Dans notre pays, l’argent irrigue des productions culturelles de plus en plus folles, dernièrement liées à l’hypothèse du genre. Et la question se pose : que montrer à des adolescents qui ne soit pas niais ou toxique ? Dans les années à venir, il va falloir envisager de nous réfugier à l’étranger pour résoudre la question, au moins de temps en temps. Ca tombe bien, le Japon refuse l’immigration de masse et s’est plutôt décidé à donner des repères natalistes à ses natifs. Du coup, « Darling in the franxx » a pu voir le jour, manga en 26 épisodes qui remet l’Église au centre du village. Enfin, parlons plutôt de loi naturelle, puisque les Japonais, comme à leur habitude, aiment nager spirituellement dans le syncrétisme le plus complet. Vous y retrouverez donc surtout une conception culturelle païenne, mais avec quelques éléments disséminés de ci de là de catholicisme. Toujours est-il qu’en ces temps de stérilisation des populations en occident, ça fait du bien, un bien immense.
La cadre : un monde issu du transhumanisme
Des découvertes scientifiques ont ouvert la voie de l’immortalité à l’espèce humaine grâce à l’exploitation du magma terrestre. Les populations ont fini par choisir l’immortalité. Le pendant de cette option, a été la stérilisation forcée pour éviter la surpopulation.
Rupture du cadre : la terre se révolte.
Un des classiques du manga japonais, pacha mama se rebelle face aux outrages des hommes. Des « hurleurs » plus ou moins grands, plus ou moins dangereux, sortent de ses entrailles pour attaquer les exploitations de magma. Face à cette menace, le « docteur » construit des robots de défense à partir du code génétique de ces machines et de la princesse des « hurleurs ». Mais ses recherches sont difficiles.
Pour les faire aboutir, il doit sacrifier nombre d’humains qui les testent. Sa femme scientifique y passera d’ailleurs. Il arrive tout de même à une production pérenne d’unités plus ou moins efficaces, en sélectionnant ses sujets de manière drastique. Ces machines mi-biologiques mi-mécaniques, ont besoin d’altérité naturelle pour se mouvoir, c’est à dire d’un pistil et d’une étamine, d’un mâle et d’une femelle. Et elles doivent être conduites par des adolescents qui ont été sélectionnés génétiquement, et ont passé des épreuves durant toute leur enfance. Pour la première fois depuis longtemps la production d’enfants en donc autorisée dans ce cadre restreint.
Début de l’intrigue
Hiro est un de ces enfants, un des mieux placés puisque son numéro à 2 chiffres (code 016) indique un sujet proche de l’ADN de la princesse des hurleurs.
Cependant, il a la loose depuis quelques temps, si bien que lui et sa partenaire doivent être exclus du programme. Mais l’attaque d’un hurleur et la rencontre avec le code 02 va tout changer. Car il va survivre au pilotage en compagnie de 02, ce qui est inhabituel avec elle. Et pour l’occasion, il aura trouvé une partenaire viable.
L’allégorie du pilotage
Nous sommes ici en présence d’une allégorie sur le couple. L’homme tient les manettes, la femme expose son corps au monde. Et comme les Japonais n’ont pas du tout la même conception de la pudeur que nous, cette allégorie n’en est pas vraiment une, tant les positions des uns et des autres sont suggestives. Ils n’y vont pas par quatre chemins. L’homme doit apprendre à respecter le corps de la femme, il doit trouver des mots appropriés,
il ne doit pas aller trop loin dans l’énergie qu’il lui demande de dépenser etc. La femme doit se donner corps et âme à son partenaire. Leurs énergies positives et négatives doivent aussi s’harmoniser, sinon la machine n’avance pas. Voilà pour le monde des humains. Dans celui des démons il peut y avoir des entorses à la règle. D’ailleurs…
L’homosexualité
Voilà un thème qui ne gène absolument pas les Japonais qui ont une approche plus pragmatique que nous la concernant. Les personnages soumis à ce genre de pulsion sont traités avec douceur. Ils sont souvent émouvants, pas seulement dans ce manga.
Ikuno (code 196) et Mitsuru (code 326) forment dès le départ un duo suspect. Elle, distante, froide et méticuleuse, peu sexualisée. Lui, qui entretient ses apparences de jeune homme trop bien coiffé. Heureusement, ce dernier va comprendre que la blessure qu’il éprouvait envers Hiro, le personnage masculin principal, n’était qu’un quiproquo. Et Kokoro (code 556) réintroduira un peu de fantaisie dans sa vie.
En parallèle, tout comme Mitsuru a été ému par Hiro lorsqu’il lui a donné un nom étant petit, Ikuno a été émue par Ichigo (code 015) de la même manière. Mais Ichigo aime Hiro, et comme le dit Ikuno, elle est dans une « impasse sentimentale ». Après avoir donné toute son énergie pour les autres, elle vieillira prématurément mais trouvera le bonheur/l’amitié en fin de vie auprès de Naomie.
L’homosexualité féminine est entraperçue, peut-être même transcendée sous la forme d’un amour chaste, tandis que l’homosexualité masculine est guérie ou pourchassée, comme elle l’est dans beaucoup de sociétés traditionnelles parce qu’elle remet en cause la survie du groupe. Car si Mitsuru est « guéri », les très vilains, les commandants des VIRM apparaissent sous les traits de deux masques identiques avec des voix masculines. Eux, doivent être détruits.
La guerre des sexes
De manière latente, ce manga montre un monde de guerre totale entre pères et mères. La princesse des hurleurs vient de la terre, elle est légitime à la défendre. Elle se bat contre l’oppression des VIRMs, entités masculines qui viennent de l’espace.
La préférence donnée aux mères est évidentes dans les sociétés traditionnelles très anciennes. Comme d’une résurgence dans un Japon moderne qui voudrait voir de nouveau sa natalité augmenter, l’appel à la sainte fécondité fait sens. La princesse des « hurleurs » est à la tête d’un peuple bien plus développé que le peuple humain, son pouvoir effraie, à tel point qu’elle est l’image vivante d’une déesse mère inaccessible sur qui il faut prendre exemple pour espérer se développer.
Autre image renforçant l’idée d’une guerre des sexes, les enfants appellent le chef des humains « papa ». Mais ce père distant est corrompu. Tout vient de lui comme d’un mensonge qu’il faudrait savoir dépasser pour grandir. Ce scénario « traditionnel » va donc à l’inverse des vécus des sociétés plus évoluées où les hommes doivent surtout s’extirper de l’influence de leur mère pour espérer s’individuer.
Et ce n’est pas la seule inversion, perte de sens moderne oblige. Le conte traditionnel qui sert de support au scénario (le prince et la démone) agit en miroir par rapport au conte « l’enfant de la lune » ou encore « la belle et la bête ». Ici, voilà que la femme est clairement un démon. Et en plus, celle-ci demande à la lune de pouvoir vivre son amour avec un prince qu’elle finira par engloutir. Elle n’est pas victime d’un homme, ni passive, mais plutôt son bourreau et le scénariste, non content de s’appuyer sur un conte qui met en garde les garçons dans les sociétés matriarcales, retourne la fin pour adouber la possibilité d’une union entre humain et démon.
La rencontre des sexes
Erreurs, inversions, liberté avec la vérité, et pourtant… nous voulons croire à cette histoire d’amour entre un prince qui a perdu tout désir, et cette démone qui veut accéder au statut d’être humain. Car tout y parle de nos manques actuels, de garçons dont le désir a été éteinte et de filles qui sont devenues folles à force de matriarcat, d’enfants laissés à l’abandon par des parents corrompus et égoïstes (ils appellent leurs enfants guerriers des « parasites »). Oui, nous voulons y croire et voilà ce qui fait une histoire réussie, malgré l’utopie et le sentimentalisme qui débordent un peu.
Le couple Hiro et 02, nous donne du grain à moudre, mais il n’est pas le seul. Pris un à un, les personnages sont archétypaux, voilà une des très grandes forces de la culture japonaise. Or cette peinture des caractères va jusqu’à l’esquisse des relations entre individus, elle s’en nourrit. Vous retrouverez donc dans ce manga une diversité d’unions nées d’une diversité de personnalités. Par exemple gros gros qui doit renoncer à la très très jolie Kokoro, et qui finira par épouser une femme du même acabit que lui. J’en ai connu un.
Ou encore, ces deux tourtereaux qui ne peuvent pas s’aimer sans se disputer. Toute ressemblance avec des personnes connues est voulue.
Ichigo devra renoncer à son amour pour Hiro et accepter l’amour évident de Goro l’aventurier, Goro devant lui-même renoncer à ses aventures terrestres pour retourner auprès de la mère de ses enfants.
Et bien d’autres encore. Tout le monde ne se reproduira pas, à noter que le couple principal ne le fera pas, mais les uns se battent pour les autres, forment équipe, et se sortent des situations les plus compliquées, tous unis dans une même prière pour redonner espérance à ce monde, un chemin d’avenir.
Le monde glauque des adultes
A force de transhumanisme, les adultes ont fait des choix qui les ont conduits à une société cloisonnée, où l’expression des sentiments est devenue inutile, et même dangereuse. Le contrôle offert par la science a resurgi dans les rapports individuels comme autant de volontés d’être heureux benoîtement. L’humanité s’est laissée séduire par les sirènes du confort, elle est devenue vielle, laide, fainéante, impotente, irresponsable avec les ressources, stérile. C’est un constat d’échec général. A l’inverse, si les jeunes acceptent de se battre, de s’unir pour le bien commun, ils changeront le monde. Dis comme ça, ça fait propagande gauchiste. Et le socialisme n’est pas étranger au Japon. Cependant, l’utopie n’en est pas une en ce sens que la victoire finale n’est que le début des épreuves inhérentes à la vie. Un nouveau monde commence, mais il faut le reconstruire, ce qui demande des efforts, bien plus grands qu’avant. Efforts acceptés, car efforts compris et féconds.
Le mariage
Peu de scènes m’ont autant ému que lorsque les enfants retrouvent naturellement l’idée de mariage et en organisent un. Ici, vous comprendrez que l’écologie au Japon n’a pas (encore) été phagocytée par des fous furieux progressistes, que cette idéologie est cohérente avec elle-même. La matriarcat écologique promeut évidemment l’union d’un homme et d’une femme pour favoriser la perpétuation de l’espèce face à un cadre social qui entend bien voir cette union fructifier. L’humain n’échappe pas à la nature, même s’il ne la transcende pas comme il en a la possibilité dans une société catholique.
Des aspects irréalistes dus à la promotion des femmes
Je suis d’avis qu’il est important de montrer la force des femmes. Mais pas plaquée sur celle de la gouvernance des hommes. Or pour éviter toute possible frustration chez ces dames, les scénaristes ont mis en avant de nombreuses femmes à des postes de commandement comme pour prouver qu’elles pouvaient le faire, même parmi les méchants. Du coup, nous avons des jeunes filles qui exercent leurs responsabilités comme si elles étaient des hommes et ceci pour leur donner une apparente compétence. Assez subtilement, les robots sont d’ailleurs sexués plutôt de manière féminine. Et quand une femme scientifique se réveille à 40 ans pour avoir un enfant, loin de le lui reprocher, la série explique la stérilité de la femme plutôt par l’ambition de son compagnon.
Tous ces aspects faussés ont un résultat paradoxal dans la vie des femmes comme dans la série. La société reconnaît qu’elle a besoin des femmes pour se reproduire, et face à ce pouvoir, serait prête à toutes les concessions possibles et imaginables pour engager plus de mères. D’un autre côté, cette flagornerie étend toujours plus loin le désir totalitaire de ces dames, et les pousse à une régression objective.
Pour bien comprendre ce mécanisme, il suffit de constater la tentative de valorisation objective des femmes en tant que femmes dans cette série, mais leur indifférenciation dans le travail. La société accepterait que nous soyons différents dans nos intimités, pour éviter de devenir stérile, changement de politique récent de sa part dans les pays qui refusent le suicide civilisationnel. Elle accepterait que des femmes la dirige pour ce faire. Mais elle n’a pas encore intégré une sorte de possible stérilité dans le monde professionnel lorsque les différences de rentabilité entre hommes et femmes ne sont pas prises en compte. Il est facile de comprendre qu’une mère fabrique les enfants. Il est moins facile d’accepter que l’homme fabrique le monde, quand bien même cela aurait été la règle générale en tout temps et en tout lieu.
Pourtant Darling in the franxx n’est pas toujours aussi caricatural que je le mentionne dans ce paragraphe. La chef Ichigo semble attendre le retour de son mari aventurier pour l’accouchement. Certes, elle admet avoir besoin de soutien, et on ne sait pas bien si l’homme est père ou s’il est considéré comme une seconde mère par les Japonais. Mais les besoins aventureux de Goro sont au moins reconnus. Une sorte de compromis valorisant hommes et femmes est recherché. Voilà qui est un bon début, même dans un scénario construit sur une base matriarcale/païenne.
Conclusion
Malheureusement, le manga au Japon n’échappe pas aux influences politiques. Mais heureusement ce cadre est resté plus sain. Sa dialectique nous amène à refaire société en acceptant nos différences personnelles, différences issues de la nature. Du coup, Darling in the Franxx nous donne à voir une jeunesse vivifiante pour notre occident sclérosé dans l’impasse du genre.
Eu égard à notre glorieux passé, nous devrions faire mieux, mais de nos jours, nous n’en sommes plus capables. Sur ce point vous remarquerez combien de productions actuelles décrivent le marasme chez nous, de nos écrivains célèbres au dernier succès commercial du film « Joker ». Nous sommes devenus incapables d’offrir un exemple positif à notre jeunesse dans nos productions artistiques. Le genre est devenu mineur. Il s’est réfugié dans les romans à l’eau de rose ou les films de Noël. Ailleurs, le dénaturé et le lugubre s’imposent notamment dans la thématique très populaire du policier, ou les séries pour enfants. Le plus souvent, nos meilleurs auteurs détaillent leur vie personnelle apocalyptique comme s’ils n’avaient plus la possibilité de s’en extraire et d’inventer des histoires pleines d’espérance. Au mieux nous vivons une guerre perdue contre le féminisme, ou, de l’autre côté de la barrière, une marche triomphale contre l’homme blanc (que ce soit à travers le genre ou le retour au matriarcat écologique).
Tout est conçu dans l’opposition dans une société qui n’a plus de religion, car la jalousie s’impose alors face à la complémentarité de chacun, jalousie que d’autres appellent « égalité ». Dès lors, le syncrétisme japonais apparaît pour nous comme un progrès, raison pour laquelle tant de jeunes de notre société sont attirés par lui.
Malgré ses lacunes évidentes dues à l’excès de patchouli, mais aussi à une mise en bouche de 16 épisodes concernant le caractère des personnages (longueur raisonnable pour ceux qui aiment le genre), Darling in the Franxx finit en apothéose. Les 10 derniers épisodes sont tout simplement somptueux. Si ce manga n’atteint pas au génie de X de Clamp, il donnera du grain à moudre à tous ceux qui aiment se poser des questions, voire voyager, tout simplement.
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