Que c’est beau, tous ces enfants de 5 ans qui jouent dans nos rues en toute confiance, sans surveillance. Les savoir là me remplit de joie, d’un bonheur immense. Je me dis alors que nous vivons vraiment dans une belle société qui ne manque pas du rire des enfants, où n’importe qui peut en profiter, même s’il n’a jamais eu d’enfants. Quel luxe ! Leurs mères savent que notre système de soins psychiatriques ne laissera pas un fou en liberté. D’ailleurs il y a si peu de personnes déséquilibrées dans notre pays, qui doivent prendre des anxiolytiques ou des antidépresseurs pour assumer leur quotidien…
Les malades sont entourés dans des établissements remplis d’amour. Nous sommes tranquilles quand nous nous promenons, l’esprit prompt à chanter et à déclamer quelques vers. J’entends souvent les gens chanter dans la rue. Que des chansons joyeuses avec des paroles gaies, qui nous donnent envie d’aller travailler ou de rentrer dans notre doux foyer ou de parler avec n’importe qui. Il n’y a quasiment plus d’arrêts maladie tant les gens sont heureux à leur boulot. Comme si la joie les maintenait en bonne santé.
La prospérité de l’entreprise, c’est leur propre prospérité et la prospérité de notre pays. Les patrons choient leurs employés comme l’élément le plus précieux de leur organisation. Ils organisent des fêtes régulièrement, lorsqu’ils ont bien travaillé et gagné beaucoup d’argent. Il faut en faire profiter tout le monde ! Ils invitent toute la famille de leurs employés. Et puis ils donnent de l’argent pour les clubs sportifs ou les associations locales car le lien social, c’est important. Ils savent que leur prospérité dépend de la prospérité de leurs clients et des familles de leurs clients. Ils agissent en conséquence. Quand ils ne trouvent pas assez d’employés pour travailler, ils se remettent tout de suite en question. Comment améliorer leurs conditions de travail pour les attirer ? Comment améliorer la vie de famille dans notre pays pour que les mères acceptent de faire plus d’enfants, et donc, plus de futurs employés heureux. Jamais il ne leur viendrait à l’esprit d’aller chercher des immigrés pour combler les postes vacants. Dans leur esprit, ce serait une infamie, la marque de leur faillite. Tout de suite, ils se diraient qu’ils ont raté l’essentiel et qu’ils ont construit une société invivable pour les autochtones, c’est à dire leurs proches, ou encore une société qui ne sait pas prioriser ses besoins. Or ils sont trop intelligents pour ça.
C’est vrai que les employés respectent leur patron du plus profond de leur coeur, qu’ils l’aiment et l’admirent. Mais il n’y a pas de plus grand bonheur pour eux tous, que de rentrer le soir pour retrouver leur famille, qui est au centre de leurs préoccupations. A cause de ça, ils ne supportent pas les bouchons et le temps perdu dans les transports en commun. Ils détestent se retrouver seuls en voiture parce que leur vie est trépidante. Pour eux, 30 minutes de trajet égal changement d’emploi. Parce que dans mon pays, les gens ne subissent pas leur vie. Ils en décident. Ils la modèlent. Ils en font une œuvre d’art. Tout ce qui les touche est occasion d’agir. Jamais il ne leur viendrait à l’esprit de dire quand cela les concerne : « J’y peux rien ». Cette phrase, ils ne la prononcent que sur des sujets qui ne les touchent pas directement, des trucs qui se passent à l’étranger sur lesquels ils savent qu’on peut leur raconter n’importe quoi.
Ainsi ne sont-ils jamais mièvres devant des malheurs qui les dépassent. Ainsi n’ont-ils jamais peur quand des vendeurs d’armes leur parlent d’ennemis au loin, ou quand des experts payés par des laboratoires médicaux les menacent de mourir s’ils n’achètent pas leurs produits, ou quand des hommes politiques appellent « terroristes » des soldats contre qui nous sommes entrés en guerre.
D’ailleurs, s’ils ont peur que leur vie cesse, c’est juste le nécessaire. Ils n’ont pas peur de la mort, ils ont peur de quitter la vie. De ce fait, ils réussissent toujours à se raisonner. C’est normal d’avoir un peu peur de mourir quand on aime son existence ! A ce sujet, ils aiment tellement leur vie sur terre, et leurs proches, qu’ils rêvent de vie éternelle. Ah quand on leur parle de vie éternelle, il faut voir combien leurs yeux brillent ! Disparaître en fumée après leur mort ! Quelle idée saugrenue ! S’ils savent que tout le monde retourne à la poussière, ils ont envie de garder leur proche avec eux, surtout ce corps qu’ils ont tant aimé, avec tous les égards qui lui est dû. C’est vrai, ils ont du mal à s’en détacher. Je les vois pleurer en masse sur leurs tombes quand je vais moi-même au cimetière verser quelques larmes. Les psychologues de mon pays disent que les gens de mon pays ont donc besoin de temps pour faire leur deuil. En vérité, les gens de mon pays ne le font jamais. Ils continuent à prier, à aimer leurs ancêtres décédés depuis des dizaines d’années afin qu’ils soient sauvés de tout malheur qui pourrait exister dans le monde d’après. Ce sont leur souvenir qu’ils cultivent qui les font pleurer. Ils n’ont pas oublié le bonheur passé. Et ils veulent que l’avenir leur apporte des joies encore plus grandes. Jusque dans l’autre monde. Ainsi font-ils le bien pour assurer leur avenir et celui de leurs enfants. Ils sont terrifiés à l’idée d’avoir mal agi en ce monde et que cela se répercute dans l’autre. Leur peur de l’enfer révèle leur désir incessant de voir le bien le beau et le vrai guider leurs actions ici bas.
Dans les couples, hommes et femmes se donnent des marques mutuelles d’attention, mais en privé, et de manière cachée, très tard dans leur vie. Les papas assistent aux matchs de rugby de leurs garçons. Ils donnent même un coup de main au club. Le club est un lieu ouvert et personne n’y a peur des pervers sexuels, parce que chacun a de la tenue et est équilibré dans sa vie affective. Car les générations sont en contact et ne manquent pas d’attaches. Elles ont le souci des autres avant le leur parce qu’elles sont bien dans leur peau.
Et puis, hommes et femmes sont à leur place. Cette clarté des rôles empêche les confusions sexuelles et même les confusions dans les générations. Pas de pulsion homosexuelle. Pas de pédomaltraitance. Chacun sait ce qui est attendu d’un homme. Chacun sait ce qui est attendu d’une femme. Leurs identités leur servent de guide. S’en écarter, c’est risquer la déviance psychologique, ou l’abus et tout le monde le sait. Les personnes fragiles sont ainsi les plus protégées par ce système qui les ramène à des comportements sains qu’elles ont du mal à intégrer.
Hommes et femmes dialoguent quand ils ne s’entendent pas. Ils ne s’érigent pas en sujet autonome et indépendant de l’autre. Ils ont créé des associations de compréhension et de mutuelle entente entre les sexes. Ils savent que leur bonheur est lié à celui de l’autre sexe, mais aussi à sa différence. Les femmes ne sont pas jalouses des hommes. Les hommes sont patients avec leurs femmes, sans servilité. Les femmes transmettent la vie, à profusion. Elles ont beaucoup d’enfants, et elles les aiment d’autant plus qu’elles en ont beaucoup et qu’elles forment une belle famille. Chaque membre est unique et solidaire des autres. 4 générations peuvent vivre sous le même toit, sans se disputer. Les anciens abandonnent leurs responsabilités progressivement. Les jeunes soutiennent les maux de leur grand âge. Les grands-parents gardent leurs petits enfants. Ils ont toujours du temps pour ça et beaucoup moins pour les croisières. Mais ils s’en moquent car leur bonheur, c’est leur famille. Les vieillards ne partent jamais en maison de retraite car la cellule familiale est organisée pour avoir du temps pour eux, et les accueillir. Ainsi ceux-là ne se sentent-ils jamais en insécurité, au milieu d’un environnement nouveau. Ils acceptent même d’obéir après avoir commandé durant toute une vie, parce qu’ils sont raisonnables.
Les hommes aiment un peu trop leur travail. Ils savent faire la part des choses et rentrer quand même au domicile conjugal. D’ailleurs hommes et femmes sont tellement confiants en leur éducation, en l’avenir et dans les lois de leur pays, qu’ils se marient avant d’avoir des enfants, avant d’avoir stabilisé leur situation dans leur milieu professionnel. Il ne leur viendrait pas à l’esprit de construire une maison sur du sable, ou par peur de l’engagement. Car l’engagement est protégé. La parole donnée se respecte. Tout est construit dans une optique de transmission et non pour satisfaire des appétits éphémères. Le travail est bien identifié comme devant servir la famille et non l’inverse. Personne n’a peur des difficultés car tout le monde a la foi, qui donne la foi en l’avenir. Tout le monde connaît le danger de mettre les questions matérielles avant toutes autres, en particulier son travail. Les gens de mon pays ont finalement échappé à la sauvagerie et à l’esclavage.
Les peu d’immigrés qui sont acceptés sur notre territoire habitent de beaux logements qu’ils entretiennent avec ferveur. Pas de plus belle expérience que de traverser une cité hlm à pieds pour comprendre combien les habitants y sont soucieux de leur petite propriété. Les gens de mon pays, qu’ils habitent en banlieue ou pas, sont des gens libres grâce à leur travail et aux revenus qu’ils touchent. Ils peuvent décider de l’usage qu’ils font de leur liberté que leur procure argent et travail. Et ils en usent au mieux, pour améliorer leur environnement et donc leur propriété. Les zones commerciales sont laides parce qu’elles doivent être laides. Les gens de mon pays préféreraient qu’elles soient belles, mais à chaque fois qu’ils s’y rendent, cela leur permet de se rappeler que la vie, c’est plus que consommer ou produire. Ils y vont par nécessité, et remplis d’un sentiment d’horreur. Ces zones leur rappellent combien ils doivent faire d’efforts pour se sortir de l’esclavage et de la sauvagerie.
Avec l’avènement de la production industrielle, jamais nous n’avons autant mangé de bons produits, fabriqués et cuisinés avec amour. Tout a été mis en œuvre pour donner le meilleur au client exigeant de mon pays. Pas question pour lui de bouffer de la merde qui saccagerait nos campagnes. Pas question non plus de refuser le progrès qui est au service d’une augmentation constante de la qualité. Le plus grand danger pour un producteur, ce serait d’être repéré comme d’un arnaqueur qui tromperait le consommateur sur sa marchandise. A l’inverse, le consommateur de mon pays a les papilles éduquées et dépense beaucoup plus d’argent qu’il n’en faudrait dans une nourriture de qualité. Il n’économise pas sur la bouffe. Ainsi en général, le produit est magnifié, la nature respectée, l’humain aussi. Manger avec respect, c’est se respecter parmi les gens de mon pays. La nourriture animale et végétale est sacrifiée avec respect. Je l’ai déjà dit, il faut aussi que la nourriture soit préparée avec amour. Car l’amour précède la survie et les gens de mon pays savent très bien qu’un bébé abandonné se laisse mourir de fin, quand bien même il serait entouré de toute la nourriture du monde. Ainsi veilleront-ils à accomplir chaque acte, en particulier en direction d’un enfant, avec amour. Les gens de mon pays pourraient confier à des robots payés pour cela, le soin de nourrir leurs enfants, mais ils cherchent à perdre ce temps avec eux, car ils en estiment la nécessité. Donner/produire de la nourriture c’est d’abord donner de l’amour, et non remplir une panse. Les gens de mon pays sont persuadés que les étrangers qui n’agissent pas ainsi, finissent stériles, maltraités et assassinés. Allez comprendre d’où leur vient cette croyance…
Les gens de mon pays perdent beaucoup de temps pour les autres, d’où leur férocité à devenir rentables. L’argent c’est du temps qu’on peut dépenser avec celui qui en a le plus besoin. Voilà pourquoi, pour en revenir au début de mon propos, il y a peu de maladie mentale dans mon pays, peu de gens qui prennent des antidépresseurs, ou des médicaments qui sont comme d’une béquille pour les faire vivre. Et ainsi les rues sont généralement sûres, les enfants sont surveillés par tout le monde, et les mères peuvent avoir l’esprit tranquille, si cela était possible.
Parce que les gens de mon pays sont très rentables, gagnent beaucoup d’argent, ils peuvent consacrer beaucoup de temps à celui qui en a besoin, même si c’est inutile, surtout parce que c’est inutile. Ils savent qu’en donnant de ce temps, ils seront remboursés par la suite, et de plus en plus, car il n’y aura que des personnes saines dans leur entourage, et qu’ainsi, ils deviendront plus forts collectivement, et donc gagneront plus d’argent. C’est un cercle vertueux. Nous savons où nous allons tous ensemble. D’ailleurs, il n’y a pas de pénurie de professionnels dans notre pays, pas de pénurie de médecins, pas de pénuries de jardiniers, pas de pénurie de bâtisseurs. Les gens sont généralement compétents, et inaptes à l’extrême marge. Ils remplissent donc leur office.
Un malade bien soigné, c’est une place libérée pour un autre qui en a besoin. Un élève bien enseigné, amoureux de son travail, de l’apprentissage, et donc de la Kulture, c’est un futur employé rentable et compétent qui répondra aux attentes de ses clients, et qui pourra donc payer de bons professeurs, très cher, pour ses enfants. Les gens de mon pays savent que le travail s’apprend par le sens qui lui est donné. Ainsi les meilleurs éléments de mon pays, sont poussés jeunes à devenir meilleurs pour améliorer la vie en société.
Les gens de mon pays courent après les personnalités atypiques qui les remettraient en question et les feraient progresser. Le système scolaire est construit pour que chacun y trouve sa place, surtout les élèves les plus performants, les plus remuants, les plus atypiques. Pour les autres, c’est facile, ils sont assez souples pour se plier à toutes les exigences sociales. Ils aimeront leur travail tel quel et ils seront immédiatement précieux pour toute la société, pour peu que le mouvement général les y incite.
Et puis les plus faibles sont protégés parce que tout le monde, surtout les plus jeunes, comprennent d’instinct la vie de Jésus, qui leur est enseignée avec élan. Même les adultes qui ne mettent pas tellement ses préceptes en application, reconnaissent la nécessité d’une bonne éducation catholique pour le bon fonctionnement social et familial. Sinon disent-ils, tout part à vau l’eau, et des valeurs sans foi, ça n’existe pas.
Le niveau culturel augmente, car le travail est relié au sens et le sens au travail. Les jeunes savent qu’en s’investissant à l’école, ils seront récompensés par une société juste qui distribue les places au mérite. Pas de trafics d’influence de quelque sorte. Pas d’apparatchiks qui promeuvent l’égalité pour mieux placer leurs enfants médiocres. Si les médiocres trouvent leur place dans notre société, la médiocrité y est pourchassée. C’est une sorte d’état d’esprit qui n’évite pas toutes les déviances, mais qui les limite. Les gens de mon pays se défient d’ailleurs de toutes les idéologies et de toutes les volontés d’absolu, qui débouchent souvent à l’inverse de ce qu’elles prétendaient défendre. Le religieux reste du domaine de la religion. La vie sociale et les idées religieuses s’influencent sans se confondre. Et les fausses religions promues par les partis politiques sont pourchassées. L’état ne dit pas ce qui est bien ou mal. Il vote simplement les lois en ce sens qui lui viennent de plus haut que lui, et qui font l’objet de débats acharnés où les arguments de tous doivent être pris en compte, au regard de la sainte foi christique dont les préceptes ont toujours guidé les peuples pour le meilleur, quand ils se sont battus pour ça.
Dans mon pays, les gens sont en sécurité, parce qu’ils ne prennent pas de risques inutiles et qu’ils ont confié leur protection à tous les hommes du pays. Il n’y a pas de service de sécurité à proprement parler. Il n’y a qu’une police judiciaire chargée de prendre en charge les délinquants qu’on lui amène. Le regroupement de malfaiteurs est traqué par l’armée. Pour le reste, tout le monde a le devoir de protéger la vie commune et sa vie intime. Un homme qui n’essaierait pas de tuer un voleur qui pénétrerait sa propriété, serait méprisé de tous. Un homme qui se mêlerait de l’intimité de son voisin serait très mal perçu. Chacun doit être chez lui en fait. Voilà comment les vaches sont bien gardées.
Si une femme est maltraitée dans son couple, elle a le devoir de quitter son mari, même si elle a aussi le devoir de lui rester marier. Ainsi évite-t-on deux maux dans mon pays : le divorce et la maltraitance. Le mari qui touche des revenus plus souvent que sa femme, a quant à lui, l’obligation de l’entretenir à minima. Et même dans ce genre de cas, ils restent obligés de s’occuper des enfants en commun sous peine de finir tous les deux en prison et que leurs enfants soient confiés à des proches qui accepteraient de les accueillir.
Dans mon pays, il n’y a aucune allocation familiale. Tout le monde vit bien de son travail. Ainsi les femmes n’ont-elles pas le loisir de vivre en dehors de l’autorité naturelle de leur mari, et elles le respectent un peu plus. Les placements d’enfants sont exceptionnels, à la suite de condamnations pénales. Les services de l’état cherchent toujours une solution dans l’entourage de l’enfant avant d’essayer autrement. La population est terrifiée par l’idée qu’on puisse lui retirer ses enfants, donc les services de l’état sont strictement surveillés sur ce point. Elle sait que l’abus est facile dans ce cas et qu’il se révélera lourd de conséquence. Le budget de ce service est volontairement maintenu à un niveau insuffisant. Le bénévolat est le seul moyen d’empêcher de créer des usines à placement, toujours en sous-effectif, toujours en manque de moyens. La population en a parfaitement conscience et ne se laisse pas émouvoir par des pleureuses qui leur tendent la main, incapables d’envisager les conséquences de leurs pleurnicheries. Car dans mon pays, les gens se défient de la pureté et de l’idéologie rêveuse qui la sous-tend. Ils ne croient pas en un monde parfait, mais ils y travaillent.
Je le dis et je le répète donc avec force, quelle belle époque ! Ce n’était pas mieux avant. Nous vivons des temps formidables où les citoyens mettent en pratique un bon sens qui leur manquait auparavant. Nous marchons d’un pas confiant en direction de l’avenir, le regard serein et paisible, toujours plus forts, toujours plus sûrs de notre foi catholique toujours interrogée.
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