Matthieu 20-16
« Voilà comment les derniers seront premiers,
et les premiers seront derniers. »
Jean-Luc Delarue est mort en août 2012. Je ne me rappelle pas bien la date. Quand j’ai vu tant d’éloges à son égard, dans les médias, au moment de sa mort, j’ai eu envie de vomir. Il avait été encensé durant des années, puis s’étant attaqué à une « faible » femme dans un avion, on l’avait voué au bûcher. Enfin mort, il semblait revenir en grâce.
Juste avant de mourir, j’avais entendu dire qu’il avait changé de personnalité. Mais je dois l’avouer, je n’étais pas bien convaincu. A l’époque de ses conférences dans les établissements scolaires, je me souviens même m’être dit : « il se rachète une virginité à bon compte, encore un de ces communicants hypocrites qui veut nous enfumer. »
Il m’a fallu tomber ce matin sur cet article du Point pour comprendre mon erreur. Depuis, les pièces du puzzle se sont assemblées.
L’histoire d’un enfant victime de mai 1968.
Laissé pour compte de parents qui veulent vivre leur mariage dans « l’amour » et qui n’y arrivent pas, il subit leur immaturité, leur divorce, les disputes, l’abandon au sein même de sa famille. Si son père et sa mère lui assurent le gîte et le couvert, ceux-là sont incapables de lui donner de l’attention, « autocentrés, tout droit sortis de Mai 68« .
Devenu adolescent, il boit pour oublier ce sentiment de dénigrement dont il est empli. Dans son milieu, seule sa grand-mère l’aime pour ce qu’il est, faible lueur d’espoir venue d’une autre génération, image d’amour évanescente dans son ciel solitaire et fragile. Malheureusement, on ne remplace pas toujours un père et une mère défaillants, par l’amour d’une grand-mère lucide et pleine de coeur.
A cette époque maudite, la religion de l’indépendance et de la réussite « personnelle » commencent à prendre du poil de la bête. Ses parents 68ards glorifient l’individu. Croyant innocent, Jean-Luc Delarue reçoit cette forme d’idolâtrie en guise de vérité. Engoncé dans le culte de l’image, il devient un grand présentateur médiatique et un producteur reconnu, célèbre et riche. Cependant, la reconnaissance publique ne comble pas ses manques affectifs. Il lui faut s’autodétruire dans des beuveries sans fin et par la cocaïne pour compenser son sentiment de vide.
Sa compagne ne trouve plus assez d’amour en elle pour le soutenir et elle le quitte, emportant son fils.
L’histoire de son enfance ne le lâche pas. Il retourne en enfer, consomme 10 000 euros de drogues par mois, et se croyant tout permis, tel un enfant capricieux privé d’amour et sans limite, il agresse une hôtesse de l’air.
En 2010, la prison sera l’occasion pour lui d’une révélation sans précédent. Dès lors, il comprend qu’il ne faut pas confondre « réussir sa vie » et « réussir dans la vie ».
Résurrection.
A partir de 2011, cancéreux, au lieu de s’occuper de lui, il donne sa croix à un autre, et tel un apôtre du Christ, pèlerin en camping car, il décide de faire passer son prochain avant lui. Ceux-là sont des adolescents en qui il se reconnaît. Pendant trop peu de temps, il va lancer, à des élèves médusés, son message d’amour en forme de mise en garde contre les produits stupéfiants :
« Que les ados se sentent aimés inconditionnellement, je crois que c’est la clé. Qu’ils se sentent aimés, quoi qu’ils fassent, quoi qu’ils réussissent ou pas plus tard. »
Juste avant de mourir, il se marie pour la première fois de sa vie, avec Anissa Kehl, mohamétane, qui l’accompagne jusqu’à la fin. Toujours catholique, il décide d’être enterré dans le carré mahométan, peut-être pour renaître près de sa femme, au dernier jour. Si c’est ça, il me plaît de penser que Dieu agréera à la démarche.
Célébrité et sincérité : les pièces manquantes du puzzle.
Il m’a fallu plusieurs mois pour comprendre que la compassion des journaux au moment de sa mort , n’avait pas été feinte. J’ai compris que leurs belles phrases n’avaient été, en aucun cas, hypocrites, mais que nos journalistes avaient été touchés par un de leur semblable, l’un des leurs, qui avait renoncé à faire le mal, et en premier lieu, à se faire du mal. J’ai compris qu’ils n’avaient pas triché avec nous lorsque j’ai lu que cet homme médiatique célèbre avait accordé une interview de 3h30 au lieu des 30 minutes prévues, en fin de vie, alors qu’il n’avait déjà plus le temps, à un obscur journal de parents d’adolescents, pour faire avancer sa cause.
J’ai mal jugé Jean-Luc Delarue, mais il n’est jamais trop tard pour changer.
Désormais, si l’heure est avancée pour lui transmettre mes sincères encouragements, il est toujours assez tôt pour que nous reprenions ensemble son combat : celui de l’amour.
Amour et féminisme.
Nous sommes de plus en plus nombreux à subir les désordres de choix générationnels. Nous sommes de plus en plus nombreux, à l’image d’un Jean-Luc Delarue, à payer les manques d’amour de toute une génération qui s’est conçue dans l’égoïsme et qui ne s’est pas rebellée contre sa propre médiocrité.
C’est dans ce cadre que j’inscris mon combat contre le féminisme.
Si nos parents n’ont pas su concevoir une quelconque forme de sacrifice à notre égard, nous sommes libres de faire différemment. Nous n’avons pas le pouvoir de les faire changer. Mais nous avons le pouvoir de nous changer. Au lieu de nous centrer sur nous, sur notre « développement personnel », il est temps de réinventer des rapports sociaux plus sains, attachés au respect de chacun.
Pour toute parabole.
Quand une brebis s’égare, le pasteur n’abandonne-t-il pas les 99 autres pour aller sauver celle-là ? Juste avant qu’il ne soit trop tard, le Pasteur et la brebis égarée se sont retrouvés. Aujourd’hui, tous ensembles, apaisés et dans l’amour, ils sont là-haut, le Pasteur, la brebis, et même certainement, la grand-mère de la brebis, preuve que les combats d’amour ne sont pas inutiles.
Alléluia mes frères.
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