Ce ne sont pas nos biens que nous détenons, mais les leurs ».[92]
Ils auraient par contre la responsabilité de la distribuer. Et à l’inverse, les pauvres ne seraient responsables en rien de leur situation.
L’échec ou la réussite économique ne seraient donc pas le résultat de choix humains, mais descendraient directement du ciel, comme l’imaginaient les peuples archaïques…
« Tout comme il est inacceptable qu’une personne ait moins de droits parce qu’elle est une femme, il est de même inacceptable que le lieu de naissance ou de résidence implique à lui seul qu’on ait moins de possibilités d’une vie digne et de développement. »
Or ce n’est pas le lieu de naissance qui définit les êtres humains, mais les êtres humains qui donnent une identité à leur lieu de naissance. Voilà ce qui a fait et fait encore la différence entre pays développés et pays sous-développés. Les premiers ont placé l’humain au centre de leur développement. Les autres sont encore prisonniers du groupe et de visions magiques concernant « le développement », ce qui les conduit à choisir à la place les uns des autres, à décider de « droits » de manière artificielle, et ce qui les cloisonnera à jamais dans leur sous-développement jusqu’au jour où ils auront décidé d’évoluer. Cette pensée magique déresponsabilisante est à la source du sous-développement. L’homme est détenteur de son propre salut, de sa propre dignité et il ne la reçoit pas du monde dans un colonialisme moral qui rend impossible sa libération.
Pour en revenir aux pays développés, le Pape considère que nos économies vivraient d’un gaspillage immense, synonyme pour lui d’abandon des vieux dans les maisons de retraite, et d’extermination des enfants dans le ventre de leur mère. Or il n’a pas compris que les attaques contre les personnes étaient justement une rationalisation économique, transposée à l’humain , et qui s’oppose à tout gaspillage. Notre société ne gaspille rien, pas même les vieux ou les enfants inutiles dont elle se débarrasse. Au fur et à mesure que le prix des objets intègre leur recyclage, nous en sommes venus à récupérer notre merde pour la faire fructifier. A l’opposé, avec les vieux, avec les enfants à naître, nous faudra-t-il apprendre à gaspiller notre temps et notre argent pour vivre dans une société plus humaine, où la loi de la nature ne règne pas en absolu totalitaire.
La question de l’immigration
Jamais non plus, le Pape ne fait-il l’analogie entre déplacements de population et traite d’esclave. Il n’a pas identifié ce mouvement qui était à l’oeuvre dans nos sociétés modernes. Pourtant, soit l’immigré est intégré à la machine de production et il perd sa culture, soit il est désintégré. L’immigration nous condamne donc à la submersion et à la réification des travailleurs, même autochtones, ou bien à l’extermination de nombreux immigrés. Les deux ne sont pas antinomiques d’ailleurs : pour ne prendre que la France, celle-ci désintègre nombre d’immigrés, et cela ne l’empêche pas d’être en cours de submersion et de détruire un modèle économique souffreteux, tant nous vivons d’illusions marxisantes/archaïques. Cela ne nous empêche pas non plus de subir l’annihilation culturelle des peuples autochtones telle que le Pape la dénonce.
Car en vérité, l’immigration est un frein à l’augmentation des petits salaires dans les pays riches, et un assèchement de la main d’oeuvre dans les pays pauvres. Elle empêche l’ouvrier autochtone de s’émanciper grâce à l’augmentation du prix de son travail. Et en cautionnant ce mouvement, l’Église participe à un nouveau commerce triangulaire. Car Elle ne fait pas qu’accueillir l’étranger, Elle l’encourage à venir par tout un tas de structures institutionnelles/politiques. Malgré cette nouvelle traite des esclaves, selon le Pape, nous n’aurions pas le droit de voter pour des mouvements politiques qui veulent l’empêcher, enseignement contraire à celui de l’Eglise depuis les premiers temps.
Pour en revenir à des considérations religieuses à propos de la parabole du bon Samaritain, il m’est d’avis que si quelqu’un veut accueillir un étranger, qu’il le fasse à son propre compte. Mais qu’il n’en fasse pas une décision politique supportée par l’ensemble de la communauté, et dont une majorité va être victime.
Poursuivons encore sur ce chemin d’incohérences idéologiques, et abordons la vision du Pape concernant les murs. Là encore, intérieur et extérieur se confondent dans une théologie suspecte. Pour lui, une personne seule ne prospère en rien. Il lui manque « l’altérité ». Qu’en est-il des ermites de l’Église qui Lui ont tant apporté ? Disparus. Les écosystèmes qui s’enrichissent sans apport extérieur, écosystèmes qui ne sont jamais si riches qu’ils sont isolés ? Cela ne fait pas partie de son raisonnement. Tout ouvrir, tout mélanger, tout métisser pour arriver à quoi, quelle originalité ? Pas de réponse. Au contraire, ce phénomène de métissage, serait source de diversité, ce qui est antinomique.
Pour notre Pape, la libre circulation des damnés de la terre ne s’appliquerait pas aux idées. Tout d’un coup, il s’oppose aux torrents de boue et aux fausses nouvelles qui seraient déversés sur les réseaux sociaux. Sur quelle base, les individus pourraient circuler quels qu’ils soient, et les idées ne le pourraient pas ? Parce que les idées pourraient être manipulées par des méchants. Les déplacements de population ne le sont jamais eux…
Que les peuplades isolées accueillent avec ferveur l’étranger, ne lui pose pas plus de question (proposition 90). L’effet de masse de l’immigration n’est pas envisagé. Jamais les proportions ne sont abordées. Dans une vision binaire, il défend le tout immigration contre le rien immigration. Les visions mesurées ne trouvent pas grâce à ses yeux, parce qu’elles supposeraient de construire des murs.
Quand une personne n’a pas vu quelqu’un depuis longtemps, elle est contente de l’accueillir. Mais quand elle est débordée par les contacts et n’a plus une minute à elle, elle rêve d’isolement. Je ne vois là rien de plus sain, ni rien de plus naturel. Les moines eux mêmes se retirent du monde pour nourrir leur vie spirituelle riche, preuve s’il en est, que les contacts nombreux et prolongés avec un environnement populeux n’est pas la panacée, même pour l’Église. Mais ce que l’Église cultive en son sein, elle veut le refuser aux populations occidentales qui ne se supportent même plus. Alors supporter une masse d’étrangers à qui l’on dit qu’ils n’ont pas besoin de s’assimiler… voilà qui ressemble à un appel à la guerre civile.
Notre société déchoit mais la guérison viendrait d’une plus grande déstabilisation en provenance de l’étranger qui nous guérirait de notre manque de spiritualité. Ces gens venus d’ailleurs qui ne connaissent pas les problèmes de notre société, poussés par la faim, et donc, ne nous devant rien, auraient pourtant la solution, quand bien même notre Pape reconnaîtrait les particularismes locaux et même la nécessité d’être sûrs de ses bases culturelles pour être apte à accueillir l’autre :
« Il n’est possible d’accueillir celui qui est différent et de recevoir son apport original que dans la mesure où je suis ancré dans mon peuple, avec sa culture. »
Difficile de s’y retrouver. Les peuples archaïques seraient en danger à cause d’une colonisation culturelle venue de chez nous, mais le Pape n’aurait pas perçu que nous-mêmes luttions contre un appauvrissement culturel collectif. Il résout l’équation en assimilant culture commune et identité personnelle :
« 148. En réalité, une ouverture saine ne porte jamais atteinte à l’identité. Car en s’enrichissant avec des éléments venus d’ailleurs, une culture vivante ne copie pas ou ne reçoit pas simplement mais intègre les nouveautés “à sa façon”.
Ces rapports individuels, cet isolement qu’il ne cesse de dénoncer, il y revient pour justifier l’accueil des étrangers. Nous ne serions alors que des individus isolés, et la venue d’étrangers constituerait un enrichissement personnel. Quid de la culture, qui est un phénomène avant tout collectif ? Et puis, en appliquant cette maxime aux peuples archaïques, son raisonnement aboutirait à : « Accueillez l’occidentalisation à plein, et si vous n’en êtes pas capables, alors c’est que votre culture est morte. » Ce que justement il dénonce.
Dans son raisonnement, les identités pourraient donc se passer de murs et pourtant survivre, parce que l’identité des personnes ne pourrait jamais être altérée, mais enrichie. L’histoire de Byzance et la Turquie actuelle, nous prouve le contraire. D’autres exemples identiques foisonnent dans l’histoire humaine : il n’y a pas plus de préservation de l’identité personnelle dans un système alternatif à la chrétienté, que de salades dans l’espace. L’homme possède en lui un reflet du divin qui lui permet de renaître où qu’il soit et dans quelque condition qu’il soit. Je crois même pouvoir dire qu’il en est ainsi dans la nature : dès que le milieu devient propice, la nature foisonne et n’a pas besoin d’intervention extérieure pour se développer et se complexifier. Mais que vienne un agent extérieur et voilà que l’écosystème connaît dans un premier temps un appauvrissement considérable, jusqu’à ce que les espèces locales se soient adaptées, si elles y arrivent, et aient appris à se protéger, et donc à construire des murs. L’histoire de l’introduction d’espèces concurrentes dans un environnement naturel est bien documenté sur ce point. Et je ne vois pas de raison pour que l’espèce humaine échappe à cette règle.
Ici, la théologie catholique a été contaminée par un déterminisme darwinien qui veut que l’environnement définisse l’individu et sa richesse. L’histoire naturelle prouve l’inverse. L’histoire humaine aussi. Tout est déjà contenu dans la vie pour la voir éclore. L’environnement n’est qu’une contrainte pour elle, duquel elle tente de s’extraire en passant par les interstices. Le plan de Dieu est déjà contenu en l’humain, en une simple pierre. Et il passe par Jésus dans ma croyance catholique.
Au lieu de vouloir nous métisser au contact de l’autre, et perdre ainsi en diversité, je suis persuadé qu’il va nous falloir revenir et de manière urgente, au travail sur notre propre culture catholique laissée à l’abandon.
De la mauvaise politique qui finit par déboucher sur de la mauvaise théologie
La résurgence de systèmes mafieux que le Pape dénonce, n’est qu’un appendice de cette absence de murs : quand l’homme n’est plus en sécurité, il doit faire appel à des organisations alternatives pour le faire. Car la nature a horreur du vide, tout comme l’économie ne supporte pas la disparition de la propriété privée, qui constitue pour elle des murs à l’intérieur desquels elle prospère. Bien entendu, dans un monde idéal, il n’y aurait pas de péché et de mauvais comportements. Ce sera après la fin des temps. En attendant, l’homme est né pécheur, ce péché lui colle à la peau et nous ne devons pas faire comme si le monde pourrait fonctionner sans.
« Si toute personne a une dignité inaliénable, si chaque être humain est mon frère ou ma sœur et si le monde appartient vraiment à tous, peu importe que quelqu’un soit né ici ou vive hors de son propre pays. Ma nation est également coresponsable de son développement, bien qu’elle puisse s’acquitter de cette responsabilité de diverses manières : en l’accueillant généreusement en cas de besoin urgent, en le soutenant dans son propre pays, en se gardant d’utiliser ou de vider des pays entiers de leurs ressources naturelles par des systèmes corrompus qui entravent le développement digne des peuples. »
Ici, le Pape réintroduit la notion de responsabilité collective, qui par conséquent, réintroduit le principe de punition collective et les injustices archaïques qui vont avec, débouchant sur les sacrifices humains comme d’une catharsis. Par là-même, il s’attaque au salut individuel catholique. Car si nous sommes responsables collectivement du bien être des autres nations, voire des autres en général, nous sommes tributaires des échecs d’une majorité qui décide pour nous, d’un président qui détourne le mandat pour lequel il a été élu ou encore, autre exemple non limitatif, de l’ignorance générale. En vérité, l’expérience catholique nous apprend qu’il est déjà bien difficile de se gouverner soi-même, et qu’étendre cette responsabilité au monde entier, c’est charger les épaules du croyant d’un poids qu’il ne pourra jamais porter, le confinant à une culpabilité sans fin, ce qui arrive d’ailleurs aux meilleurs des gauchistes.
Et puis, si je dois me placer du côté du pauvre, non, les gens n’ont pas besoin de sauveur pour se débrouiller par leur propre moyens. Au contraire ont-ils besoin de Jésus pour se réfréner dans leur moralité intérieure quand ils sont devenus riches à force de liberté.
De même, comment le Pape peut-il dénoncer l’isolement croissant des individus dans nos sociétés « modernes » et vouloir tout en même temps que les corps intermédiaires, dont la nation, disparaissent. L’établissement d’un gouvernement mondial ne rendra pas son identité à ces individus là :
« Nous avons besoin d’un ordre juridique, politique et économique mondial « susceptible d’accroître et d’orienter la collaboration internationale vers le développement solidaire de tous les peuples ».[120]
Je pense même qu’à l’inverse, ces structures désincarnées/éloignées renforceront encore la mainmise des technocraties sur les personnes. Et pour reprendre l’exemple de la pandémie mondiale comme le Pape François le fait :
« (pendant) la pandémie de Covid-19 …nous nous sommes rappelés que personne ne se sauve tout seul, qu’il n’est possible de se sauver qu’ensemble. » (proposition 32)
Chez nous en France, au contraire, le gouvernement a pris des décisions qui nous mettaient en danger, et nous nous sommes sauvés individuellement, en faisant appel aux compétences de chacun (fabrication de masques, soin, mesures d’hygiène).
La société ne se confond pas avec le collectif, ni avec le socialisme. A l’inverse de l’idée défendu par le Pape, c’est plutôt le capitalisme qui nous a donné les moyens de soigner les gens en fournissant des produits et des respirateurs, tandis que le collectivisme nous enfermait chez nous et nous isolait en nous faisant payer le prix de ses déficiences, tout en ayant l’outrecuidance d’accuser le capitalisme ! Le manque de respirateurs et le décès des personnes âgées sont directement dus à la politique socialiste de clientélisme, d’immigration et des restrictions liées à celle-ci, pas à l’économie de marché. Tout comme les pays qui ont réussi à se développer ont dû se départir du socialisme (voir comment l’Argentine s’enfonce depuis quelques décennies grâce à son progressisme tout neuf, voir comment les états démocrates des USA ont géré cette crise). Car lutter contre ce mouvement capitaliste, c’est générer la pauvreté :
« En effet, « lorsque la spéculation financière conditionne le prix des aliments, en les traitant comme une marchandise quelconque, des millions de personnes souffrent et meurent de faim. De l’autre côté, on jette des tonnes de nourriture. Cela est un véritable scandale. La faim est un crime. L’alimentation est un droit inaliénable ». »
Si l’on doit parler d’économie, notre Pape qui défend tant la bonne allocation des ressources naturelles, ne l’exige pas des pauvres, parce que vous comprenez, les pauvres ne seraient pas responsables de leur sort. Voilà le raisonnement qui a justement permis la famine qu’il dénonce comme d’un scandale. Ce n’est pas le « droit à la nourriture » qui aidera les pauvres, mais la conscience que leur destin leur appartient, et des changements culturels qui se feront en conséquence, c’est à dire, et pour ne donner qu’un exemple qui concerne mon blog : la reconnaissance du père dans les systèmes matriarcaux arriérés.
A vouloir intervenir pour aider les pauvres petits n’Africains, à vouloir accueillir la misère du monde, nous avons seulement encouragé les mauvaises pratiques et les morts surnuméraires. Les parties de l’Afrique qui se développent le plus, sont celles qui ont été le moins « aidées » par la France et où les rapports économiques se sont construits sur la base de l’intérêt pur. A méditer. Ainsi créer un énième fond spécial d’assistance ne sera jamais une solution, mais plutôt une des causes des problèmes dénoncés :
« Et avec les ressources financières consacrées aux armes ainsi qu’à d’autres dépenses militaires, créons un Fonds mondial,[245] en vue d’éradiquer une bonne fois pour toutes la faim et pour le développement des pays les plus pauvres, de sorte que leurs habitants ne recourent pas à des solutions violentes ou trompeuses ni n’aient besoin de quitter leurs pays en quête d’une vie plus digne. »
Comme si donner de l’argent résolvait les questions de développement. Depuis le temps, ça ce saurait, dans nos banlieues ou en Afrique… Un bon père de famille sait cela. Un théologien digne de ce nom aussi : l’enfer est pavé de bonnes intentions. Et ce texte croule sous le poids des fausses miséricordes politiques.
En vient alors une évocation positive sur la vie de certains « quartiers populaires » où le lecteur pressentira sa volonté de réhabiliter la présence de populations étrangères et pauvres :
« 152. Dans certains quartiers populaires, où chacun ressent spontanément le devoir d’accompagner et d’aider le voisin, survit encore l’esprit de ‘‘voisinage’’. »
Il arrive effectivement que la pauvreté permette de nouer des liens de solidarité. Mais chez nous, les quartiers populaires, loin d’être des lieux de solidarité, sont plutôt des coupes gorge où règne l’insécurité et le racisme anti-blanc. Les mafias locales, qui organisent le trafic de drogue, encouragent seules les liens de solidarité. Type de solidarité que notre Pape dénonce par ailleurs. Les dernier liens fraternels qu’il décrit, il faut les chercher chez nous, non pas dans les quartiers populaires qui en sont des contre-exemples, mais dans des villages qui n’ont pas trop dégénéré. Dans ces quartiers dits « populaires », la culture de la pleurniche s’est tellement imposée, que malgré les milliards déversés en terme d’éducation et de réhabilitation du logement, ceux-là sont devenus des zones de non droit. Tout le monde le reconnaît désormais, jusqu’à l’extrême gauche à qui l’on doit cette faillite. L’accueil des étrangers s’est soldé ici par une transposition des problèmes en provenance d’Afrique, chez nous, sans que l’argent, ni les associations communisto-catholiques n’aient pu rien y changer avec leur idéologie féminisée. Ainsi là-bas, les garçons crèvent et les femmes pondent. Une véritable tribu comme l’humanité n’en avait pas vue depuis des dizaines de millénaires. A ce point que les mêmes qui croyaient en l’assimilation, en sont venus à promouvoir le foisonnement communautaire (le Pape parle lui de « pacte culturel »), et plus récemment chez nous de lutte contre le « séparatisme » en passant juste avant par le « vivre ensemble », tant les illusions ont vécu.
Les populations pauvres venues d’Afrique, tout comme le prolétaire blanc européen, ont été sacrifiés sur l’autel des bons sentiments. Et ceux qui sont à l’origine de ce génocide, nous parlent hier comme en ce moment, de civiliser les gens, tandis que les gens sont les gens, et que jamais rien ne pourra lutter contre la libre conscience des individus, pas même un état totalitaire rempli de bonnes intentions.
En prenant encore appui sur la parabole du bon samaritain, le Pape voudrait que nous ne soyons plus jamais indifférents aux crimes qui se passent dans la rue par exemple. Or dans la pratique, ceux qui interviennent exacerbent souvent les tensions. Notre Pape cite régulièrement Augustin dans son texte. Un autre Augustin en France a voulu jouer les bons samaritains dernièrement en se prenant pour un justicier. Il a été laissé entre la vie et la mort. S’il n’avait rien fait, tout le monde s’en serait très bien sorti. Mais il avait développé le complexe du sauveur. Il a mis sa vie en danger, pour rien. Voilà ce qui arrive quand on ne réfléchit pas aux conséquences de ses actes.
A l’inverse, autant notre Pape est favorable aux conflits individuels dans la rue pour des raisons futiles, autant les nations n’y auraient pas droit du tout :
il est très difficile aujourd’hui de défendre les critères rationnels, mûris en d’autres temps, pour parler d’une possible “guerre juste”. Jamais plus la guerre ![242]
La justice qu’un individu doit obtenir selon le Pape, devant les tribunaux, ou lorsqu’il se fait agresser et qu’il doit être défendu, n’est plus possible pour une nation. Toute sa dialectique qui assimile les lois personnelles aux lois collectives s’efface alors. La nation n’aurait plus de raisons de mander justice. Les peuples opprimés non plus. Tout cela parce que la notion de « guerre juste » aurait été détournée. Ne serait-il pas préférable de lutter contre les désinformateurs, et l’esprit niais qui encourage les gens à adhérer à des guerres imbéciles ? Bachar Al assad n’a-t-il pas eu raison de se défendre des terroristes islamistes ? S’il ne l’avait pas fait, le bilan en termes de morts n’aurait-il pas été plus important comme en Libye ? Et enfin, cette shoah que notre Pape dénonce à corps et à cris, n’a-t-il pas fallu une guerre pour y mettre fin ?
Même les soulèvements populaires ne trouvent grâce à ses yeux :
« Les manifestations publiques violentes, d’un côté ou de l’autre, n’aident pas à trouver d’issues. Surtout parce que, comme l’ont bien souligné les évêques de Colombie, lorsque sont encouragées « des mobilisations citoyennes, leurs origines et leurs objectifs n’apparaissent pas toujours clairement ; il y a des genres de manipulations politiques et on a observé des appropriations en faveur d’intérêts particuliers ».[219]
Il est vrai que les manipulations populaires font florès dans l’histoire. Seulement c’est aussi jeter le bébé avec l’eau du bain. La naissance des USA, ou de tous les anciens pays colonisés, cache certes des intérêts particuliers, mais qui pourra défendre que ces mouvements violents n’étaient pas nécessaires ? Vouloir proscrire toute violence, c’est figer un monde dans l’injustice, monde qui naît aussi de la violence, dans les cris et les larmes. Il n’y a pas de règles générales en l’occurrence. L’amour des siens, ou de la patrie, peut pousser des individus à prendre les armes, en toute justice, et à faire la guerre pour déboulonner des sépulcres blanchis. Tout comme la naïveté des populations et leur instinct grégaire peuvent les amener à participer à des manipulations oligarchiques. Combattre ce genre de mouvement collectif, ne se fera qu’en réhabilitant la responsabilité individuelle. Et surtout sans puritanisme.
En la matière, la sécurité procurée par la menace nucléaire, est effectivement une fausse sécurité :
« La paix et la stabilité internationales ne peuvent être fondées sur un faux sentiment de sécurité, sur la menace d’une destruction réciproque ou d’un anéantissement total, ou sur le seul maintien d’un équilibre des pouvoirs. »
Cette « fausse sécurité » est pourtant préférable à la guerre. Et jamais le monde n’a connu un tel développement depuis qu’il a ce pistolet sur la tempe. C’est aussi ça l’exercice d’une responsabilité qui a donné jusque là, de bien meilleurs résultats que toutes les réactions absolues, de mère protectrice. Et pour cause. Même dans les rapports humains, l’absence de réaction face à l’agression, encourage le harcèlement. Jésus n’a pas cautionné ses assassins, il les a pardonnés. Nuance. Le reste de sa vie, il l’a passée à les dénoncer, à ne pas les laisser faire, à porter la contradiction et le conflit. A semer le trouble.
Car il faut une opposition pour qu’il y ait équilibre ou martyre ou réconciliation ou entente. Sans cela, il y a chèque en blanc à satan, qui se joue de nos désirs totalitaires de perfection. Par ailleurs, Dieu ne nous a pas créés impuissants. Au contraire, nous a-t-il donné la possibilité de choisir entre le bien et le mal, entre la destruction et la vie. Les nations également ont ce pouvoir. Et à leur tête, des individus qui décident pour les autres. Cela aussi, Dieu l’a permis. Vouloir nous priver de cette liberté au nom du bien, c’est dire à Dieu : « tu as mal créé le monde. Mais moi, je vais l’organiser pour que les règles que tu nous as donnés n’aient plus cours. Je vais faire disparaître le mal. Je vais protéger les gens d’eux-mêmes en les privant de leur liberté. », et tomber de Charybde en Scylla.
L’utilisation de l’arme nucléaire n’est pas intrinsèquement mauvaise, et au contraire semble-t-elle avoir fait grandi en nous la responsabilité. Nous commettrons peut-être des erreurs dans son utilisation. Tel est le prix à payer pour avancer.
Oublier la doctrine sociale de l’Eglise ?
Après tous ces constats d’incohérences, j’en suis venu à m’interroger sur la doctrine sociale de l’Église. N’est-elle pas le boulet que nous traînons aux pieds, nous et tous les pays en voie de développement depuis le 19ème siècle. L’intervention politique du Pape est tellement anachronique, qu’il faut se demander s’il est bien du rôle de l’Église, de nos jours, d’entrer dans des débats qu’Elle ne maîtrise en rien. Déjà a-t-elle bien du mal en son sein, avec sa théologie, et pourtant a-t-elle voulu étendre le champ de ses prérogatives depuis un siècle et demi. J’ai envie de dire « médecin, soigne-toi », et en l’occurrence, si tu veux faire de la politique, administrer la maison commune, commence par bien administrer ta maison.
Or notre Eglise qui n’a même pas été capable d’organiser jusque là la gestion de ses biens, veut pourtant étendre son aura économique au monde entier. Triste attitude qui nous décrédibilise de fond en comble, sans parler du sous-développement qu’elle génère.
Nous voulons ainsi nous occuper de la paille dans l’oeil des échanges mondiaux, tandis que nous avons une grosse poutre dans nos échanges en interne, ce qui vient à m’interroger sur l’opportunité d’intervenir pour le collectif laïc en tant qu’Eglise catholique. Déjà, tant que notre Eglise n’aura pas perçu théologiquement combien rapports personnels et collectifs connaissent parfois des lois antinomiques, je ne vois pas bien ce qu’elle pourra apporter à notre monde en la matière. Ainsi confond-Elle encore dans Fratelli Tutti charité privée et solidarité publique :
« Si quelqu’un aide une personne âgée à traverser une rivière, et c’est de la charité exquise, le dirigeant politique lui construit un pont, et c’est aussi de la charité. »
Le Pape n’a pas perçu combien la solidarité nationale coupait de la charité personnelle. En reprenant son exemple, vous comprendrez aisément que lorsque le pont aura été construit, il n‘y aura plus personne pour vous aider à traverser le pont, plus personne pour vous aider tout court. Le lien humain aura été coupé. Comme il l’est dans les maisons de retraite. Les dirigeants socialistes en voulant organiser la solidarité, nous ont coupés de toute forme de charité, notamment intra-familiale, et ils ont désuni les peuples. Chez nous, les gens ne meurent pas de faim, mais comme le note le Pape, ils sont isolés, et terriblement malheureux. Voilà à quoi aboutit cette « charité publique » qui n’a de charité que le nom, qui est une fausse charité, sans coeur, et qui se transmue plutôt en clientélisme dans la réalité. Le Pape connaît pourtant le danger des bons sentiments :
« « L’amour du prochain est réaliste et ne dilapide rien qui soit nécessaire pour changer le cours de l’histoire en faveur des pauvres. Autrement, des idéologies de gauche ou des pensées sociales en viennent quelquefois à côtoyer des habitudes individualistes et des façons de faire inefficaces qui ne profitent qu’à une petite minorité. »
Or politiquement, la gauche est surtout un système parasite, qui prive le pauvre d’opportunités pour qu’il puisse se sortir de sa condition avec dignité, par le travail, et pour ne plus avoir à travailler. La gauche est un système esclavagiste moderne, où celui qui travaille le fait soi-disant pour la communauté, mais contre son gré, et sans en retirer les profits qu’il mérite.
Le Pape sait faire preuve de lucidité politique, mais il l’applique à un cadre socialiste, ce qui le prive de pertinence :
« Par exemple, « on ne peut affronter le scandale de la pauvreté en promouvant des stratégies de contrôle qui ne font que tranquilliser et transformer les pauvres en des êtres apprivoisés et inoffensifs. Qu’il est triste de voir que, derrière de présumées œuvres altruistes, on réduit l’autre à la passivité » ![184]
Ce raisonnement enfin pragmatique, qui devrait constituer la base de son raisonnement, lui sert à sauver, en théorie, l’oeuvre socialiste. En téhorie seulement. En effet, il semble nous dire : « tu te libéreras en travaillant pour la communauté, et non pas en travaillant pour toi, et si tu le veux. » et nous sommes ici dans une vision archaïque du rapport au travail, tribal, où personne ne se pose la question de son efficacité mais travaille pour travailler, pour pouvoir faire partie du groupe ! A ce compte là, autant revenir directement dans des huttes pour mieux se plaindre de sa pauvreté.
La politique n’a de noble que lorsqu’elle redonne le pouvoir aux individus d’une communauté qui lui ont donné cette délégation. Le politique devrait se faire le serviteur des initiatives de son peuple, et non se croire au-dessus de lui et lui apporter la sainte révélation socialiste. Voilà d’ailleurs ce qui arrive lorsque politique et religion sont mélangés. Un bon retour à la théocratie déguisé en soucis de laïcité. Remarque, comme la laïcité/le socialisme ont prétention à faire religion de nos jours, la boucle est bouclée. Même les tenues sont devenues « républicaines » chez nous, la bonne blague.
En ce moment, notre Eglise veut se faire plus grosse que le bœuf tandis que les fruits attendus par Vatican II en son sein se font attendre. A sa place, je veillerais à sauver Vatican II, et nos pratiques locales, plutôt que de vouloir diriger le monde, puisqu’il s’agit de cela.
Cet écueil vient probablement d’une tendance à transposer le fonctionnement de l’Eglise aux institutions politiques laïques comme d’une sorte de panacée qui conviendrait à tous et en tout lieu. L’unité est alors confondue avec la dislocation. Le profane avec le sacré. Historiquement, les princes se sont ralliés au protestantisme pour échapper au contre pouvoir du Pape, qui justement, équilibrait les rapports de force. 4 siècles après, notre Pape est en train de leur donner raison, en cherchant à éradiquer les pouvoirs intermédiaires au nom d’une unité humaine pour le moins abstraite.
A ce propos, notre Pape anticipe sur les critiques en affirmant que la tour de Babel serait née de l’orgueil et de l’ambition, contrairement au projet de l’Eglise de Dieu pour notre temps. J’ai du mal à saisir la différence. En particulier, je ne vois pas en quoi l’intervention humaine d’hier imparfaite et malhabile différera de celle d’aujourd’hui. D’ailleurs, j’ai bien peur que d’autres que des catholiques président à une telle construction. Dans tous les cas, je ne vois pas l’Eglise en atteindre le sommet. Et le cas échéant, au vu de notre expérience récente sur notre mauvaise gestion des biens matériels, je m’inquiéterais qu’elle dût y arriver.
Et puis, à vouloir s’occuper de politique, l’Église catholique en néglige le dogme, qui reste en friche, ou même qui est négativement influencé par cette tentation politique. Ainsi l’idée catholique est-elle plaquée sur d’autres religions qui n’ont absolument pas les mêmes aspirations :
« C’est pourquoi « le terrorisme détestable qui menace la sécurité des personnes, aussi bien en Orient qu’en Occident, au Nord ou au Sud, répandant panique, terreur ou pessimisme n’est pas dû à la religion – même si les terroristes l’instrumentalisent – mais est dû à l’accumulation d’interprétations erronées des textes religieux, aux politiques de faim, de pauvreté, d’injustice, d’oppression, d’arrogance. »
Le terrorisme n’appartiendrait pas aux religions ! Ce qu’il définit comme terrorisme, s’appelle « guerre de conquête » pour d’autres, pratique perçue comme un des monuments de la foi en Islam par exemple, et le principal moyen que cette religion a utilisé pour faire adhérer les âmes à son dogme par le passé. Le Grand Iman Ahmad Al-Tayyeb que notre Pape se fait fi de donner en exemple dans son texte, n’est que le descendant d’un peuple qui a été soumis par les armes islamistes. Même notre Pape lui reconnaît bien des qualités en matière de foi, admettant là que l’utilisation des armes n’a pas eu que de mauvais résultats…
Que des mouvements religieux, humains, politiques, utilisent la misère humaine pour prospérer, c’est un fait. A ce sujet, j’aurais bien aimé entendre le Pape parler de la destruction des familles. Cependant, il est aussi évident que seul un catalyseur idéologique peut redonner du sens à l’existence d’êtres qui ont perdu le fil en chemin.
Plus généralement, le phénomène religieux peut s’opposer à la Révélation que nous avons reçue de Jésus. Nombre de saints des premiers temps ont déboulonné les statuts d’idoles dans les temples, et abattus des arbres sacrés dans les forêts, pour bien montrer le ridicule de telles croyances. Belle opposition, s’il en est. Je n’arrive pas à leur donner tort.
Toutes les religions avant le christianisme ont aussi vécu de sacrifices humains. Est-ce à dire que ces sacrifices leur étaient inspirés par Dieu ? Et puis dire à tous ces gens là « Non, vous n’avez rien compris à votre pratique, qui en fait, est bonne, et vous pousse vers Jésus ou vers le vrai Dieu», c’est un tour de force spirituel plutôt osé. Nous sommes tous en chemin, certes, mais parfois nous prenons des impasses et il faut le reconnaître.
Il est aussi très déplacé de parler à la place des autres responsables religieux quels qu’ils soient :
« Les chefs religieux sont appelés à être de véritables “personnes de dialogue”, à œuvrer à la construction de la paix non comme des intermédiaires mais comme d’authentiques médiateurs. »
A mon avis, le rôle du Pape serait plutôt de les appeler à la conversion, directement, plutôt que de les prendre pour des imbéciles en leur disant comment ils doivent exercer leur ministère. Ici, quid de la liberté de conscience catholique ? Du bien et du mal ? De satan ? D’une humilité de pensée ? Disparus au profit de ces ignobles bons sentiments.
Non, à force de pratique, je ne crois plus que l’Église catholique soit légitime à parler de politique. Que notre Sainte Institution oriente les âmes perdues en ce monde, et elle aura bien avancé en ces temps d’errance. Lorsque les raisins seront revenus sur le cep, peut-être sera-t-il alors temps de déterrer la doctrine sociale de l’Eglise. Tout en la dépoussiérant de fond en comble pour éviter deux écueils : la niaiserie des bons sentiments, l’absence de culture scientifique/économique/philosophique.
Car en ce moment, attachés à la remorque de l’histoire, nous n’avons plus rien à apporter à ce monde, si ce n’est le salut des âmes dont nous nous occupons si mal. Prenons acte de notre médiocrité institutionnelle actuelle au lieu de dormir sur nos lauriers pour nous rassurer. Et avançons.
A chaque défaite de la gauche, à chaque frustration, ce sont les mêmes images qui…
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"" Le Vatican ouvre la voie aux vaccins avec des cellules de fœtus avortés : « moralement accep-tables » MPI du 21/12/2020.
Comment être tous frères si notre vie dépend de la mort d'enfants ? Face à une épidémie très dangereuse, la position du Vatican serait tenable. Mais là, ça paraît excessif.
Un passage que je voulais depuis longtemps vous soumettre, M. Durandal, à vous et vos lecteurs. Mais il me fallait le retrouver. (et je ne suis pas sûr de poster ce commentaire dans le bon article)
"C'est la corruption en grand que nous avons entreprise, la corruption du peuple par le clergé et du clergé par nous, la corruption qui doit nous conduire à mettre un jour l'Eglise au tombeau. (…) « Pour abattre le Catholicisme, il faut commencer par supprimer la femme. » Le mot est vrai, mais puisque nous ne pouvons supprimer la femme, corrompons-la avec l'Eglise. Corruptio optimi pessima. (…) Le meilleur poignard pour frapper l'Eglise au cœur c'est la corruption."
Extrait de la lettre n°12 de Vindice, écrite de Castellamare, à Nubius, le 9 aout 1838. (une des lettres de la Haute-Vente [la Franc-Maçonnerie italienne] diffusée par le pape Saint Pie X au grand public.)
Citée dans « La conjuration antichrétienne – Le temple maçonnique voulant s'élever sur les ruines de l'Eglise Catholique » de Mgr Henri Delassus.
J'ai réussi à trouver une source informatique : page 1075 (page 327 sur la visionneuse web)
https://pubhtml5.com/ejtz/ddtu/basic/301-350
Etonnant non, ce lien entre la corruption de la femme et de l'Eglise !
La femme est la reproductrice. Si vous réussissez à la corrompre, vous rendez le principe auquel elle appartient, stérile. Ces imbéciles n'ont pas seulement corrompu la femme d'église, ils ont surtout corrompu la femme en général, avec pour conséquence, la stérilité qui est la nôtre. Imaginez, sur une des dernières vidéos que j'ai publiée, les femmes interrogées dans la rue s'imaginent être aussi fortes physiquement qu'un homme, et s'imaginent pouvoir agir et penser à l'identique d'un homme. Comment voulez-vous que ces cruches ne ratent pas pitoyablement leur vie ? Sans même parler de toutes ces demi lesbiennes que l'on aperçoit de plus en plus dans les rues avec leurs cheveux bizarres et leurs tatouages. L'image de la franc-maçonnerie a vraiment une sale gueule surtout si vous songez aux jolies communiantes que nous avions il y a seulement 50 ans. Ces gens là sont laids et promeuvent la laideur absolue. Et ils appellent cela tolérance, ou autre.
"« Le pape François est favorable aux unions civiles pour continuer le combat contre le mariage homosexuel »" L'Obs du 22/10/2020.
Je ne comprends pas pourquoi il a voulu se prononcer sur cette mesure civile. C'est faire trop de politique ou pas assez.
"“Fratelli Tutti” : Mgr Carlo Maria Viganò dénonce la fausse conception de la fraternité dans ”l'indifférentisme religieux”" Jeanne Smits du 07/10/2020.
"Jean-Luc Mélenchon salue l'encyclique «Fratelli Tutti» du pape François" Figaro du 10/10/2020.
On appelle ça le baiser de la mort.
"Tous frères, l’encyclique politique du pape François" MPI du 05/10/2020.