Cet arrêt pris aux Usa par leur cours constitutionnelle empêchait chaque état américain de légiférer sur l’avortement tout en permettant à l’état central de s’octroyer cette prérogative. Sorte de hold up constitutionnel commis par l’état central en 1973, l’annulation de cet arrêt Wade vs Roe en 2022 sonne comme un retour à la loi, permis par la nomination de juges conservateurs durant le mandat de Donald Trump.
Mais quid de la France ? Pourquoi une décision juridique prise à des milliers de kilomètres de chez nous, dans un contexte que nous connaissons peu, au sein d’un système très différent, a autant mobilisé les commentateurs français ? A ce point que des députés de notre pays parlent désormais de constitutionnaliser le permis d’assassiner un enfant dans le ventre de sa mère pour lutter contre une décision qui nous est étrangère et alors que les Français ne se sentiraient pas menacés par cette décision américaine, au point que 81% d’entre eux seraient prêts à aller encore plus loin en matière d’assassinat, et qu’aucun parti politique actuel ne remettrait en cause le doit d’assassiner un enfant.
Tout d’abord, notre pays semble de plus en plus perméable à ce qui se passe aux Usa, comme si nous n’étions plus capables d’être autonomes, autant intellectuellement qu’économiquement d’ailleurs. Nos élites sont biberonnées par les Usa, notamment durant leurs études. Le bas peuple est abreuvé de productions culturelles en provenance de ce pays, si bien que de plus en plus, et quelle que soit leur qualité, nous adoptons des référents qui n’ont rien à voir avec notre mode de pensée.
En bout de processus, notre élite médiatique se sent obligée de mener des combats qui n’ont absolument rien à voir avec les problématiques françaises. Puis elle tente d’apporter des solutions à des questions que nous ne nous sommes jamais posées. Pour revenir à notre sujet, en France, la loi Veil de 1975 avait été conçue comme une exception d’assassinat. Désormais l’infanticide par avortement doit être interprété comme une liberté fondamentale, tel que le conçoivent les Américains, soit tout à l’opposé de l’esprit de notre loi (comme l’immigration est passée d’une vue assimilationniste à une vue multiculturaliste que nous sommes incapables de gérer).
Cette conception américaine d’un droit qui n’est pas le nôtre, nous amène à appliquer un droit étranger, mais à la sauce française, nous forçant à cumuler les défauts de l’un et de l’autre. Ainsi nous voudrions nous référer à des principes de droit constitutionnel élevés, sans nous y soumettre toutefois. Dans ce cas précis, nous voudrions constitutionnaliser le droit d’assassiner un enfant, en changeant notre constitution, la remettant en cause non seulement sur la forme mais aussi dans le fond.
Sur la forme, la pratique de l’infanticide par avortement relève d’un dispositif particulier, unique, et non d’un principe général sur quoi une constitution peut se fonder. Dans le fond, le droit de tuer un enfant s’oppose au droit à la vie que chaque constitution tend à promouvoir. Pour ces deux raisons, l’infanticide par avortement ne devrait pas pouvoir être constitutionnalisé. Au vu des mœurs de notre pays, j’ai peur que ce soit pourtant le cas.
Si en désirant constitutionnaliser une dérogation, nous ne respectons pas la loi française, nous n’en respectons pas plus la loi américaine. Tous les commentaires que j’ai pu entendre en France évitaient soigneusement d’envisager la question sous l’angle juridique. Que la décision prise ait été un bon rendu judiciaire américain, ne les intéressait absolument pas. En somme ils méprisaient totalement la loi et le droit pour se placer uniquement d’un point de vue moral, se référant à la loi américaine pour mieux la saborder.
Il faut comprendre ici combien la révolution française est plus de l’ordre d’une dynamique que d’une vérité bien assise. Depuis le début, les révolutionnaires se cherchent. Pour eux, la vérité se trouve dans l’immanence, au fur et à mesure de l’avènement de ce qu’ils favorisent : le socialisme. A l’opposé, dans une conception masculine du droit, la loi fait autorité car elle est assise sur la vérité d’où découlent de bonnes pratiques. En France, depuis au moins la révolution de 1789, la vérité est cherchée dans une remise en question de l’autorité. La loi chez nous n’est que le paravent d’une tyrannie insidieuse qui se mange elle-même pour se trouver. Nous ne pouvions donc envisager l’abrogation de l’arrêt Wade vs Roe sous l’angle du respect des lois, puisque nous baignons encore dans cet esprit révolutionnaire. Pour un Français moderne, il est nécessaire qu’une loi soit bafouée si elle s’oppose à l’avènement du socialisme. Les journalistes s’en sont donc donnés à coeur joie pour critiquer la juste décision des juges américains. Tout comme à l’époque de la loi Taubira sur les unions de duos, le droit du plus fort a été défendu sans que cela ne gène le moins du monde nos journalistes progressistes, ni même la population.
Les socialistes ne cherchant pas à appliquer une vérité, mais la cherchant dans une dynamique de pouvoir collectif immanente, la moindre remise en question du groupe est inenvisageable sans un sacrifice pour apaiser les éléments coléreux. Ce collectif en mouvance est sensé détenir la vérité tout en ignorant l’âme humaine. En se fondant dans le groupe, cette majorité veut vivre dans l’illusion de sa prise en charge affective, psychologique, et intellectuelle, par une masse, entité supérieure divinisée telle qu’elle a pu l’être dans l’Egypte ancienne, ou à certaines périodes décadentes de la monarchie française. Du coup, l’abrogation de l’arrêt Wade vs Roe est le genre d’événement vécu comme une remise en question inadmissible chez nous, et chez tous les progressistes athées du monde entier, qui se sentent menacés dans leurs certitudes. De ce fait, elle été unanimement dénoncée.
D’ailleurs, la discussion en France sur l’arrêt Wade vs Roe a surtout été l’occasion de renforcer la propagande sur l’assassinat d’enfants et la soumission au groupe. Les commentateurs ne se sont surtout pas servis de cette actualité pour asseoir la loi Veil sur un socle idéologique renforcé, mais pour enfoncer le clou plus profond dans la tête de leurs concitoyens sur la nécessité de « bien penser ». Nous l’avons vu également avec le port néfaste du masque durant la fausse pandémie de covid, ou les vaccinations de complaisances. Il s’agissait là de se conformer aux attentes du troupeau de peur d’en être exclu, la vérité n’ayant jamais été abordée qu’à la marge, sur internet, dans la rue, et minutieusement censurée par l’appareil idéologique d’état. Cette atteinte aux libertés collectives et individuelles, au nom de libertés collectives et individuelles douteuses, devenue courante en France, participe à un contrôle social renforcé par les moyens technologiques modernes. L’individu soumis abêtit le groupe, et légitime toutes les mesures de prise en charge infantilisantes. Dans un tel cadre, les despotes eux-mêmes ne sont que de grands enfants qui jouent au décideur responsable. Ils ressemblent au peuple qui les cautionne. A l’image du masque ou du vaccin avec le covi, l’abrogation de l’arrêt Wade vs Roe a été instrumentalisée par les socialistes pour renforcer cette soumission intéressée des masses aux instances oligarchiques.
Comme pour la guerre avec la Russie, il n’y a plus aucune voix politique pour porter la contradiction et pouvoir se faire une idée juste. Tout le monde légitime l’idéologie dominante, ici l’assassinat d’enfants. Y-a-t-il de sacrifices plus succulents pour le diable que celui de saints innocents ? Pour le dire autrement, Simone Veil en entrant au Panthéon, peut-être à son corps défendant, a été divinisée sur la forme et dans le fond par notre république, parce qu’elle a accepté d’incarner la voix de ce groupe mythifié, en sacrifiant les plus petits à ce culte démoniaque. Dans ce cadre, les discussions publiques ne peuvent être que vaines. La vérité est ici, mais personne n’ira la chercher ou bien servira-t-elle d’épouvantail à notre fin de race sous l’emprise du diable.
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