Synopsis : un professeur de chimie de lycée décide de produire de la drogue pour payer les soins médicaux de son cancer et assurer l’avenir de sa famille après sa mort.
En un sens, Breaking bad ausculte les usa et son rapport à l’argent. Elle prépare les esprits à l’assurance médicale universelle en dénonçant, à demi-mots, un système jugé inégalitaire. Pas de mauvais esprit sur les races non plus. Chacun tient son rôle ou plutôt le rôle qui anime l’inconscient gauchiste : des nègres intelligents, bien habillés et cultivés ; des nazis violents et meurtriers ; la pauvre fille mère latino ; et un fonctionnement social où l’injustice règne, qu’il s’agirait de corriger en relief.
Ceci étant dit, cette toile de fond déformée ne l’est pas assez pour saper son réalisme. Nous ne sommes pas encore dans les années wokes des 2010’ et la peinture des personnages reste vraisemblable, intéressante et nuancée.
Breaking bad appartient aussi à ce corpus de séries comme « les simpson » où le père est un loser. Elle nous donne à voir un personnage normal, dans une famille normale, dans une ville de province normale. Walter White n’est pas un anti-héros, encore moins un héros, mais un normi qui est passé à côté de l’héroïsme. En cela, il est souvent insupportable et comme beaucoup d’autres téléspectateur (à lire les critiques d’allociné), j’ai voulu arrêter de regarder la série. Difficile de s’identifier à un raté qui va mettre toute sa frustration au service de sa réussite, surtout que sa réussite n’en sera jamais une. En l’observant, vous pourrez avoir l’impression de nourrir les ambitions de cette demi-portion et de donner des excuses à tous ceux qui ont renoncé et qui attendent d’être au bord du gouffre pour réagir. Seulement, le scénario est assez bien mené pour que nous échappions à cette caricature. Voilà pourquoi cette série a été adulée par les connaisseurs. Elle touche presque à l’oeuvre d’art japonaise, où des personnages, ici inhabituels, sont disséqués en finesse. Le téléspectateur a envie de taper sur Walter White à cause de son orgueil, sa maladresse, son jusqu’au boutisme, sa médiocrité. Il a tout autant envie de taper sur son acolyte, Jesse Pikman, enfant gâté bercé trop près du mur. Et pourtant, leur folle course nous interroge. Où va-t-elle les mener, humainement parlant ? Voilà ce qui tient le téléspectateur, et voilà pourquoi des gens ont arrêté le visionnage de la série : cette descente aux enfers nous donne l’impression d’être manipulés : nos perdants ne ratent pas entièrement leur vie pour se sortir la tête de l’eau quelques instants, et nous sommes pris en otage de ce mouvement. Or cette manipulation fait justement partie de la mécanique du scénario. Walter White manipule son entourage comme les scénaristes le font à notre égard. Ce jeu nous implique en tant que téléspectateur et ainsi nous échappons à la caricature et la médiocrité du personnage.
Pourquoi Breaking bad intéresse-t-il l’antiféminisme ?
Walter White est un gentil petit mari qui vit à travers les désirs d’une femme qui décide de tout pour eux. Toute ressemblance avec de nombreux couples dans notre entourage n’est pas fortuite. Il s’est fait à cette vie qui ne le satisfait pas intérieurement. Le cancer sera l’occasion pour lui de se libérer. Pour le pire. Avec toute sa naïveté, il va grandir en caractère comme doit le faire n’importe quel antiféministe. Walter White est cet homme plein de potentiel qui ne se réalise jamais à cause de sa soumission aux femmes. La première de celle-là l’a obligé à vendre les parts d’une start up prometteuse, probablement suite à un amour déçu. Il la dominera au dernier épisode. Celle avec qui il vit, porte la culotte et lui laisse peu de place. La manipulation, la force et le mensonge seront pour lui l’occasion de retrouver son statut de pater familias, et de gagner le respect, pour un temps au moins. Il l’entraînera dans sa chute. Dommage que les scénaristes n’aient pas exploité tout le potentiel érotique qui refaisait de Walter White, un homme. Voilà qui aurait récompensé le vice, ce dont semble-t-il, les scénaristes ne voulaient à aucun prix.
Quant à Jesse Pinkman, son alter ego, il est l’enfant chéri de ses parents, incapable de supporter le monde. Voilà pourquoi il se drogue. Ce jeune idiot va devoir assumer toute l’horreur de sa situation, et naître aux forceps. Ici, le maître et l’élève sont bancals. Le mentor lui apprend à cuisiner, mais pas à vivre. Comment le pourrait-il d’ailleurs, lui qui est handicapé des sentiments ? Walter White n’a jamais su exploiter son potentiel professionnel. Il est dominé par sa femme. Son seul enfant est handicapé (comme d’un symbole). Et il attend une petite fille conçue par accident, 15 ans après son premier enfant. Avec Jesse Pinkman, il peut enfin être père, pleinement, car ce jeune a été rejeté de sa famille. Il va vouloir en faire son œuvre et quand l’oeuvre lui échappera, le tuer. Un vrai pater familias donc, mais qui se réalise en dehors d’une famille où il étouffe. Le cancer n’arrive pas pour rien.
Walter White, l’image de l’homme décadent en occident
Soumis, inutile, faible, peureux, mal habile, n’ayant plus de place réelle dans la société ou dans sa famille, Walter White nous donne à voir une image assez réelle de masculin occidental. Il ne reprend à souffler (lui qui souffre d’un cancer des poumons) qu’en rejetant la société et sa famille, quitte à tout perdre. Il redevient un homme en prenant des risques disproportionnés. Il n’a déjà plus sa place en ce monde, et cherche à s’en trouver une en gagnant de l’argent. Souffrant de carences affectives sévères, il n’accepte pas d’aide par orgueil et fait passer sa famille derrière des désirs personnels qu’il a trop refoulés. Walter White, c’est le gentil con qui finit toujours cocu dans la vie, cocu de sa femme, cocu de la société, cocu de sa famille. Par hasard presque, il va être poussé à changer de vie. Il fallait cela pour rendre piquante cette histoire ? Cette dernière ne nous offre pourtant pas de perspectives pour nous en sortir et donne seulement à réfléchir sur notre situation d’homme, ce qui n’est déjà pas si mal. Et puis, une œuvre d’art n’a pas à donner de solution finalement, mais à nous faire réfléchir sur la complexité de l’existence.
Autres thèmes majeurs de la série qui intéressent moins l’antiféminisme :
Le mensonge paye-t-il ?
Les américains ont horreur du mensonge qui corrompt tout selon eux. Ainsi, le mensonge est-il ici présenté comme une tare qui ronge les famille et la société. Walter White dira la vérité à la fin et Jesse Pinkman prendra conscience qu’il ne peut décider de sa vie à travers les désirs de son entourage.
L’argent est-il une fin en soi ?
L’argent s’accumule jusqu’à la vomissure. Et à la fin, il ne règle aucun des problèmes des protagonistes. Cet argent accumulé par orgueil devient même un frein à toute réconciliation. Au début, Walter White, à l’image d’une masculiniste américain, s’accroche à l’idée que ses gains seront une solution à tous ses problèmes. Etre un “provider”, c’est cela être père ! Au fur et à mesure, il découvre que l’argent aura seulement été un signe de réalisation personnelle. Loin d’avoir pensé à sa famille, il n’aura pensé qu’à lui, tout en se réalisant en tant qu’homme, enfin.
L’idée qu’il suffirait d’être riche pour accéder au bonheur, est une idée qui travaille beaucoup la société américaine. Breaking bad met à mal ce fantasme et en revient à une tradition plus sûre de solidité maritale. Pour que Walter White transmette son héritage, il devra accepter que cela se fasse de manière anonyme. Il n’accédera donc jamais au statut plein et entier de père. Sa recherche personnelle se sera fourvoyée entre des désirs d’hommes autocratiques et une réalisation professionnelle chaotique. Il aura au moins compris, à la fin, qu’il est nécessaire pour un homme d’écouter ses désirs, et non pas de vivre uniquement à travers les exigences de son environnement, en se gargarisant de ce pseudo sacrifice.
Qu’est-ce qu’un bon mari ?
Walter White est une seconde femme. Grand chimiste, il se voit reclus à laver des voitures et à vendre des bibelots pour payer l’emprunt de sa maison pour sa petite famille, en plus des cours au lycée. Ses élèves ne le comprennent pas. Sa femme ne le respecte pas. Elle l’a sous sa coupe. C’est un gentil garçon qui fait ce qu’elle veut. Et à partir du moment où il commence à lui échapper, elle le trompe. Il faut dire que bien mal habile, Walter White s’enlise dans ses mensonges qui déconnectent toujours plus sa vie familiale et professionnelle. L’intégration de sa femme à ses arnaques, ou la réintégration de sa femme dans son couple, ne manquent pas de semer le désordre. Il devient pourtant le mâle qu’il aurait toujours dû être, Heisengerg. Avec plus de temps et un peu de chance, elle aurait eu la souplesse de s’y faire. Mais il faut punir les méchants dans les histoires, comme nous le sommes tous dans nos vies pour avoir fait le mal… Ici, l’orgueil et la mégalomanie du personnage principal seront punis à la hauteur de son péché, cependant qu’il aura comme évolué et se sera réalisé aussi.
Breaking Bad est une vraie œuvre d’art. Le public n’est pas flatté en la regardant. Elle ne joue pas sur des caricatures qui deviendraient imbuvables comme dans « the wire ». Nous n’échappons pas au réel à cause d’elle. Vous devriez même y trouver quelques pistes de réflexion pour votre vie personnelle. Je crois que Breaking bad restera aussi dans l’histoire des œuvres d’art parce qu’elle peint une société et un environnement familial du début des années 2000 de manière assez juste, une société où le père de famille ne sait plus qui il est, alors même qu’il n’a pas divorcé de sa femme.
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