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(Roman : la grande libération #11) Les fées du logis

La production avait laissé une semaine de latence entre chaque épreuve, durée qu’elle jugeait ni trop longue ni trop courte pour maintenir l’attention du public à un niveau optimal. Cette première émission, très réussie, avait mis les audiences en orbite. Dès qu’ils rentraient du travail, une foule de badauds se précipitait chez elle, et s’installait devant son canapé pour observer les réactions des uns et des autres, revoir les faits marquants de la journée, incrustés d’animations avec les différents candidats dansant sur les braises, lorsque l’un ou l’autre prenait la parole. Juste au cas où le téléspectateur aurait oublié.

Plus encore, le quidam avait accès à l’enregistrement de toutes les caméras de la maison. Et chacun s’était mis à fouiller pour trouver le meilleur plan dans la salle de bain, dans les toilettes, dans la salle commune. « S’ils n’ont rien à se reprocher, les caméras ne les dérangeront pas » se disaient les commentateurs de la machine à café.

La caméra 121 avait eu un certain succès, celle placée au niveau du bassin dans la douche. Mais toute une population préférait la 145, dans le fond des chiottes. Enfin, chacun selon ses fantasmes. Certains surveillaient les conversations dans l’attente d’une faute morale de l’un des candidats, pour gagner quelques crédits. D’autres pouvaient laisser libre cours à leurs fantasmes de voyeurs.

Dans la grotte, les candidats avaient pris leurs marques assez rapidement. La vie dans un espace libre constituait un remarquable progrès de leurs conditions d’existence par rapport à leur détention en prison. Et au sujet des caméras, ils raisonnaient à l’identique des sujets de la ruche : « Je n’ai rien à me reprocher. »

Cette première semaine ne manqua pas de provoquer le scandale suite à une discussion entre les patriarcaux. Les journaux en avaient profité pour en faire leurs choux gras : « Les épreuves de la grotte ont-elles été truquées à l’avance ? », « Les patriarcaux sous surveillance après des propos polémiques », « La remise en question des patriarcaux, est-elle une attaque indirecte contre la ruche ? ».

L’incident avait eu lieu peu de temps après la fin de l’épreuve. Tout avait commencé avec l’attitude zélée de numéro 9 qui avait excédé numéro 3 :

Numéro 3 : « Arrête de jouer au parfait petit déconstruit numéro 9. Si la ruche ne t’avait pas arrêté, tu l’aurais violée cette femme. »

Numéro 9 : « Parce que tu te crois meilleurs avec ton harcèlement. Si j’étais toi, je ferais profil bas. »

Numéro 3 : « N’importe quoi. Moi, si j’ai mal agi, c’est par amour des femmes. Toi, tu es un oppresseur.

Numéro 9 : « Quelle idée de noyer de messages une femme qui ne veut pas de toi ! Tu n’es pas capable de te retenir avec une femme et tu viens donner des leçons d’amour. »

Numéro 3 : « J’ai dépassé les bornes sans même m’en apercevoir. J’aime trop les femmes. Voilà ce que je dois travailler. Par contre toi, tu les maltraites en les abordant et en provoquant chez elles de la peur et du dégoût. Tu es un arriéré. »

Numéro 9 : « Qui est le plus arriéré ? Moi qui cherche la compagnie d’une femme ou celui qui ne cesse de les importuner par des correspondances illégales ? Toi tu t’es privé du consentement d’une femme en lui envoyant des messages qu’elle ne désirait pas. Moi, je croyais répondre à son désir. Je me suis trompé certes, et c’est impardonnable. Mais je préfère toujours mon crime au tien. »

Numéro 5 : « Arrêtez tous les deux. Vous ne comprenez rien à rien N’avez-vous pas le droit d’avoir des désirs ? La ruche ne peut nous interdire d’aimer les femmes et en même temps nous obliger à les sanctifier. Toi numéro 3, tu as envoyé ces messages sans savoir. Et toi numéro 9, tu croyais qu’elle serait d’accord d’être abordée. C’est une erreur de votre part, et non une faute. »

Donald : « Nous devons payer pour cela. »

Numéro 8 : « Tout ceci est une mascarade. Nous ne sommes que de la chair à canon pour la ruche. Nous servons d’exemple pour tous les autres. Quand nous aurons été bien punis, les autres patriarcaux y réfléchiront à deux fois avant d’embêter une femme. Et puis d’abord, tout est prévu d’avance. Ces épreuves, nos profils qui ont été sélectionnés minutieusement, et même le résultat à ces épreuves. Tout cela a été scénarisé. »

Numéro 3 : « Ah ah ah, le complotiste, il imagine que la ruche contrôle le moindre de nos faits et gestes. Tu as bien loupé ta formation. »

Numéro 8 : « Certainement que la ruche contrôle tout de bout en bout. D’ailleurs la ruche elle-même est contrôlée par une organisation spéciale qui tire les ficelles de bout en bout et qui veut tous nous tuer. »

Donald : « Mais qu’est-ce que ça vient faire dans le débat ? D’où tires-tu tes informations ? »

Numéro 8 : « C’est logique. Les agissements de la ruche ne peuvent pas s’expliquer du simple fait de la ruche, ou de son ignorance. Pourquoi de braves patriarcaux comme nous sont traités si durement ? Nous sommes peut-être coupables, mais que dire des agissements de ces hommes de l’ombre à qui rien n’est reproché, et qui sont pourtant bien plus patriarcaux que nous. Les femmes, la ruche, ne peuvent agir ainsi et nous brimer spécialement sans raison. Il y a une organisation obscure et qui chapeaute le tout. Le plan secret de cette organisation c’est de détruire la ruche et de tous nous détruire. »

Donald : « C’est vrai que nous sommes traités durement. »

Numéro 9 : « Mais il le faut bien. Sinon la société perdrait le contrôle. Il y a trop de laxisme en général. Les hommes de la ruche sont désobéissants. C’est pour ça que le monde va si mal. C’est exagéré de remettre en cause la mesure de la ruche. »

Donald : « J’ai souffert en prison. »

Numéro 3 : « Parce que tu crois que la prison, ce n’est pas fait pour ça ! Nous avons mal agi. Nous devons être punis et en souffrir. Ca fait partie de la marche du monde. »

Donald : « N’y aurait-il pas un autre moyen d’agir ?

Numéro 3 : « Non, il n’y en a pas d’autres. Ceux qui racontent le contraire sont de doux idéalistes. Ceux qui croient à de telles sornettes sont des naïfs. Mais où irait la société, si elle ne punissait pas les patriarcaux de notre espèce ? »

Numéro 8 : « Tout ceci est voulu par les forces du mal. Notre souffrance, la punition, notre incompréhension. Tout est prévu de bout. D’ailleurs c’est numéro 10 qui doit gagner pour faire avancer le nouvel ordre mondial. »

Numéro 9 : « N’importe quoi. Nous avons eu nos chances à égalité lors de la première épreuve. De quel trucage parles-tu ? »

Numéro 8 : « Vous comprendrez plus tard, quand il sera trop tard. Je vous dis que tout est prévu par la ruche. Absolument tout. Nous ne pouvons y échapper. L’organisation du nouvel ordre mondial a tout planifié. L’opposition est contrôlée, et il n’y a pas de place pour la repentance ou la liberté. Je vous dis que tout est prévu. Tout est prévu ! »

Donald : « Le procureur m’a pourtant laissé le choix de participer ou non. »

Numéro 8 : « Moi je crois surtout que tu étais de mèche avec lui. Tout ceci n’est qu’un paravent. Et je crois que le premier des paravents, c’est toi numéro 10. Tu fais partie de l’organisation ? »

Donald « Mais qu’est-ce que tu racontes ? Je ne fais partie d’aucune organisation, et j’ai choisi en toute liberté de venir ici. Je sais quand même ce que je fais ou ce que je ne fais pas ! »

Numéro 8 « Tout ceci ne sont que de beaux discours qui ont pour but de nous tromper. La ruche ne peut pas t’avoir laissée le choix. Ca serait pas logique. Il fallait que tu fasses partie de cette mise en scène. Tu en es la pièce centrale. »

Donald : « Je ne comprends rien de ce que tu racontes. C’est absurde. »

Numéro 9 : « Tu délires vraiment numéro 8. On voit bien que numéro 10 est sincère. Et d’ailleurs pourquoi quelqu’un qui a fait de la prison serait de mèche avec la ruche ? »

Numéro 8 : « C’est fait exprès, pour rassurer le public, pour nous rassurer. L’organisation secrète est passée maître dans l’art de manipuler les esprits. Et elle nous manipule en ce moment même sous vos yeux. »

Devant tant de conviction, plus personne n’avait voulu continuer la discussion. Chacun s’était enfermé dans son silence, restant sur ses positions. Par contre, cette intermède n’avait pas eu le même effet dans les journaux ou auprès du public. Si les idées développées par les prisonniers étaient communes à tous, la manière de les exprimer si clairement avait surpris. Quant aux journaux, ils avaient su tirer profit de cette ritournelle.

Numéro 8 avait été catalogué comme « complotiste » de qui il fallait se méfier. Ses propos avaient été décortiqués pour en montrer toute l’absurdité. Le plus étonnant, était qu’il n’avait pas été contredit factuellement. Unanimement, les journalistes avaient plutôt suggéré une forme de délire à chacune de ses assertions. Allons quoi, la ruche n’était pas contrôlée par une organisation obscure qui voulait tous nous tuer ! Allons quoi, les dirigeants de la ruche étaient connus ! Allons donc, nous étions quand même dans un pays libre, et Donald avait eu le choix de participer ou pas ! Sur ce point seul, des scènes hologrammiques avaient été ressorties fort à propos, pour montrer toutes les étapes du consentement de Donald qui avaient été filmées. Il ne pouvait pas être proféré de tels mensonges sans réponse. Et la ruche avait eu profit et devoir de répondre à de telles allégations lancées sans fondement.

Mais ce qui troubla Donald ce ne fut pas l’incident, mais l’absence de sanctions contre numéro 8. Pourquoi cet homme qui remettait la ruche en cause, à ce point, n’avait pas été expulsé de la grotte ? Voilà qui le laissait pantois. Il ne pouvait être dit de telles choses aux oreilles du monde entier, sans sanctions. Voilà pourquoi Donald s’en ouvrit en aparté à numéro 9 pour qui il avait un début d’estime :

Donald : « Ne trouves-tu pas bizarre que numéro 8 soit encore parmi nous ? »

Numéro 9 : « Ouaih, après de tels propos, c’est incompréhensible. Normalement, il devrait être en prison. »

Numéro 4 qui passait par là intervint mystérieusement :

Numéro 4 : « Vous n’avez pas compris. Numéro 8 est le centre de ce dispositif. »

Donald : « Le centre du dispositif ! Allons donc, toi-aussi tu as sombré dans le complot. »

 

Mais numéro 4 ne voulut pas en dire plus. Il s’en alla aussi vite qu’il était arrivé. Et cet échange qui avait été enregistré et filmé sous toutes les coutures, bizarrement, ne fut ni repris par la presse, ni commentée dans les foyers.

Depuis l’altercation, les candidats se regardaient un peu en chiens de faïence, la plupart attendant avec inquiétude la prochaine épreuve. La Voix donnait les ordres afin que les travaux ménagers fussent exécutés en bon ordre, et sanctionnait au besoin :

« Numéro 8, un téléspectateur vient de nous indiquer que vous avez mal fait votre lit. Veuillez retourner dans votre chambre et vous exécuter…. Numéro 9, vous n’avez pas rabaissé la lunette des toilettes, je vous envoie une décharge électrique… Numéro 4, vous avez eu un propos déplacé, vous n’avez plus le droit à la parole jusqu’à demain, et vous devrez nettoyer les toilettes à la place de numéro 5… Numéro 10, vous ne vous êtes pas levé dans les temps, vous êtes privé d’une heure de sommeil ce soir, une alerte raisonnera dans votre tête à chaque assoupissement… Numéro 7, vous ne vous êtes pas habillé avec le bon pantalon, veuillez corriger le tir… »

La Voix était capable d’une sorte d’humour qualifié dans les annales des nations, « d’Américain », ou « d’Anglais » selon les circonstances. Par contre toute forme d’humour gaulois avait été proscrit par les programmateurs de l’intelligence artificielle, car jugé trop vulgaire.

Les plupart des téléspectateurs riaient beaucoup en voyant numéro 7, 8 ou 9, être repris tels des galopins pris les doigts dans le pot de confiture. Une minorité passait par delà l’humour de la machine pour s’offusquer faussement des « scandaleuses » attitudes des candidats avec des paroles du genre « Non, mais à notre époque, est-ce encore croyable que des personnes se comportent ainsi ! ». Mais, au lieu d’appuyer sur le dérèglement des uns et des autres, qui leur était trop familier, la majorité préférait s’esclaffer et accuser cette minorité boudeuse de jouer les troubles fête. Car enfin, voilà un spectacle qui changeait des habituelles revues proposées par la ruche !

***

« Ah cher public, voici le moment que vous attendiez tous. Nous sommes le dernier jour de la semaine, le jour de la ruche, où théoriquement, nous sommes sensés ne pas travailler, parce que les reines l’ont décidé ainsi. Mais pour nos patriarcaux, point de repos dans la rédemption (le présentateur était très fier d’avoir trouvé cette expression). Il va falloir prouver qu’ils méritent leur libération anticipée. Car quoi, nous les laisserions partir comme ça mon cher public ? »

« Non ! »

« Voilà pourquoi nous leur avons préparé une épreuve spéciale en ce jour de dormance. Eux qui n’ont pas rempli leurs devoirs envers la ruche, nous allons les faire travailler pendant que le reste de la ruche se reposera. Car point de repos pour les braves ! Et ils devront nous montrer qu’ils méritent leur place dans la société. S’ils ne sont pas assez rentables, s’ils ne réussissent pas à gagner assez d’argent, alors ils seront exclus ! »

« Ouaih !!!!!! »

« Enfin, je dis « ils seront exclus », non, un seul de ceux-là quittera la grotte ce soir, car il ne doit en rester qu’un ! »

« Ahahah »

« L’épreuve est simple et compliquée à la fois. Simple car il s’agit d’être le plus rentable comme je vous l’ai dit. Un homme rentable, c’est autant d’impôts qui rentrent pour notre belle ruche ! Mais compliquée dans le sens où ils devront travailler à plusieurs postes telles des femmes au foyer des temps patriarcaux. Et quand je dis « telles des femmes au foyer des temps patriarcaux », ce n’est pas pour de rire. Le grand ordinateur a retrouvé pour nous les fonctions principales de la femme au foyer de ces temps arriérés, vous vous rappelez peut-être de vos leçons apprises à l’école, ou peut-être pas. Mais l’intelligence du grand ordinateur, elle, n’oublie pas. Et elle a recréé l’environnement exact de ces pauvres esclaves au service de ces brutes épaisses auxquelles elles étaient mariées. Je m’emporte. Allons, grande intelligence, faites apparaître pour nous la séquence des tâches qui leur étaient affectées. »

Le public se mit alors à huer en voyant dans l’espace hologrammique, des femmes s’occuper du ménage, de la cuisine, mais surtout des langes des enfants.

« Ouhouhouhouh ! »

« Ah, mais cher public, ce soir, ce ne sont pas nos pauvres esclaves oppressées des temps patriarcaux qui seront mises à l’amende, mais nos patriarcaux eux-mêmes. Gloire à la ruche ! »

« Ouaih !!!!!! »

Il s’adressa alors aux 9 patriarcaux qui étaient alignés à l’avant scène :

« Messieurs, vous voilà devant nous pour nous prouver que vous pourrez vous hisser au niveau d’une femme du passé ! Vous devrez récurer les chiottes, faire le ménage à fond, vous occuper d’un poupon, heureusement hologrammique pour lui, et enfin préparer le repas pour votre petite femme, qui jugera du résultat. Est-ce que vous êtes d’accord ? »

« Oui ! »

« Je ne vous ai pas entendu ! »

«  Oui !!!!!! »

« Alors c’est parti ! »

Chaque épreuve avait été séquencée par la grande intelligence, avec des postes de travail qui apparaissaient au fur et à mesure que les candidats terminaient leur labeur. Comme mise en bouche, la production avait choisi de faire apparaître des toilettes dans un état de salissure qu’aucun membre de la ruche n’avait pu connaître au cours de son existence, et même depuis que la domotique de la ruche s’occupait du ménage.

Chaque candidat bénéficiait à égalité d’un bidet rempli d’excréments, de vomissures séchées, et même de vers et de mouches qui volaient autour. Bien entendu, l’odeur était raccord. Le public avait poussé un cri d’effroi devant les gros plans hologrammiques que la production n’avait pas manqué de leur présenter.

Par réaction, des spectateurs s’étaient mis à encourager leur favoris. Car des groupes de fans s’étaient constitués autour des candidats. Donald ne faisait pas partie de ceux-là. Il était trop haï, exception faite de ces femmes à la psychologie bien particulière, et qui étaient attirées par des criminels en série.

A l’inverse, numéro 5 et 9 étaient dans les bonnes grâces de la masse, qui ne cessait de scander leurs deux numéros, afin qu’ils finissent de nettoyer les premiers leur écuelle. Donald avait failli tourner de la tête en apercevant ce fatras d’immondices. Numéro 4 n’était pas en reste mais comme Donald, il frottait quand même. Numéro 5 avait vomi. Numéro 8 criait pour se donner du courage. Son éructation était couverte par le bruit de la foule. Numéro 2 pleura d’abord de rage, avant que ce sentiment ne laisse place au désespoir.

Les premiers finissaient leur noir travail que Donald était loin d’avoir terminé. Le doute l’avait envahi. A quoi bon tout ça, pourquoi ? » Il avait ralenti. Pourtant le souvenir de la prison le maintenait dans la course. Hors de question de lâcher le morceau et de retourner en compagnie d’un pervers ou d’un extrémiste patriarcal religieux.

Loin devant, numéros 9, 8 et 7 avaient été revêtus d’une tenue hologrammique de bonniches du 19ème siècle et chassaient avec élégance la poussière, rangeaient les vêtements, ramassaient le verre brisé.

Parmi le public, Luc Fréminot, le procureur, dégustait avec délectation cette scène qu’il avait imaginé de toute pièce. Il les trouvait très seyantes en fées du logis. A cause du soupçon de misogynie qui aurait pu peser sur elle, la production avait tiqué. Luc Fréminot avait dû leur expliquer que pour un patriarcal, l’humiliation extrême était d’être confondu à une femme. « Vous en êtes certain ? » lui avait demandé le producteur en chef. « Oui » avait répondu Fréminot : « Au contraire des civilisés, pour qui les rôles sont interchangeables, les patriarcaux font des différences partout. C’est dans leur nature, et c’est cette nature que nous devons briser. » Alors la production avait accepté le dispositif, avec d’autres encore plus étranges pour elle. Enfin, le résultat était là. Le public semblait adhérer.

Devant, numéro 9, 8 et 7 en étaient déjà à la cuisine, que numéro 2 et numéro 10 peinaient dans leurs toilettes. Les deux retardataires se regardèrent l’un l’autre, et l’émulation de la compétition leur redonna du courage. Puis, Donald prit un coup au moral en voyant qu’il était travesti et Luc Fréminot le remarqua. Sa joie en fut décuplée. Il riait maintenant, découvrant ses larges dents.

La maladresse de numéro 2 et de numéro 10 n’avait pas d’égal. Lourds comme des éléphants en goguette, leurs habits, loin de leur donner de la tenue, accentuait l’impression de maladresse. Donald ramassait les vêtements mais en avait oublié un. Il devait revenir sur ses pas. Numéro 2 cassait un vase alors qu’il avait déjà ramassé des débris. Bref, ils rivalisaient d’imagination pour prendre du retard.

Le trio de tête en était à s’occuper du bébé hologrammique, que numéro 2 et 10 n’en avaient pas terminé du ménage. Numéro 9 était acclamé d’autant plus que sa manière de langer l’enfant ravissait les femmes. Voilà un homme qui s’y connaissait et qui leur rendait gloire ! Il termina sous les hourras de la foule.

Derrière lui, numéro 8 et numéro 7 étaient moins à l’aise. Ils n’avaient pu se départir d’une apparence de gestuelle rationnelle, qui leur portait tort aux yeux de la foule. Toutefois, bébé avait été langé en peu de temps, et il reposait dans le landau avec quiétude. Numéro 4 ne tarda pas à les rejoindre, puis numéro 5 et 3. Enfin 6 arriva en solitaire et buzza tranquillement sur le bouton rouge pour indiquer qu’il en avait terminé. Seuls restaient numéro 2 et numéro 10 qui s’accompagnaient l’un l’autre à leur corps défendant, essayant de s’extraire de la fange de leur gaucherie, mais n’y arrivant pas. Tous les deux, ils firent pleurer le bébé hologrammique, et terminèrent en sueurs sous les huées du public.

« Mes amis… nos patriarcaux ont scellé leur sort ici-même. Mais il ne suffit pas d’avoir été rapide. Encore faut-il avoir rempli le contrat et avoir accompli un travail de qualité. Nous allons donc demander à la grande intelligence d’évaluer les tâches des uns et des autres. GRANDE INTELLIGENCE, évaluation du travail de nettoyage des toilettes ! »

Un grand tableau hologrammique apparut pour classer tous les candidats selon la propreté dans laquelle ils avaient laissé leurs aisances. Des robots détecteurs de bactéries scannèrent chacun des bidet afin de déterminer la présence de résidus. En peu de temps, le tableau se remplit et sans surprise, les deux qui avaient été les plus lents, numéro 2 et numéro 10, étaient aussi en queue de peloton concernant la propreté.

De même, les scènes de ménage furent scannées pour déterminer le bon emplacement des objets et le taux de poussières laissées. Cette fois, numéro 2 et numéro 10 se disputaient la cuillère en bois avec numéro 9. La foule fut outrée que leur champion soit ainsi déconsidéré. Mais cette déconvenue rajouta un peu de piment à l’épreuve.

Pour la cuisine, il fut très difficile de classer les concurrents. En effet, au sein de la ruche, le miamboom avait remplacé les cuistots depuis longtemps, et les concurrents ne savaient cuisiner que dans leur imagination. Seul Donald, qui avait été dans un restaurant de viande, avait une vague idée du processus de préparation d’un plat. Du coup, son repas n’était pas tout à fait difforme. Il y avait de la protéine avec du glucide. Et le tout avait l’air mangeable.

Numéro 8 avait trouvé le moyen de se couper. Numéro 5 avait brûlé les faux œufs et s’était brûlé en même temps. Numéro 9 n’avait mis que des légumes dans sa préparation. Et la présentation de tous les autres, était déplorable. Légumes agencés en série, baignant dans l’huile, assiettes salies. Personne ne comprenait comment les concurrents avaient pu se comporter en tels sagouins. Et à la surprise générale, Donald remporta l’épreuve.

Pour les bébés, numéros 6 et numéro 9 furent classés ex equo en tête de ce groupe d’hommes maternant.

« Après tous ces classements intermédiaires, nous allons savoir qui saura éliminé en ce jour. »

La lumière disparut, puis réapparut projetée uniquement sur numéro 2.

«  Numéro 2, vous avez été la petite femme la moins efficace du groupe, vous êtes donc E-LI-MI-NE. Vous rejoindrez votre chère et tendre prison, en ayant toutefois obtenu une réduction de peine eu égard à votre bonne performance durant la précédente épreuve. Ne soyez pas trop déçu, votre réhabilitation est en cours, et je sens en vous comme un nouvel homme en train de naître. »

Numéro 2 fut enlevé de la scène par aspiration, et la lumière rejaillit sur les 8 candidats restants. Le présentateur alpagua Donald et lui demanda de le rejoindre :

_ « Alors numéro 10, vous nous avez surpris aujourd’hui ! Mais où avez-vous développé ce don pour la cuisine ? Certainement pas chez vous lorsque vous opprimiez votre femme !

_ J’ai été… une fois… dans un restaurant de viande, et c’était bon.

_ Mais qu’est-ce que vous racontez, un restaurant de simili viande vous voulez dire ?

_ Non, un vrai restaurant de viande, où le cuisinier préparait tout à la main… »

Un cri d’horreur traversa la foule.

_ « Allons numéro 10, vous ne savez pas ce que vous dîtes. Un restaurant de viande, ça n’existe plus !

_ Si si, il en reste un pas très loin de mon travail, et je m’y suis arrêté une fois. »

Habillement, le présentateur interrogea les autres concurrents et laissa Donald de côté. Le lendemain du spectacle, le dernier restaurant de viande de la ruche fermait, et le patron était mis à la rue sans indemnités. 4 mois plus tard, après qu’il lui eut été reproché d’être un parasite pour la ruche, il devait se suicider.

 

Chapitre 1 : Le mariage de Caroline

Chapitre 2 : Donald arrive chez Caroline

Chapitre 3 : La cérémonie de mariage

Chapitre 4 : La cuisine et le suicide

Chapitre 5 : la grand messe hologrammique

Chapitre 6 : Un papa parfait

Chapitre 7 : La scène

Chapitre 8 : Le patriarcal derrière les barreaux

Chapitre 9 : Le petit voyage de Donald en prison.

Chapitre 10 : La danse du feu.

 

Léonidas Durandal

Antiféministe français, j'étudie les rapports hommes femmes à travers l'actualité et l'histoire de notre civilisation.

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Léonidas Durandal

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