« Ca ne mange pas de pain de baptiser, ou de marier les gens comme ils l’entendent. »
Tel a été le raisonnement cynique ou lâche de nombreux prêtres progressistes au cours des 40 dernières années. Leur volonté de s’adapter au monde leur a servi de caution pour refuser de s’adapter intérieurement. Ils n’ont pas voulu comprendre en quoi notre monde avait changé. Pourtant que de paroles déclamées en sens inverse, que de déclaration sur le fait que nous ne vivions plus dans une société catholique ! Oui, ça, on l’a entendu. Mais en tirer des conséquences pour la vie de l’Eglise, nous n’en avons pas vu trace, ou par des évolutions de pratique très lentes.
Or suivant en cela la société, cette partie de l’Eglise a vécu sur un héritage passé qui est aujourd’hui presque dilapidé. Nous avons bien admis le monde était de moins en moins catholique, mais en interne nous avons fait comme si ce n’était pas le cas : dépenses de communication, marketing, radios païennes, mariages facilités, baptêmes à la va-vite. Tout cela en pensant que cette main tendue servirait d’évangélisation. Il est temps de faire le bilan de nos échecs et de faire des choix courageux.
Bilan.
La multiplication des mariages sans croyance, et sans pratique a eu pour conséquences de banaliser le mariage. Nous avons participé à ce mouvement civil. Or aujourd’hui, ceux qui faisaient confiance à l’Eglise dans leur jeunesse pour les guider, s’apercevant de la trahison, Lui demandent des comptes, maintenant qu’ils sont devenus plus mûrs. Ces derniers semblent nous dire tous en cœur : « Vous m’avez marié n’importe comment la première fois, pourquoi vous refusez de le faire une deuxième fois avec quelqu’un de solide spirituellement. » Face à cette « évolution » bien prévisible du chemin de vie de ces individus, la machine à faire des erreurs progressiste coince brutalement contre le dogme. Et c’est vrai, quelque part, dans ce cas précis l’Eglise rend responsable les gens de ses propres manques. Elle peut bien les renvoyer à leurs responsabilités, Elle qui n’a pas voulu assumer les siennes !
De même pour les baptêmes à la va-vite dans des familles non pratiquantes. L’Eglise a pu se dire un temps : le signe de Dieu est sur eux, cela ne peut pas leur faire de mal. Oui, mais si cela ne leur a pas fait de mal, cela en fait beaucoup à la communauté. Aujourd’hui, des personnes baptisées, non évangélisées sont persuadées faire partie de l’Eglise alors qu’elles ne communient pas le dimanche, qu’elles ne demandent pas le serment de réconciliation au moins une fois pas an, qu’elles ne connaissent absolument rien à la vie de l’Eglise. C’est dramatique quand elles s’expriment en tant que catholiques. Nous vivons avec des chiffres gonflés au niveau du nombre de catholiques dans notre société, tandis qu’en réalité, nos sociétés sont presque totalement déchristianisées. Mais ceux-là qui ont été baptisés à la va-vite se sentent aussi une légitimité pour parler au nom de l’Eglise puisqu’on la leur a donnée, et ils ne s’en privent pas (2). Pire encore pour ceux qui ne comprennent pas l’incohérence de l’Eglise et qui devenus grands, rejettent la faute de leur incroyance sur Elle.
Evolutions
Il est temps de prendre en compte les évolutions sociales. Il n’est plus possible d’agir comme si nous vivions en Europe, dans une société catholique. Il va falloir renforcer les conditions du baptême et ne le donner à des enfants que si nous sommes sûrs et certains qu’ils recevront une éducation catholique (en allant à la messe très très régulièrement parce que leur parents auront été précédemment à la messe très très régulièrement). Les autres enfants devront être évangélisés le plus longuement possible.
Quant aux mariages, les prêtres savent très bien qui est catholique (donc pratiquant) dans leur paroisse de qui ne l’est pas. Ils savent également quand une union est mise dans la main de Dieu, d’une autre qui ne l’est pas. Ce pouvoir, il va falloir l’user avec parcimonie, au risque de donner le sentiment d’une forme d’exclusion. Pour éviter cela, il y a toujours la possibilité que la bénédiction remplace parfois le mariage. Cependant, moins on mariera, moins on bénira d’unions douteuses, et plus l’Eglise en ressortira grandie. Et plus les prêtres auront du temps à consacrer à de vraies missions pastorales.
Quid des personnes trahies par la faiblesse féminisée de l’Eglise.
Les Evangiles prévoient la possibilité du divorce en cas d’adultère. Ce serait peut-être une solution pour redonner une chance à ceux que l’Eglise a véritablement trahi en les laissant se marier dans n’importe quelle condition. Ce genre de remariage pourrait être accompagné d’une pénitence du demandeur comme chez les orthodoxes. Il faudrait également définir un chemin de rédemption pour celui-là. Ce changement des pratiques pastorales durerait tant que nous n’aurions pas assaini la situation (c’est à dire pendant au moins 40 ans pour faire contrepoids aux 40 années de laisser-aller).
Deux difficultés.
Au moment précis où j’écris, le Synode tente une conciliation entre points de vue « progressistes » et « traditionnels ». Si au lieu du compromis habituel, nous avancions un peu ? Bien entendu, les « traditionnels » auront du mal à accepter le genre de solution que je propose. En quelque sorte, ce serait comme une trahison à la Vérité pour eux. Je ne leur donne pas totalement tort. Cependant, ils apprendront qu’agir, c’est parfois accepter entre deux maux le moindre, tant que cette Vérité reste à l’intérieur du dogme et surtout qu’elle va vers Lui. Et la Vérité est aussi dans l’acceptation de nos propres erreurs. Sans parler que nous ne pouvons pas résumer l’Evangélisation à la succession des générations d’une famille traditionnelle, les autres étant laissés à l’abandon. Un peu de charité ne nous fera pas de mal. De leur côté, les progressistes, accepteront-ils de rendre l’accès aux sacrements plus difficiles ? Je ne sais pas s’ils n’en auront jamais le courage et si un grand mouvement d’Esprit Saint peut les saisir pour soutenir leurs convictions et leur charité, pour une fois. Cependant qui sait ?
1 « Divorcés remariés : une révolution au sein de l’Eglise », Figaro du 15/10/2014.
2 « Jean-Pierre Michel, héraut des homos », Le Monde du 05/04/2013.
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