Le premier film a été tourné par des Italiens. Le deuxième est une réactualisation du premier par le hollywood suivant les années fric. Il leur manque à tous les deux, un trait de génie. Ils ont mal vieilli. Ils s’opposent aussi dans leur finalité. Cependant, ils en disent long sur l’homme et les hommes en général, comment ils se perçoivent dans 2 pays différents, et comment l’époque a changé. Et puis l’idée reste en suspens, celle de réaliser un chef d’oeuvre à partir d’une rédemption proprement masculine. Deux tentatives infructueuses donc, toutefois méritoires, avec des caractéristiques intéressantes.
En premier lieu, il faudra reconnaître l’excellente interprétation des deux acteurs principaux, Vittorio Gassman et Al Pacino, à 20 ans d’écart. Cependant, les réalisateurs ont mis un moteur de formule 1 dans une carcasse de 2 chevaux : le reste n’arrive pas à suivre, ni les autres acteurs, ni le scénario, ni la réalisation. Ils peinent donc même si le spectateur peut se laisser porter par ces deux histoires.
En commun, ces films racontent l’histoire d’un militaire devenu aveugle pour avoir trop fanfaronné et qui organise un voyage royal avant d’en terminer avec la vie. Ils sont tous les deux accompagnés d’un bleu bite auquel ils vont s’attacher. Ils sont tous les deux des jouisseurs, amoureux de la chair et des femmes, qui les devinent à l’odeur, très instinctifs. Représentations de mâles alphas finissant seuls, ils vont connaître une forme de rédemption.
Différence notable, le personnage italien de Fausto est aimé d’une jeune femme, qu’il repoussera jusqu’au dernier moment, mais qui le sauvera de sa misanthropie. Par contre le lieutenant colonel Slade acceptera l’amour après avoir été ré-humanisé par l’innocence de son aide de camp. Tous les deux réussiront à faire face à leur faiblesse profonde, suite à leur suicide raté, pour accepter de renouer des relations avec l’humanité. Voilà l’essentiel, mais qu’il faut absolument approfondir pour comprendre les visions divergentes de la masculinité des uns et des autres.

Il faut bien le signaler, ces hommes vivent sans limite jusqu’à l’horreur. Leur quête de chair fraîche est flamboyante, mais ridicule. C’est pourtant tout ce qui leur reste de la vie. Asservis par leur attirance envers le beau sexe, comme nous avons tous tendance à l’être, ils n’en jouent pas moins les grands seigneurs, libres de toute contrainte. Ce jeu de dupes les mène invariablement vers la mort. L’Italien sera sauvé par l’amour particulier d’une femme. L’Américain par la construction d’une filiation fictive avec son aide de camp, dont il se fera le fils symbolique. Transmetteur de vie, il pourra alors reprendre goût à la vie.
Car l’homme doit être sauvé de son avidité toute maternelle d’une manière ou d’une autre. Cette avidité, mêlée d’orgueil, le coupe du reste du monde. Devenu symboliquement aveugle, il ne lui reste plus que le suicide comme échappatoire, s’il n’accepte pas d’évoluer. Voilà pourquoi la question du suicide est si centrale dans ces deux films. Elle met les 2 protagonistes en face de leur réel désir de vie. Ils ne le trouveront pas chez les putes, aussi belles soient-elles, mais dans des relations affectives confiantes. En attendant, ces hommes n’ayant pas accès à leur fragilité, restent incapables de nouer des relations avec leurs proches. Au pied du mur, ils devront choisir.
L’Italien des années 70, se découvre fragile. Il se « croyait un lion ». Or devant l’inévitable, il fait preuve de moins de courage que son ancien compagnon d’arme. Cette découverte, le terrifie et le déstabilise à la fois. Il aime vivre et il n’a pu se résoudre à en finir comme ça. S’en suit une immense honte. Il se croyait fort et inébranlable, la chair lui a montré la faiblesse de la chair. Mais dès lors, il peut réellement se tourner vers une femme, non pas les femmes, mais une femme particulière qui lui a donné son coeur et qui est restée jusqu’au bout, belle évidemment. Brisé, il va pouvoir enfin commencer à vivre, et en bon macho italien, faire confiance à maman. Ce personnage représente l’adolescent vaincu par l’image de la mère, qu’il a pourtant transcendée. Il n’est plus le bébé qui veut jouir de son oralité. Désormais, il accepte l’altérité d’une femme qui n’est pas sa mère même si elle lui ressemble. Il n’est pas encore un homme, mais voyons aux usa 2 décennies après.

Slade lui, va devoir faire face à la candeur de son aide de camp. Ce dernier ne le juge pas. Il pose même un regard bienveillant sur lui. Tout l’inverse du vieil aveugle qui n’hésite pas à salir sa propre famille en plein thanksgiving. Talentueux mais peu accompagné par les siens, pauvre, le jeune aide de camp n’en reste pas moins bourré de bonnes intentions. Ce sont celles-ci que le militaire refusera de voir disparaître en prolongeant sa vie. Avant cela, il lui faudra mettre dans la balance la vie même de son accompagnant, pour de nouveaux, avoir confiance en l’humanité. Charlie Simms se sera sacrifié, presque naturellement et en retour, Slade va l’aider à se dépêtrer des inévitables ennuis qu’un jeune homme pauvre rencontre en début de carrière. Investi par un père symbolique, Charlie Simms va pouvoir s’en sortir.

Ici, le film américain est plus profond que l’italien, parce qu’il évoque la question sociale de l’intégration des jeunes garçons dans un monde tangent. Il ne s’agit pas seulement pour le lieutenant colonel de se sauver grâce à l’amour d’une femme ou de sa famille. Il s’agit également de sauver toute la société, car qui a envie de vivre dans un pays de corruption et de mensonge, qui détruit les braves petits gars plein de la force et des illusions de leur jeunesse ? La question est très actuelle si l’on y songe. Les usa viennent d’y répondre en choisissant un homme politique élu pour les débarrasser de l’étouffoir socialiste. La france s’enfonce dans les réactions grégaires, laideur qui détruit nos garçons, et donc notre peuple. Quant à l’italie, elle s’est choisie une femme…

L’Italien comme l’Américain retrouvent symboliquement la vue en renouant des relations humaines confiantes avec leurs proches/avec une femme. Toutefois, ils sont comme au début d’une vie que nous imaginons heureuse mais dont nous ne connaissons rien. Les contes ne nous disent rien sur les gens heureux qui n’ont pas d’histoire. Peut-être à l’avenir, verrons-nous l’histoire d’hommes transformés par l’espérance mais aussi en lutte au quotidien pour s’élever en tant qu’hommes. Peut-être ces histoires seront réussies et qu’elles se finiront bien, dans nos films comme dans notre société. Nous en sommes loin, mais voilà ce que je souhaite.
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