Mon nom est Edgar van de Giessen. J’ai 45 ans et je suis le fils d’une des anciennes leaders féministes de Hollande des années soixante-dix. Ma mère a été la première femme à recevoir le Prix Harriët Freezer, remis par votre rédaction (ndt : Opzij, principal mensuel féministe en Hollande) pour récompenser le militantisme féministe.
Je ne cherche pas à attirer une sympathie particulière sur moi. J’écris ceci pour vous ouvrir mon coeur, afin que peut-être un jour, les hommes et les femmes puissent vivre dans l’amour et le respect mutuels, et pas seulement dans une forme d’égalité juridique.
Avant de décrire les conséquences personnelles de l’éducation féministe que j’ai reçue, en tant que garçon entre l’âge de 7 et 17 ans, je tiens à exprimer mon respect pour toutes les femmes et les hommes qui légitimement protestent contre les répressions et les discriminations basées sur le sexe, la couleur de peau, ou l’origine ethnique.
Je voudrais vous faire imaginer quelle a été la vie du petit garçon que j’ai été et qui depuis l’âge de dix ans a entendu tous les jours de la part de sa mère, que les hommes étaient la cause de tous les ennuis du monde, que les hommes étaient coupables de tous les crimes de guerre et d’oppression dans le monde, que tous les hommes devaient être castrés après que leur sperme ait été surgelé pour assurer l’existence de la prochaine génération, que les hommes devraient vivre dans des villes différentes de celles des femmes, afin qu’ils puissent tous s’entre-tuer et résoudre ainsi tous les problèmes de leur propre existence.
C’est le genre d’enseignement féministe qui m’a été délivré, chaque jour, et qui m’a incité à me défier de moi-même, ou de toute autorité masculine. Jamais je ne me suis senti être quelqu’un de bien à cause de ma masculinité. Alors j’ai essayé de prouver à ma mère que son fils était différent. Je suis devenu arrogant avec les autres hommes ce qui m’a isolé et rendu solitaire. Je suis resté sans ami durant le plus clair de ma jeune vie.
Cette éducation a également provoqué en moi une haine envers les femmes et une colère que je devais réprimer, parce que si je l’avais exprimée, cela aurait prouvé à ma mère qu’elle avait raison. La répression de mes sentiments masculins a fait de moi un « bon gars ». Mais cette répression a eu un prix. J’ai compensé cette culpabilité en alimentant une haine et une agressivité cachées envers les femmes tout en nourrissant des fantasmes de viol et de violence.
A cause des idées de cette féministe qui s’acharnait à les enseigner à son fils, il m’a fallu 25 années de recherche thérapeutique et spirituelle suivie d’une profonde guérison émotionnelle pour que le petit garçon que j’étais commence à apprécier sa propre valeur et qu’il fasse l’expérience de relations épanouissantes avec des hommes et des femmes.
La guerre entre les sexes n’est toujours pas résolue. Le taux de divorces en est la triste illustration. Plus que jamais, la violence entre les hommes et les femmes remplit les journaux, et le féminisme n’a pas été en mesure de résoudre ce problème. En ce qui me concerne, le féminisme lui-même, tel qu’il s’exprime dans votre journal, n’a pas empêché ce genre de problèmes et les a même créés. Si le féminisme amène les hommes à haïr les femmes, et réciproquement, en les plongeant dans l’obscurité sans les éclairer, le féminisme devrait se demander s’il est suffisamment conscient de la profondeur du cœur humain et de sa complexité pour être en mesure de s’attaquer aux problèmes qui en jaillissent.
Quand ma mère scandait ses tirades féministes lors de ses conférences, durant toutes ces années, elle n’a jamais senti une seule fois, combien ses paroles et son activisme me touchaient en tant que garçon. Les relations d’amour personnelles passent par une capacité à s’intéresser à ce que l’autre ressent au moment même où il le ressent. La blessure émotionnelle que ma mère m’a infligée ne venait pas seulement de ses paroles, mais aussi de son absence de ressenti quant aux paroles qui pouvaient toucher le petit garçon que j’étais. Par un enchaînement singulier, ma mère avait des blessures personnelles qui avaient fait d’elle une femme fière de haïr la gent masculine, une féministe insensible dont l’antipathie envers les hommes, encouragée par votre journal, muta dans mon for intérieur, en haine de moi-même et des femmes.
Je voudrais rajouter que si certains aspects du féminisme ont eu un rôle important dans l’émergence d’une forme d’égalité de droits pour les femmes, le féminisme n’a pas eu de contribution positive pour qu’hommes et femmes apprennent à vivre ensemble dans un amour et un respect mutuels. Mon éducation féministe intensive a même provoqué exactement le contraire. Un homme en bonne santé émotionnelle n’aura jamais aucun désir d’opprimer les femmes. Une femme en bonne santé émotionnelle n’aura jamais aucun désir de battre les hommes sur leur propre terrain.
Le féminisme des années soixante-dix et quatre-vingts dont vous avez hérité est un mouvement de réaction qui a mis toute son énergie à entretenir un sentiment d’oppression qu’il disait vouloir combattre, au lieu de travailler sur de vrais problèmes. Il ne pourra donc jamais réussir à créer une atmosphère où une féminité puissante et amoureuse pourront s’épanouir dans un climat de confiance et de respect envers une force masculine. J’entends bien que les femmes ne pourront jamais respecter la force d’un homme que si celle-ci plonge ses racines dans une vulnérabilité à cœur ouvert, mais le féminisme et son mouvement d’émancipation ont échoué à faire naître une génération de tels hommes, et il n’a pas les moyens d’y arriver.
Il faudra accepter que le mouvement féministe n’a pas été capable et est toujours incapable d’intégrer les répercussions engendrées par le fait que chaque homme est élevé en grande partie par une femme, et que ses relations adultes avec les femmes, consciemment ou inconsciemment, sont déterminées en grande partie par la relation qu’il aura eu avec sa mère. Pourquoi le féminisme n’a pas su créer un modèle d’éducation pour les garçons qui en aurait fait des hommes épris et forts, que les femmes auraient pu aimer et sur lesquels elles auraient pu s’appuyer en toute confiance ? Comment a-t-il été possible que des garçons se transforment en hommes réprimant, haïssant, méprisant ou ne respectant pas les femmes?
Je suis convaincu que lorsqu’un garçon en bonne santé reçoit un amour sain de la part de sa mère, cela ne peut pas arriver!
Dans un sens, le féminisme a toujours manqué d’une vision quant à la santé émotionnelle des êtres humains, dont comment un amour émotionnellement sain peut se transmettre d’un cœur humain à un autre, de la mère à son fils, du père à sa fille, d’un homme à une femme et d’une femme à un homme.
Sans cette vision sentimentale et différenciée, qui manque à un féminisme myope sur le cœur humain, sans distinction de sexe, le féminisme restera un simple mouvement réactif qui inculquera de fausses idées chez les hommes qu’il enseigne, et, malheureusement, il ne lui sera jamais permis d’atteindre ses propres objectifs.
Cordialement,
Edgar van de Giessen
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