Elle s’appelle Lucile Quillet. Elle est jeune, elle est jolie, elle veut aimer et être aimée mais surtout croire qu’un monde nouveau est possible entre hommes et femmes. Alors, elle a décidé qu’elle ne serait pas une de ces énièmes journalistes cyniques et qu’elle allait bien faire son métier au Figaro. Je vois son évolution. Elle fait des efforts incommensurables pour y croire. Oui, un féminisme qui ne serait pas destructeur entre hommes et femmes est possible ! Oui, les pères peuvent entrer dans le mouvement initié par les féministes sans devenir des fiottasses !
Plus elle s’affronte à la réalité, moins elle devient féministe, comme toute personne normalement pourvue. Pourtant elle résiste encore. Une partie d’elle lui dit que les femmes, et donc elle, ont besoin d’être soutenues pour fonder famille. Ses aînées lui ont fait comprendre que les papas femmes ce n’était pas si formidable que cela (1). Elle n’a pas renoncé pour autant à trouver un partenaire (et plus si affinité) qui sache la saisir en tant que femme, quelqu’un de proche, mais qui serait quand même un homme. Sur ce chemin fait d’incertitudes et d’interrogations, où elle cherche beaucoup sans jamais trouver, elle est allée à la rencontre de ces nouveaux pères qui, sur internet, étalent leur expérience de bébé. En vérité ces hommes ne sont que le jouet des désirs féminins. Ils tentent de s’adapter tant bien que mal aux humeurs changeantes de ces dames (« souvent femme varie, bien fol qui s’y fie »), tout en se préservant une identité d’hommes. Pourtant Lucile Quillet, animée d’un esprit positif et entreprenant, veut y voir une lueur d’espoir. L’expérience avec les hommes doit continuer. Il doit bien y avoir un moyen de les contrôler sans foutre l’ensemble de notre société en l’air ? En particulier le couple ? Peut-être les encourager à s’exprimer un peu… Ainsi leur ouvre-t-elle largement ses mignonnes petites colonnes dans un article qui fera date « Les meilleurs sites de papas sur le web », où on découvre toute une faune puante de pères paumés qui n’ont rien trouvé de mieux que de répandre leurs humeurs libidineuses sur les bébés et les femmes, et ceci en toute impudeur.
Mais venons-en au principal.
Ils sont Charlie ces cons, bien entendu puisqu’ils sont libidineux et issus de cette société du tout émotionnel féminisé (3, 7). Mais ils sont aussi béats devant leur femme qu’ils envient ouvertement d’avoir tant de courage d’accoucher (4), tandis qu’eux ne font rien. VoilaPapa ne nous parle pas de paternité en l’occurrence, car la maternité et l’image de la femme l’ont subjugué. Il fait d’ailleurs référence à une poétique lunaire, symbolique proche de la mère pré-oedipienne, ceci expliquant cela. Ici, le psychologique immature fait texte. La seconde mère tente de surnager. La vraie mère finira peut-être par le mépriser, qui sait ?
Dans le même genre, mais sans perdre le nord, cet enfoiré de e-bebe.fr a trouvé le bon filon. Il aurait pu choisir une extension .com, au moins le jeu aurait été clair. Car lui, il a décidé de rentabiliser ses névroses. Et avec professionnalisme. Présentation lumineuse. Sponsors adaptés à la thématique du site. Simple et efficace. Il y a même un coin pour les pères qui se seraient fait larguer, un forum d’entraide. Le bateau est équipé d’une bouée de sauvetage, il fallait y penser. Groupes de discussion, coin vente, blog, site franchement professionnel, un modèle économique à lui tout seul. La saillie a de la gueule. Mais la débandade n’est pas loin. Si Ebébé semble moins perméable à la gente féminine que VoilaPapa, vouloir parler de bébé ou de fertilité quand on est homme, c’est risquer la bévue touchante du puceau au premier contact. Et en ce domaine, Ebébé donne dans le grandiose. Sur la fertilité : “Laissez à votre sperme du temps pour se reconstituer, il sera d’autant plus concentré” (5) S’il y a concentré, c’est de comédie culte. Tout comme quand il écrit sur le même sujet : “L’alcool consommé de manière excessive est néfaste pour la fertilité tant masculine que féminine mais aussi peut avoir des répercussions graves sur le fœtus. Soyez vigilent sur votre consommation d’alcool.” Un homme qui ignore que la moitié des enfants du monde entier sont nés d’une ivresse masculine… il fallait le faire. Bien entendu, lui quand il touche sa femme pour lui faire un enfant, c’est avec circonspection, le cœur pur de bonnes intentions, la bite chaste en bandoulière. Tous ces conseils pratiques donnés aux hommes cachent mal la peur de l’infertilité, et un romantisme à l’égard de femmes qui fait pitié. Mais comme je l’ai déjà écrit, lui c’est bébé le centre de ses préoccupations. La femme n’est qu’un moyen, comme dans cette phrase pleine de bonnes intentions mais qui a l’odeur d’une bonne pénétration non consentie : « L’orgasme féminin ne favorise pas spécialement la fécondation et n’est pas indispensable pour que votre conjointe tombe enceinte. »
Lime, lime, on touche au but. Romantique, mais pas trop s’il s’agit d’atteindre son objectif !
. La suite du blog est du même acabit. L’allaitement y est décrit avec force détails techniques gerbants (6) et qui ne devraient être connus que des mères seules. Saviez-vous par exemple qu’un liquide gras, épais et orangé sort des seins de votre femme durant deux jours après l’accouchement ? Et que ce colostrum est excessivement bon pour l’enfant ? Eh bien maintenant vous le savez.Oui, beaucoup d’hommes vont être déçus à la découverte de ce monde merveilleux de la paternité définie surtout à travers la maternité puisque l’enfant est tout petit. Comme quand ils apprendront que « La production de lait n’a rien à voir avec le volume des seins » ou que “Dans les premiers jours qui suivent l’accouchement, les seins de votre femme peuvent être plus volumineux que durant la grossesse. Ca ne va pas durer longtemps.”
ou encore quand ils comprendront à la question n°16 qu’ils sont les nécessaires auxiliaires de vie de femmes devenues actives : « 16 ème question : Ma femme s’absente deux jours, elle a tiré son lait, comment dois-je réchauffer le lait qui a été conservé au réfrigérateur ou au congélateur ? ». Je vous passe les détails sur « Baby selfie » et autres « Bébé ne veut rien manger d’autre que des pâtes » ou « Bébé et trousse à pharmacie idéale » qui relèvent de la régression infantile même dans la syntaxe.
Le dernier blog mis en avant par Lucile Quillet est la tentative la plus touchante. Le gazier cherche à dépasser son frustre quotidien de « Papa poule »et d’en faire une histoire intéressante sur internet. Evidemment, il n’y a que des femmes qui s’intéressent à ce ramassis de platitudes (voir les commentaires), fantasmant l’image du père idéal pour leurs futurs enfants ou encourageant par pitié cet aventurier de l’intime (en essayant de voir si elles ne pourraient pas le contrôler parfois).
J’ai dit “tentative touchante”, car le type est persuadé qu’il va transcender son vécu, qu’il va trouver la cité d’or du récit de vie. Ainsi, entre deux articles de tout venant, notre poule aux aboies nous pond-elle dans un éclair philosophique de génie à la vue de sa progéniture : « Ma fille est vierge mais pour combien de temps encore ? » qui se termine par un “Je suis père de deux filles et je crois que je ne suis pas encore prêt”. Il faut dire qu’elles n’ont pas encore 5 ans. Le récit est calqué sur l’expression des sentiments qu’une mère pourrait avoir pour son enfant, raison pour laquelle certaines de ces dames s’y retrouvent. Ce père se donne en exemple, mais féminin, et le pire, sans même sans apercevoir. Car au lieu d’être rempli de joie à la vue de son enfant qui grandit, au lieu de vouloir participer à son éducation en lui donnant force conseils autorisations interdictions, il se vautre dans une nostalgie qui le fait tourner sur lui-même, en adoptant la posture d’un narcissisme bien maternel. Relation pathologique enfermante quand il s’agit de celle d’un homme, inutile, à coup sûr la pauvre petite traînera son père comme un boulet à l’âge adulte, si elle ne transfert pas sur une fille. A tout choisir, peut-être préférera-t-elle l’original…
http://rutube.ru/video/b85732e3c90f60078ccd15b249a48603/
Malheureusement, j’en arrive à me demander si on peut leur en vouloir. Poursuivis dans leur masculinité, éduqués dès leur plus tendre enfance à détester toute forme de “machisme”, à honnir le mâle en eux, les hommes modernes ne sont que les marionnettes d’apprentis sorcières qui les dépassent. Je veux donc m’adresser à celles qui pourraient encore les aider, vous mesdames. Parlez leur franchement, je vous en supplie. Dîtes-leur qu’ils vous font pitié. Arrêtez de jouer aux connes. Vous nous rendrez service, vous leur rendrez service, vous rendrez service à l’humanité. Ce n’est pas très gentil de votre part de leur laisser croire à de telles fadaises à un âge déjà bien avancé.
1 “La nouvelle place du père”, Figaro 13/09/2013.
2 « Les meilleurs sites de papas sur le Web », Figaro Madame du 11/05/2015.
3 « Comment pouraient-ils comprendre #JesuisCharlie », Voilapapa WordPress du 07/01/2015.
4 « A la maternité, les papas ne font rien, la preuve en 5 points », Voilapapa WordPress du 21/10/2014.
5 « Booster sa fertilité », e-bébé .fr du 26/11/2014.
6 « Allaitement : toutes nos réponses à vos questions », e-bebe.fr du 06/05/2015.
7 « Desseins d’enfants », Papa poule.net du 07/01/2015.
8 « Ma fille est vierge mais pour combien de temps », Papa poule .net du 14/12/2015.
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