Que penseriez-vous d’un livre qui voudrait retracer l’histoire des hommes mais qui entérinerait le concept de domination patriarcale, l’éducation sexuelle des garçons par l’Etat, la mixité en forme d’échec scolaire pour les garçons, qui serait pro-féministe, et attentif au genre en ce qu’il détruit le concept même de masculinité ?
Vous vous diriez certainement que cette personne a un sérieux problème conceptuel et vous n’auriez pas tort.
« Histoire du premier sexe » tente de retracer le vécu de l’homme français depuis 1789. L’auteur s’est attaché à trouver force références pour appuyer son propos. Il a mené un travail soutenu de rat de bibliothèque universitaire comme aurait dit un de mes professeurs d’université, et le voyage qu’il nous propose n’est pas si désagréable que cela. Cependant enfoncé dans une vision féministe de l’histoire, André Rauch n’a pas su articuler son propos. Dans son livre, les changements de culture masculine y surviennent sans qu’on ne sache bien pourquoi. Et les évolutions probables de notre société sont observées à l’aune d’une idéologie de « droits de l’homme » qui devrait nous rendre heureux. Pourquoi ? Je ne vois pas bien quel est l’espoir qui appuie sa croyance et comment il peut en arriver à un tel optimisme à la fin de son livre. En vérité, si les événements historiques peuvent expliquer bien des comportements masculins depuis 1789, nos choix collectifs et la volonté de féminisation en France concourent également à un processus de déstructuration du concept de masculinité. Si ce concept a fluctué au cours de âges, André Rauch n’est pas capable, non plus d’en discerner les invariants.
« (Dans les années 60), L’enseignement scolaire promet aux garçons et aux filles la communauté des savoirs, l’égalité des rôles, le partage équitable des valeurs et des positions » (p426)
Méthode descriptive ou positiviste ?
Faisant mine d’exposer des vérités à travers des faits divers et des romans à succès, André Rauch ne renonce pas pour autant à donner son opinion entre les lignes, en sélectionnant les faits, en les déformant au gré de son idéologie féminisée. Ainsi, par la suite, je vais retranscrire des phrases qui sont censées être symboliques de toute une époque dans l’esprit de l’auteur, mais qui sont surtout relatives à sa propre pensée. Les deux se confondent chez l’auteur. Or dans une volonté de description neutre, il aurait fallu qu’il s’abstienne de s’essayer à développer certains concepts (domination patriarcale, libération sexuelle…) sauf à les justifier, ce qu’il fait trop souvent de manière superficielle. André Rauch préfère se parer de l’aura de l’historien érudit abordant le grand thème de la masculinité tout en se réservant le droit d’exprimer un point de vue scientifique contestable. Cette tension entre neutralité et féminisme sous-jacent, n’est jamais résolue et forme un traquenard intellectuel pour le lecteur non averti. Ce procédé est malhonnête. Il piège le lecteur désireux de s’informer en l’enfermant dans une vision particulière de l’histoire et qui ne dit pas son nom (féminisme). Quant au lecteur homme qui voudrait accéder à son histoire, il le trahit en utilisant la trame féministe.
Description d’un mouvement cyclique et croyance simultanée en l’évolution.
Au sortir de la Révolution, nos chers coupeurs de têtes ont la volonté de s’affirmer virilement face à une monarchie jugée déclinante car féminisée. Progressivement, leur culpabilité et leur perméabilité aux femmes reprendra le dessus. Le traumatisme de la guerre de 14-18 accélèrera le mouvement. De nos jours, ce processus semble être arrivé à son terme avec l’invention du concept de genre. Loin de vivre une nouveauté telle qu’il nous la décrit, André Rauch dresse plutôt le portrait malgré lui d’une histoire à mouvement cyclique où réaffirmation de la masculinité, culpabilité, abattement des hommes, féminisation, et révolution masculine, se succéderaient invariablement. Ainsi, s’il travaille avec la fin de l’histoire en arrière plan conceptuel, André Rauch développe pourtant une vision orientale et circulaire des évolutions de l’humanité. Espérance de fin des temps christique et mouvement cyclique n’arrivent donc pas à s’accorder chez lui. Autre faille conceptuelle.
Des impressions sentimentales.
Le plus criant dans le récit d’André Rauch est le manque de travail statistique et l’omniprésence de la stylistique pour toute description de l’identité masculine. Les impressions se succèdent sans que le lecteur puisse dégager une conception claire de la masculinité selon les époque et comme je l’ai déjà dit, le mécanisme qui ferait se mouvoir ses évolutions. Seule les conquêtes égalitaires, sexuelles, politiques des femmes semblent pouvoir faire contre-point au dogme de la domination patriarcale. Tout y est expliqué par la faute des hommes avec une étrange naïveté sur les femmes comme en ce qui concerne le matriarcat de banlieues :
« Hors contexte religieux, le voile paraît imposer une insupportable discrimination entre genres et entre filles (« nos filles contre « vos » filles), voire annoncer un internement contrôlé par des « geôliers » très stricts. » (p554) (ndc : geôliers = les garçons de banlieue)
Ici, il est particulièrement périlleux de vouloir expliquer le port du voile « hors contexte religieux » et tenter d’absoudre les femmes de ce choix tandis que les méchants garçons en seraient chargés.
» (ndc : un gendarme face aux jeunes de banlieues)« Si on les coince après une course poursuite dans une voiture volée, ils considèrent qu’ils ont simplement perdu. En revanche, s’il y a un accident ou des égratignures, c’est l’émeute. »…
Ces structures semblent en reproduire de plus anciennes, également contrôlées par des hommes. » (p560)
L’auteur avance ici l’idée que les comportements d’incivilité seraient l’héritage de structures patriarcales. On croit rêver quand on songe à l’éducation stricte quant au respect des individus que subissaient les garçons dans les sociétés traditionnelles. Comme si la banlieue n’était pas justement l’odieux exemple du matriarcat le plus complet, avec ses filles-mères par millions, ses pères absents, ses enfants sans éducation. Sa réflexion et ses raisonnements montrent combien l’auteur entre deux maux, préfère ceux de la xénophobie et de la misandrie au soupçon de misogynie.
Le manque de connaissance des femmes.
Pour mener à bien une description potable de la masculinité, en particulier en la confrontant au dogme de la domination patriarcale, il aurait fallu que l’auteur approfondisse un tant soit peu sa connaissance des femmes. Or prolongeant une vision stéréotypée de ces dernières qui n’auraient eu aucune responsabilité négative dans l’histoire, l’auteur cumule les poncifs en croyant flatter ces demoiselles. Commentant un roman où une femme mariée se met à draguer un jeune puceau, voici les termes employés :
« l’initiative (ndc : sexuelle) de la femme dans un rôle viril… contrevient d’ailleurs aux formalités de la domination masculine, qu’elle traite en miroir; si chacun des deux partenaires restaient dans son rôle, le piquant de l’impudeur manquerait…
Le déshabillage par des doigts maladroits- l’opposé du savoir-faire d’un homme dans ces circonstances-… (p223-224)
Comme si l’homme jeune n’avait pas été toujours maladroit dans ces moments là et pire, comme si les femmes n’avaient jamais su jouer de cette maladresse et des complexes masculins pour servir leur supériorité. Comme si l’adultère n’avait pas été le thème principal des premiers romans à l’époque moyen-âgeuse. Comme si ce n’était pas presque toujours les femmes qui prenaient l’initiative dans la drague en s’affichant « disponibles ». Bref, notre rat de bibliothèque aurait dû fréquenter d’autres que son épouse parfaite pour se faire une opinion experte des femmes au lieu de nous présenter des hommes étrangement dominés alors qu’en réalité, ils l’ont souvent été en matière de sexe.
Si l’auteur ne connaît rien en matière de manipulation féminine, il n’a pas plus su entrevoir leurs désirs en matière politiques :
« Accorder le vote aux femmes s’oppose aux conceptions paternalistes des rapports sociaux : au moment de voter, les Françaises acceptereont-elles d’être conseillées ou guidées ? Un compromis s’esquisse : les hommes pourraient devenir leur tuteurs » (p394-395)
« Si l’époux tend à confiner la femme au bien du foyer tel qu’il l’entend, l’homme d’Eglise lui confie le soin de la communauté des familles chrétiennes… Voter c’est faire le don de soi pour le bien des autres, un jour peut-être celui de l’humanité toute entière. » (p398)
D’un côté, des hommes d’Eglise encourageant les femmes au vote. De l’autre, des maris sceptiques. Mouaih… Et les femmes dans tout cela ? Tante Yvonne ne se déclarait-elle pas bousculée par des hommes de ce droit qu’on avait voulu leur donner ? En vérité, la majorité des femmes ne voulaient pas du droit de vote (1) et ce sont les hommes qui l’ont voulu pour elles. S’il y a une forme de domination masculine c’est bien celle-là : vouloir émanciper les femmes malgré elles, à la manière des hommes. André Rauch perpétue cette tradition. Or si on écoutait bien les désirs d’une majorité de femmes, on s’apercevrait bien que leur âme ne tend pas du tout vers la gestion du bien public. Seules un volonté d’indifférenciation des hommes et une pudeur défensive féminine ont pu nous faire croire à l’inverse. Et seuls un complexe d’infériorité au féminin et une lâcheté masculine nous empêchent aujourd’hui de faire ce clair constat : une minorité de femmes conçoivent la politique comme la gestion du bien-être général. Et même quand elles en sont capables, c’est souvent à un niveau bien inférieur à celui des hommes. Il y a bien entendu des exceptions, et il y en aura toujours. Mais une exception personnelle ne devrait jamais faire règle comme c’est le cas trop souvent de nos jours.
(après la guerre de 39-45)« La formation des cadres, c’est à dire d’une domination masculine adaptée aux besoins de la nation et apte à affronter la nouvelle économie de marché, devient une préoccupation d’Etat. » (p379)
Ici, l’auteur définit la présence historique et logique des hommes dans les métiers publics comme le signe d’une domination patriarcale. Il n’a pas évalué l’hypothèse que cette minorité d’hommes aient été sélectionnée dès la naissance par des femmes pour défendre leurs intérêts. Il n’a pas imaginé non plus que les autres hommes, la majorité, s’était pliée à un joug féminin qu’ils se faisaient une gloire d’honorer.
Le manque de connaissance des garçons.
Si l’auteur méconnaît les désirs de ces dames et veut y plaquer une logique proprement masculine, il ignore aussi la psychologie masculine ou fait mine de l’ignorer quand cela l’arrange :
« Au cours des années 60, la Revue l’Ecole des Parents publie enquêtes et entretiens qui confortent le bien-fondé de la réforme… L’enquête tend à montrer que la mixité a ouvert un espace où les garçons ont acquis le souci de l’altérité et sont devenus attentifs aux réactions qui valorisent la communication entre élèves. » (p408-409)
Comme si les garçons ne défendaient pas la mixité scolaire pour se retrouver en compagnie du beau sexe tout en donnant des raisons alambiquées aux adultes pour leur faire plaisir.
Selon les « journalistes » de l’époque, les garçons trouveraient aussi très bien la mixité car il y aurait moins de compétition.
En vérité, j’ai rarement vu garçon qui n’aime la compétition. En les privant de se retrouver ensemble, on les a surtout rendus incapables de collaborer en équipe. Ils se sont retrouvés alors à satisfaire leur penchant entier pour l’individualisme. Ainsi, l’histoire que fait André Rauch n’est pas celle d’une domination patriarcale comme il en utilise parfois le terme, mais au contraire, il démontre sans s’en apercevoir à quel point certains hommes ne sont jamais sortis d’une lecture féminisée du monde :
« Dans les codes de l’amour également, une obligation nouvelle se fait jour. Pour devenir un partenaire désirable, un garçon devra se montrer capable de formuler sa passion et pas seulement de « faire ses preuves » ».( p566)
Des hommes contrôlés par le désir de ces dames, pas de plus belle formulation pour décrire la domination féminine.
La misandrie pointe.
Féministe essayant de faire l’histoire des hommes, André Rauch devait forcément sombrer dans la misandrie pour trouver une issue à son récit. Outre la description de mauvaise foi des jeunes garçons de banlieues telle qu’elle a été reprise par de nombreux autres depuis (2), les garçons en général ne trouvent pas plus grâce à ses yeux :
(à l’époque moderne) « L’éducation sexuelle au sein de l’enseignement s’avère la pièce maîtresse d’un dispositif où l’obligation de sonder son identité sexuelle est devenue une préoccupation essentielle du jeune garçon » (p570)
Ici, l’auteur avoue la nécessaire intrusion de l’Etat dans la sexualité des enfants. L’éducation sexuelle devient alors un moyen de contrôler les garçons en canalisant leurs appétits. Quant à l’idée que la sexualité serait l’horizon indépassable pour les jeunes garçons de notre époque… c’est triste qu’il ait pu le formuler tel quel. Et si c’était vrai, ce serait encore bien plus triste et sujet à réflexion.
Si les garçons sont valorisés quand ils détruisent leurs pères et déconsidérés quand ils soutiennent leurs valeurs, les autres hommes ne valent guère mieux dans l’esprit d’André Rauch. Exemple à travers un discours d’après-guerre sur les poilus de 14-18 :
« L’exclusivité de la parole revient enfin, aux personnalités masculines, ainsi que le confirme l’oraison funèbre qui couronne la cérémonie… Celui qui fait l’éloge des victimes et parle de l’avenir à l’assemblée, subtilise leur deuil aux familles pour en confier l’administration à des autorités politiques, d’où sont exclues les femmes. » (p304-305)… Il (le discours d’après guerre 14-18) devient l’instrument qui sert à dissimuler les contradictions internes d’une société mixte, composée d’hommes mais aussi de femmes revendiquant désormais les mêmes droits. »
Ainsi, concernant cette période charnière de notre histoire, la douleur des femmes devrait être mise selon lui, au même niveau que celle des hommes. Comment un homme peut-il imaginer que la guerre de tranchée puisse se comparer aux difficultés à l’arrière des lignes ? Ici, André Rauch participe à briser tout tabou quant à la vie humaine, à mettre tout sur le même plan, certainement au nom de ce pacifisme qu’il défend de manière peu assurée dans son livre. Or puisqu’il faut encore le répéter : le sacrifice de millions de vies a été celui d’hommes, pas de femmes, poussés au combat par un parlement de gauche, l’arbre Jean Jaurès cachant mal la forêt de la bêtise anti-cléricale masculine française de l’époque (le Pape était contre la guerre). Aujourd’hui, ces mêmes gauchistes contrôlent notre Etat, et s’il y en a quelques uns pour relativiser l’idéologie homosexualiste, ils sont très peu nombreux à l’image de Jean Jaurès, et ils se retrouvent plutôt dans le camp catholique, comme d’habitude quand il s’agit de bon sens.
Dans ce tableau honteux quand on approfondit les concepts de l’auteur, les pères ne sont plus en reste que les garçons de banlieues ou les soldats :
« La contestation des moeurs propre aux années 60, s’est donnée ensuite pour objet de libérer les jeunes filles de l’obligation de virginité et de chasteté qu’imposaient pères et maris. » (p540)
C’est tellement anachronique (féministe) de croire que la virginité n’était pas une aspiration des femmes de cette époque… La virginité avant le mariage ne favorisait pas que les pères et les maris. Elle permettait aussi d’empêcher la corruption des moeurs et donc d’atteindre le statut des femmes mariées. Ainsi, ces dernières étaient mieux protégées des naissances, et des relations illégitimes. Les ressources de leur mari ne quittaient pas, pour ainsi dire, leur foyer. Face à ce risque, les femmes de cette époque se protégeaient en ostracisant l’aguicheuse. Seule notre richesse moderne a pu permettre aux femmes d’agir différemment.
Une vision fantasmée de notre présent et de notre avenir.
« De ces évolutions essentielles (avoir de multiples partenaires sexuels avant mariage après 1968), hommes et femmes tirèrent le bénéfice d’être des élus. » (p540)
Jolie élection que celle de ceux qui ont surtout appris objectivement à se tromper, à changer unilatéralement de partenaire, à détruire leurs enfants. En parlant d’élection, André Rauch trahit son appartenance à une génération dépassée. Ici, il défend la vision d’une époque qui a objectivement échouée en terme d’élection et qu’il idéalise pourtant. Comme s’il faisait de l’histoire au présent de sa jeunesse sans en avoir retenu les leçons.
Ses longues célébrations de la mixité, de la libération sexuelle, de notre époque moderne en général, ne s’arrêtent pas à l’esprit qui a amené et suivi mai 1968. Elles se tournent aussi vers l’avenir :
« Or genre et sexe sont aussi, peut-être surtout, des réalités psychologiques : comment savoir ce qui est désirable sans tenir compte d’une existence personnelle, toujours complexe ? » (p541)
En avalisant la théorie fumeuse du genre, comme espérance de notre époque, André Rauch souligne à quel point l’esprit de notre temps et de nos élites est corrompu, justement parce qu’il n’avait que la prétention de faire de l’histoire en écrivant son livre tandis qu’il a récité son bréviaire laïcard. En outre, il voit bien que l’identité masculine est en train de disparaître, mais en démiurge irresponsable et orgueilleux du commun, il ne s’en inquiète pas plus que cela.
Conclusion :
Le livre d’André Rauch ne casse pas des briques. Sous des apparences affables, il contribuera à maintenir le lecteur dans cette idéologie qui perpétue nos échecs depuis très longtemps, à cet esprit horrible qui fait ressentir à notre société sa propre dégénérescence tout en en ignorant les causes. Quelques passages intéressants feront voyager le lecteur vers d’autres lieux, d’autres époques mais ces moments seront souvent salis par une vision négative du masculin en filigrane. Dans cette époque de déconstruction, toute notre histoire est à revoir, car presque toute notre élite universitaire sur le sujet, est corrompue, même de ceux qui se voudraient accomplir un travail objectif comme André Rauch a cru certainement le faire.
1 « Editoriaux d’une résistante sur le droit de vote des femmes », Mathilde Mir 28/11/1944.
2 « La cité du mâle », documentaire sur les banlieues, 2011.
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