Contrairement à la « Reine des neiges », le dernier opus de Cendrillon de Kenneth Branagh est entièrement réussi. Ce dessin animé nous donne à voir du beau, avec de vraies princesses, de vrais princes, de vrais méchants et un véritable esprit catholique de rédemption et de sacrifice, avec son corollaire : le mariage d’amour (à noter la mauvaise foi ou le manque de culture évident de l’Express/AFP qui l’assimile à une revendication féministe!).
La réalisation est somptueuse, le jeu des acteurs grandiose, l’histoire d’origine est reprise telle quelle avec des ajouts et quelques modifications qui ne nuisent en rien au message du conte traditionnel. Courage et bienveillance sont le maître mot des scénaristes qui ont voulu sensibiliser les enfants aux difficultés de la vie sans les traumatiser par des images bâtardes de héros modernes médiocres et dénaturés.
Comparatif “Reine des neiges” VS “Cendrillon 2015”.
Tandis que la « Reine des neiges » plonge nos petits dans l’indécision parce que les scénaristes ont voulu leur refourguer leur propagande moisie de la femme LIIIIBBBBERRRREEEE, Cendrillon leur donne de vraies clefs pour grandir par et dans le beau, à travers les difficultés. Résumer cette histoire n’apporte rien, car tout dépend des détails dans ce film qui reprend une trame narrative que tout à chacun connaît. C’est un regard, une réflexion bien placée, des jeux d’acteurs formidables, des costumes extraordinaires, et un brin de magie.
Face à ces gens heureux qui paraît-il n’ont pas d’histoire, le débat serait donc clos ? Pas vraiment. Car dans notre monde du laid, réintroduire volontairement du beau n’est pas anecdotique. La démarche si elle n’est pas consciente n’en est pas moins à la pointe de la réaction. Dans la « Reine des neiges », les scénaristes femmes ont renoncé à tout idéal de mariage d’amour heureux. L’engagement n’est plus qu’un lointain souvenir semé de tant d’embûches que la solitude devient une manière possible de s’en sortir. Le prince est dépravé. La filiation ne se renoue pas entre les générations. Les adultes présentent la note aux enfants et leur demandent de payer. A l’inverse, Cendrillon de Kenneth Branagh éduque au regard, sur l’autre qui doit être accepté avec ses défauts. Ce pacte sur la différence de chacun scelle d’ailleurs l’union finale entre le prince et Cendrillon. Dans la « Reine des neiges », les défauts se révèlent être des qualités, et les qualités dissimulent d’énormes défauts. Univers d’adultes aigris. La relation est hermétique entre bon et mauvais, et en plus le bon a l’air du mauvais et le mauvais a l’air du bon.
Dans Cendrillon 2015, la jouissive caricature du mal est dépassée par les statuts de chacun qui ne sont pas respectés. Le prince est apprenti, la princesse n’en est pas une, la belle-mère usurpe la place de la mère, et ce jeu de chaises musicales prend tout son sens à la fin quand on comprend que derrière les positions sociales, se cachent des humains qui font des choix moraux pour obtenir la place qu’ils méritent, ou bien pour la perdre. Ainsi, Cendrillon 2015 croit encore au mariage d’amour et le défend tandis que la « Reine des neiges » sombre dans la désillusion. En ne lâchant jamais le beau, même à travers les épreuves, Cendrillon 2015 aboutit… au moment où la « Reine des neiges » en travaillant à partir du laid ne réussit pas à conclure.
Pourquoi a-t-on besoin de beau et de princesses
Le mariage c’est une éducation, pas un bouillon d’égocentrisme qu’on tente de rattraper à 30 ans. Cendrillon 2015 assure l’éducation des enfants qui le regarderont. La « Reine des neiges » part de l’idée que l’égocentrisme est vainqueur dans notre société et qu’il faut faire avec. Or si les petites filles ne veulent pas comprendre qu’elles doivent surtout arrêter de se prendre pour le centre du monde, elles et leurs sentiments, j’ai bien peur qu’il leur soit impossible de construire une relation constructive avec un partenaire. Telle est la sagesse des contes anciens. Ceux-là proposent aux enfants de travailler avant qu’il ne soit trop tard, de faire des efforts. Dans des films ou dessins animés comme la « Reine des neiges », nos modernes auteurs essaient de leur faire croire qu’ils doivent d’abord chuter. Or quand la chute précède l’amour, le désespoir n’est pas loin. Les enfants ont besoin d’espérance, tandis qu’ils savent d’instinct que tout ne se rattrape pas dans la vie. Il n’y a pas de suite heureuse à un divorce, que des cris et des larmes, sauf pour les gens qui ne se sont jamais aimés.
L’aspiration profonde du couple à ne faire qu’un est inscrite dans le coeur de chaque être. Dès lors, sous-entendre qu’ils n’auraient pas les moyens de vivre cette unité, ou qu’ils pourraient échapper à ce désir, est tout simplement criminel, car de toutes les manières, ils se retrouveront face à ce désir. Méséduqués, ils divorceront et porteront toute leur vie le poids de leur première erreur. Ou bien, ils ne réussiront jamais à vivre leur aspiration profonde. La « Reine des neiges » nous prépare une génération d’individus incapables de vivre d’amour. Au contraire, le beau Cendrillon, les arme d’une conviction secrète : malgré ce qu’il est, le monde « pourrait être meilleur » si chacun faisait preuve de courage et de bienveillance. Le sens est proposé. A chacun d’y adhérer ou d’aller voir ailleurs.
Le beau c’est l’espérance, voilà pourquoi l’art ne peut ni se couper du beau, ni se couper de Dieu aussi facilement. Dieu étend sa dictature sur le monde à travers le beau. Voilà pourquoi ces mêmes artistes contemporains, à chaque fois qu’ils renoncent au beau, renoncent également à Dieu et qu’ils descendent d’un cran dans l’échelle de l’humanité. Vouloir faire réfléchir est une aspiration noble, mais elle ne le sera jamais autant que de le faire par le beau.
La « Reine des neiges » est un film fait par des adultes pour des adultes. Le but est de permettre à ceux qui le regardent de dépasser l’échec d’une première union entièrement ratée. Cendrillon 2015 donne des billes aux petits et ne les trouble pas par des considérations inappropriées sur ce qu’ils auront à vivre. Ce dernier film est un leg, la « Reine des neiges » est un poids qui mène à la confusion des générations synonyme d’inceste symbolique, féminisation oblige.
Cendrillon 2015 ne véhicule qu’une idée un peu hypocrite qui me dérange : ce mariage d’amour idéal pourrait être construit sans autre considération sur le statut social de l’homme : l’héroïne tombe amoureuse du prince sans savoir qui il est. Personnellement, je trouve qu’il est un peu vain de vouloir distinguer le statut social d’un homme, de sa grandeur morale. Certes bon nombre de personnes qui « réussissent » dans la vie, sont des êtres humains d’une médiocrité absolue. Et nombre de femmes sont fortement attirées par ceux là alors même qu’elles vont rater leur vie avec. Pourtant auprès des enfants, ne faudrait-il pas leur faire espérer un monde où les hommes qui accéderont à de hauts statuts sociaux seront également, un jour, des personnes morales et assises sentimentalement ?
Plus encore, l’attirance presque animale du prince pour la princesse et vice versa, ne repose sur aucune qualité effective reconnue par l’un et par l’autre. Je n’ai pas prétention ici d’expliquer le mystère de l’amour, mais je me demande si nos regards ne pourraient pas être éduqués à une claire conscience de « l’autre ». Assurément le scénariste n’oublie pas de rappeler que chacun devra accepter l’autre dans sa différence avant que l’union ait une chance d’aboutir. Mais je me demande s’il ne faudrait pas voir la différence en l’autre avant d’aimer plutôt que l’inverse. Un amour désillusionné me semble plus difficile à gérer qu’un amour découvert, avec ses limites, dès le début, dans le respect mutuel. Les couples heureux me diront ce qu’ils en pensent.
FIN
La bande annonce :
Cendrillon (2015) – Bande Annonce / Trailer [VF… par Eklecty-City
Laisser un commentaire