Ils donnaient l’image de ces couples qui rendent heureux des observateurs dénués de jalousie. Elle était belle. Il était beau. Ils étaient beaux. Je ne parle pas ici de cette beauté plastique qui fait parfois horreur, mais d’un homme et d’une femme tels que notre imaginaire d’occidentaux français se les représentent. Notre prince était certes un peu empoté avec de grands yeux bleus, mais juste ce qu’il faut, plus grand qu’elle, instruit, riche, moderne, d’esprit vif, promis à un avenir professionnel toujours plus accompli parce que sorti d’une bonne école de commerce. Il ne lui manquait que cette hauteur d’esprit que seule l’université française cultive encore dans notre pays. Reste qu’il gagnait bien sa vie, et qu’il avait une femme qui le complétait à merveille. Jolie psychiatre venue du Liban, elle incarnait cette délicatesse de la femme orientale tannée par le soleil, douce et mystérieuse à la fois avec des cheveux longs et des yeux en amandes. Comme tant d’autres, elle avait dû fuir son pays miné par les guerres tribales et la corruption, cherchant un avenir meilleur en France, et peut-être surtout : un mari. Là-bas, les familles s’étaient entre-tuées pour défendre leur clan. Les hommes étaient restés sur le carreau. Et les femmes aussi en quelque sorte, bien vivantes, mais privées du pouvoir de se reproduire parce que ne trouvant plus de partenaire disponible, chez les chrétiennes en tout cas, qui ne sont pas polygames.
Quelques années après notre première rencontre, je recroise notre garçon en soirée. Et je lui demande des nouvelles de sa jolie femme puisqu’elle est étrangement absente. Il m’apprend alors son divorce. Un peu choqué, j’essaie d’en savoir plus et nous entrons dans une conversation intime où il m’explique que sa femme cherchait à se faire dominer et qu’il n’avait pas envie de rentrer dans ce jeu là. Effrayé par sa propre masculinité, il avait préféré la séparation qu’entrer sur le terrain marécageux d’une virilité assumée.
Elle n’avait pas réussi à obtenir de lui ce qu’elle désirait du plus profond de sa nature biologique. Il avait tout, elle avait tout, et tout était donc parti en jus de boudin pour une question d’orgueil et de féminisme. Son orgueil d’homme l’avait poussé à refuser d’être « formé » par une femme, femme qui voulait pourtant qu’il se comporte en homme, mais féminisme qui lui interdisait de l’être. Biberonné à l’idée qu’un homme ne devait surtout pas prendre le dessus sur une femme, il avait intégré ce principe féminisé jusqu’à sacrifier son couple, sa femme.
Ce faisant, il lui imposait pourtant un refus catégorique qui le laissait en surplomb de leur relation. Son attitude me rappelait celle de tous ces Allemands qui, désignés comme machistes par leurs femmes, ont choisi de les prendre aux mots et refusent désormais de les draguer. Au lieu de s’imposer à un niveau social, lui, comme eux, ne voulaient plus jouer le jeu. Et comment pourrais-je les condamner sur ce point, moi qui l’ait joué ce jeu, et qui m’y suis brûlé les ailes ?
Car ce genre de situations illustre à merveille la stérilité d’un monde gouverné par les femmes. Que vous entriez dans le jeu des femmes ou pas, tout le monde est perdant. Soit vous adhérez à l’idée féministe, et vous restez un petit garçon impropre à satisfaire votre compagne. Soit vous n’adhérez pas à l’idée féministe, et dans une société féministe, votre manque de pouvoir social vous décrédibilise aux yeux de votre compagne. Dans son cas, si mon ami avait dû lui mettre la bonne raclée qu’elle appelait de tous ses voeux, son épouse aurait eu tout loisir d’aller se plaindre aux autorités et d’obtenir gain de cause.
Elle aurait voulu qu’il prenne le dessus. Et je pense qu’elle était profondément sincère quant à sa demande. Cela l’aurait sécurisée pour devenir mère. Mais elle aurait aussi pu se défier de lui en l’identifiant à un usurpateur pour l’occasion. Et mon ami ne le sentait que trop. Il ne voulait pas s’en remettre à elle, et il a reculé. Telle est la nature masculine, de se défier des femmes et de leur pouvoir totalitaire. Telle est la nature féminine. Toute puissante, mais sans repère pour avancer, elle cherche le nord en l’homme. Capable de détruire le compagnon qui ne lui convient pas, tout comme celui qui lui convient pour cette seule et unique raison : il n’a pas été assez fort.
Si un couple parfait mais un peu crédule, n’est pas capable de trouver le bonheur dans notre société, je vous laisse conclure pour les autres. De nos jours, la vie des couples ne tient qu’à un fil. Autour de moi, je ne vois que les couples bien traditionnels qui réussissent à s’en sortir, derrière des apparences féministes parfois, ou avec des femmes qui ne remplissent plus leur rôle, et qui font trimer leur homme au-delà de toute mesure. Le cheval de trait masculin est en train de plier sous le poids du couple moderne, face à des femmes de plus en plus fainéantes et qui se plaignent d’autant. Des femmes qui ne s’épanouissent pas plus dans leur travail que dans leur famille, mais qui exigent des hommes qu’ils en fassent toujours plus pour les contenter, parce qu’elles n’ont plus de limites.
Certains hommes plus retors que d’autres, peut-être plus intelligents aussi, l’ont compris. En bon gauchistes, ils savent accepter la domination de leur compagne tout en jouant sur sa culpabilité, ce qui leur procure un peu plus de confort. En effet, en s’appuyant sur leur volonté maternelle de tout contrôler, cet objectif de toute puissance, impossible à réaliser, confine leurs épouses à un sentiment de honte issu du constat prévisible de leur échec, mouvement infériosant qui contrebalance chez elles le désir de toute puissance, médiocre équilibre mais préférable à celui que vivent tous ces hommes français, plutôt de droite, plutôt galants, qui eux, triment pour leur partenaire avec crédulité sans rien obtenir en contrepartie. Là aussi, et pour tous, stérilité : dans notre société socialiste/féminisée, l’homme a plus intérêt à être un raté, et même à n’avoir pas de femme du tout, plutôt que de suivre ses pulsions reproductives avec une mémère dévergondée, contrôlante à l’excès.
Depuis, je n’ai pas eu de nouvelles de ce couple. J’imagine que l’homme s’est casé ailleurs. Ce bon parti aura du mal à échapper au plumage sélectif organisé autour de lui par la gente féminine, quelques précautions qu’il ait prises. Quant à cette femme, avant de quitter les réseaux sociaux, et sans parler de sa tristesse, je l’ai vu se masculiniser, physiquement. Comme si le manque d’homme s’était traduit chez elle par un appel à devenir homme.
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