Déjà dans les années 30, au lieu de s’opposer clairement au vote des femmes pour des questions familiales, le parti chrétien démocrate mettait la défense de ces dames en avant. Elles ne devaient surtout pas devenir la proie des partis ! Comme si le problème n’était pas justement que les femmes risquassent d’user intelligemment du droit de vote, notamment pour s’approprier des secteurs clefs du pouvoir social et régner sans partage sur ce qui allait rester de la famille. Mais non, il fallait revêtir le cache sexe du chevalier servant et guerroyer pour protéger nos damoiselles.
Je me suis toujours demandé si les femmes riaient intérieurement de ce genre de bêtise ou de mauvaise foi.
Chaque fois que leur puissance est ignorée et qu’elles sont malgré tout défendues pour de mauvaises raisons, cela doit générer une forme d’hilarité chez elles. Songez qu’elles gagnent sur les deux tableaux : si les nouveaux droits ne leur sont pas octroyés, c’est pour être mieux servies. Et si elles les obtiennent, elles augmentent en pouvoir. La position est enchanteresse.
Car le quiproquo ne cesse depuis de nombreuses décennies. Chez les cathos, on essaie de sauver ce qu’il reste de morale en avançant le droit des femmes. Chez les cocos, on essaie de faire émerger une nouvelle morale en avançant le droit des femmes. Tout le monde se sert des femmes pour faire avancer ses idées, mais personne ne se pose la question des femmes comme de citoyennes à part entière. Prenez l’avortement dernièrement. Notre pays n’a plus grand chose à perdre en termes de morale, mais les cocos se sont défoncés le crâne et ils ont trouvé une disposition qui pouvait être abrogée : le délai légal de réflexion de 7 jours, diantre ! Mais passons. Et regardons du côté catho :
Au député UMP Bernard Debré, qui jugeait utile le délai de réflexion pour une femme par exemple « poussée par son compagnon à avorter », Marisol Touraine a répondu : « une femme qui a pris sa décision n’a pas besoin de temps. Je crains (.) qu’un délai ne soit pas efficace pour sortir une femme de la domination ».
En somme, durant les débats parlementaires qui ont précédé l’amendement, un homme catholique s’est dit défendre les femmes pour les protéger de l’emprise néfaste de leurs compagnons. Un homme qui attaque et détruit l’image de son propre sexe : l’homme rendu responsable de l’infanticide, la femme devrait être protégée de sa décision. Comme si notre société avait laissé une quelconque marge de manœuvre aux hommes en la matière. Depuis 1979, et un arrêt de la cours de cassation, un homme ne peut pas interdire à sa légitime épouse d’éliminer son enfant. Depuis la messe est dite.
Très tôt, l’homme a été écarté du débat. Mais il s’en trouve quand même du côté catho à essayer de réintroduire la responsabilité des hommes pour empêcher l’extension sans fin du pouvoir des femmes en matière d’infanticides.
Ainsi si la femme est jugée « sous la domination » probable d’un homme, l’homme est soupçonné être à l’origine du passage à l’acte, car vous comprenez pour un catho, une femme dans de bonnes conditions matérielles et psychologiques n’aurait jamais l’idée d’avorter, jamais ! Ici la vision niaise de la femme côtoie le sexisme et la discrimination envers les hommes. Quant à la réponse de Marisol Touraine, elle est fantastique. La PS de service élevée à la graine de coco, comme tous les autres, a beau jeu de réemployer un concept communiste de lutte des sexes pour enfoncer le débat. Une pauvre femme dominée ne se sortira pas de sa domination grâce à un délai de réflexion si court. Avec du culot, elle aurait même pu rajouter qu’au contraire, cet homme risquerait de l’obliger à garder un enfant dont elle ne voulait pas. Cependant, il n’était nul besoin de pousser le bouchon trop loin dans l’humiliation puisque la victoire était assurée. Marisol Touraine s’est donc contentée d’une réponse de bon aloi. Les cathos qui ont accepté la lutte des sexes comme explication du monde ne pouvaient rien lui répondre, car définitivement, et d’aucune manière, ils ne pouvaient la battre sur son propre terrain.
Or cette position est très répandue dans les milieux cathos, preuve s’il devait en être, la dernière lettre de Tugdual Derville sur le sujet « Avortement, la surenchère permanente ». En matière de surenchère, je me demande s’il n’est pas question plutôt de déresponsabilisation des femmes. A force de vouloir prendre en compte la souffrance liée à l’avortement, de soutenir les femmes pour les aider à garder leurs enfants, les associations catholiques se mettent dans la position du père, elles le remplacent et n’agissent pas mieux en cela que l’État. Puis elles s’étonnent des comportements irresponsables dans toute la société, notamment des mutilations que les femmes s’infligent, alors qu’elles-mêmes ont participé à perpétuer cet état d’esprit.
D’un côté, l’État assure aux femmes la possibilité de tuer un enfant. De l’autre les associations catholiques les aident à garder leurs enfants. Mais tous, cautionnent des femmes concernant un choix qu’elles ne devraient pas avoir. L’État comme les associations catholiques en excusant toutes les femmes de tout, participent à la levée du tabou de l’infanticide. Je m’entends, en tant que catholiques, nous sommes contraints d’aider une femme qui voudrait garder un enfant. Et le travail d’information d’Alliance Vitae est formidable en ce sens. Mais nous ne pouvons faire du service des femmes un argument politique, ni une course à l’échalote. Ce serait légitimer une omnipotence terrible, source du problème que nous voudrions résoudre.
Puisque dans son texte, M Derville rappelle les bonnes intentions bafouées de la loi de 1975 sur l’avortement, loi qui ne devait s’appliquer qu’en situation de détresse, ne serait-il pas tant d’interroger tous ces bons sentiments dont nous sommes emplis et qui ont autorisé un holocauste bien plus important que celui de la seconde guerre mondiale ?
Aujourd’hui nous voulons aider les femmes à sortir ou à éviter d’entrer dans une situation de détresse liée à un infanticide par avortement. Et si la question se situait plutôt du côté d’un déficit de rappel à la loi, plutôt qu’un déficit de compréhension ? Il me semble parfois que nous investissons beaucoup d’énergie dans le tonneau des Danaïdes là où l’institution d’un tabou serait plus efficace. Sans parler des opportunités offertes aux femmes immorales qui peuvent agir aujourd’hui en toute impunité, l’instauration d’un tabou éviterait la multiplication de situations impossibles à gérer. C’est sa fonction anthropologique.
La domination culturelle prend ici toute sa dimension : celui qui a réussi à faire culture, aussi meurtrière soit-elle, impose ses raisonnements et ses croyances aux autres. Au lieu d’alimenter le golem, je pense que les cathos devraient commencer, enfin, à se poser des questions sérieuses sur le fond du problème : comment envisagent-ils les femmes par exemple ? Comme des êtres responsables de leurs actes ou bien comme des mineures ? Car franchement, voir toutes les femmes à l’image de Sainte Marie, mais surtout, chercher à limiter les conflits avec elles, cela me semble insuffisant.
En sus de la question de l’image de la femme que nous cultivons au sein de notre Eglise, il y a aussi tous ces sujets où le catholique a intégré sa propre domination par féminisation, où il réagit de manière faible parce que sa religion lui a ordonné d’être esclave du pouvoir en toutes circonstances. Historiquement, le gentil catho français a appris à s’en sortir en baisant le cul de la bourgeoisie. Seulement désormais, la bourgeoisie est communiste. Dans ce nouveau cadre, s’il est sincère, il n’a plus d’espace. Car la domination culturelle s’est étendue dans ses propres écoles, parmi ses assemblées de fidèles qui parfois cautionnent le « je suis Charlie » en étant trop contentes de pouvoir communier avec des athées, enfin, parce que bien entendu, la guerre c’est mal. Mais qui veut la paix, prépare la guerre. Il en est ainsi, il en sera toujours ainsi. Et la lâcheté personnelle confondue avec l’amour servira toujours à l’avènement des guerres. On l’a vu en Syrie quand les catholiques de France ont d’abord suivi la propagande officielle et se sont réveillés bien tard tandis que de nombreux signaux d’alerte leur avait été envoyés (voir sœur Agnès Myriam, ou encore sur ce site même (1)). Le catholique ne devrait pas être là pour faire de la provocation au martyre. J’imagine qu’il ne devrait pas prendre de responsabilité dans ce genre de crime quand bien même il en serait la victime et qu’il croirait pouvoir s’en glorifier.
Quand une Eglise s’est vidée à ce point là de toute substance, mais qu’Elle cherche désespérément à survivre et comprendre les raisons de son propre échec, Elle ne devrait pas aller chercher trop loin. Elle est devenue femme soumise, Elle cherche le pénis dont Elle s’est dépourvue. Elle est ensemencée par une société un tout petit peu plus virile qu’Elle, mais surtout plus forte, plus méchante, tout simplement.
Car l’état de l’Église est tel qu’une idéologie aussi absurde que la lutte des sexes a réussi à la convaincre. L’Église a si peu travaillé sur les questions modernes qu’Elle s’est laissée imposer une logorrhée contraire à son fond. Il faut dire que tous ces mécanismes de lutte des sexes étaient déjà contenus dans le culte marial tel qu’il se pratiquait : cette vision naïve déshumanisée des femmes pures et parfaites. Les cocos n’ont fait que reprendre ce à quoi nous avions si mal réfléchi. Ils se sont mis à déifier, comme nous, des femmes que nous avions soustraites au péché originel. Une faute théologique qui devait aboutir à un marasme social, c’était évident, sauf pour tous ces hommes d’Eglise trop perméables à leur mère et qui se servaient de Marie pour essayer de transcender leur relation pathologique à leur propre mère.
Aujourd’hui, l’Église est tellement imprégnée de cette déviance, jusqu’à la pédophilie, qu’il nous faudrait une véritable résurrection et je pèse mes mots pour nous en sortir. Je pense aux nombreux ecclésiastes qui se font injustement insulter sur ces questions dans la rue. Ils doivent comprendre qu’ils ne sont pas personnellement visés. Notre société les accuse simplement d’avoir abandonné leur masculinité et ils ont peur de cette Eglise qui abonderait dans le sens d’une société perverse… notez que les insultes viennent souvent de jeunes en manque de repères familiaux.
Pour avancer, il faudrait donc déjà pouvoir admettre que nous, Eglise, nous avons commis des erreurs grossières, que nous avons collectivement péché, que nous avons oublié l’Esprit Saint. Car sans remise en question, je nous vois bien mal partis. La médiocrité n’a jamais autorisé que la victoire du mal. Le problème est donc tout autant la présence du mal dans le monde, de l’anticléricalisme par exemple, que du mal dans nos coeurs. Ces deux maux sont indissociables d’ailleurs. Si nous n’avons plus des hommes d’Eglise capables d’articuler ces deux sortes d’incarnation, nous devrions nous poser la question de savoir pourquoi nous en sommes arrivés là. Je pense que la place de la femme catholique est à revoir de bout en bout. Il n’est pas possible de continuer à omettre le péché chez une femme/les femmes comme nous le faisons, et à vouloir leur octroyer toujours plus de choix pour leur octroyer toujours plus de choix, parce qu’elles sauraient mieux se plaindre que les hommes. On ne répond pas à l’hystérie en la favorisant et en en adoptant ses comportements.
Il faudrait aussi arrêter de mettre sur le pilon des hommes qui n’ont plus de force, dont l’image de père a été détruite, qui sont de plus en plus immatures et qui sont donc, plus souvent qu’avant, à la limite de la pédophilie. Continuer à nous taper dessus, même de manière indirecte, ce serait encourager le phénomène. Croire que les hommes dominent aujourd’hui en quoi que ce soit, se tromper à ce point de diagnostic dans une société qui s’effondre de partout par manque de masculinité, c’est encourager un problème grandissant. Du temps où les hommes avaient une assise sociale, l’Église pouvait se permettre de jouer à ce double jeu. Aujourd’hui, c’est un crime d’accuser les hommes quand des femmes sont responsables, en particulier des infanticides. La pauvre femme qui commettrait ses crimes à cause des circonstances, fait partie de cette vision féminisée du monde et de l’Église, dans tous les sens du terme, irresponsable.
Nous hommes, ne sommes pas responsables des passages à l’acte féminins. Nous hommes, sommes fatigués d’être chargés de responsabilités qui dépassent notre mesure. Nous hommes voulons être respectés par les associations catholiques. Il serait temps également que l’Église parle du droit des pères. Cette mascarade de soutien du secours catholique aux filles mères alors que 90 % des SDFs sont des hommes, n’a que trop duré. Si de telles associations catholiques s’étaient occupées de rétablir la place du père au sein de la famille, ces femmes n’en seraient d’ailleurs pas là, car il n’y aurait pas tant de femmes en difficulté qui profiteraient de la bêtise de telles associations pour échapper à leurs responsabilités ou à leur mari immature.
Ces visions féminisées de la responsabilité individuelle, et de la charité font du mal. Elles font du mal aux être humains, hommes et femmes, et à la société dans son ensemble. Je dénonce fortement la lâcheté et l’ignorance qui ont présidées à de telles orientations à l’intérieur de notre Eglise. Je demande aux hommes d’Eglise un changement brusque de mentalité. Je leur demande d’agir en hommes, à l’image de Jésus, et non plus de nier la réalité du monde en s’enfermant dans une vision maternante de la religion catholique. Chacun sa place. Quant à tendre une main vers le monde, oui, mais jamais, jamais, en oubliant la vérité. Il serait trop facile de tendre la main pour se faire plaisir. Ou de s’enfermer dans la vérité pour se branler intellectuellement. Les deux doivent désormais être indissociables dans notre Eglise, sans parler de l’enfermement et de l’isolement du prêtre qui doivent être brisés pour le sortir de son confort et lui permettre d’en gagner un autre : à la tête de la communauté. Aujourd’hui, plus que jamais, le monde a besoin d’hommes légitimes. L’Église doit être au service de ce monde. Ses hommes doivent donc regagner en masculinité et non cautionner une société perverse.
1 « Entrer en dissidence à cause d’une époque révoltante », Aimeles du 13/06/2013.
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