Au cours du repas, le lendemain de la septième épreuve, Donald s’adressa solennellement à ses camarades. La nuit précédente, il s’était remémoré les derniers événements avec angoisse. Mais il avait repris contenance à force de réflexion, surtout rassuré lorsqu’il eut supplié Dieu de mettre fin à ses tourments. Les pièces du puzzle avaient fini par se rapprocher, les défaillances du système, les réactions des reines, son échec, sa volonté d’en finir avec le mensonge, en somme, sa révolte qui l’empêchait d’avancer tout en lui donnant l’initiative, féconde contradiction dont il enfantait dans la douleur.
_ « La ruche est nue. Déjà, le grand ordinateur n’arrive plus à maintenir l’apparence du réel. J’ai vu la ruche. Mais vous aussi vous l’avez vue. Et nous sommes des millions à médicis, qui l’avons vue. Comme moi, l’horreur vous est apparue, les corps dégénérés, les yeux creux, la maladie, les bâtiments insalubres. Durant nos premières années, peu était besoin de maquiller. Puis est venue la renonciation chez nos concitoyens, la même qui nous emportera si nous ne réagissons pas maintenant. »
N°6 l’interrompit :
_ « Si tu continues, je quitte la pièce. »
_ « Voilà des semaines qu’une camaraderie a grandi entre nous. Tu saccages ce que nous avons eu tant de difficultés à construire. »
N°6 se mit à pleurer, puis lentement, avec difficulté, il se leva, détourna le regard, et marcha jusqu’à sa chambre sans se retourner, s’enfermant à double tour. Donald continua en présence de n°7 qui tenait à le soutenir, quoique Donald se fût préparé à être lâché par lui-aussi, et à ne parler que devant les caméras de la grotte. Or la diffusion avait été interrompue par la production, dès le départ. Donald parla donc pour lui-même en quelque sorte :
_ « Les prophètes anciens ont commencé à parler dans des déserts vides mais ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas aux prophètes d’écouter le monde, mais au monde de courir dans les déserts pour y trouver les prophètes, et c’est aux prophètes de prévenir le monde de sa déroute, toujours certaine. Dieu m’a donné un message pour vous cette nuit. Il a dit de vous couvrir d’un sac de cendres et de renoncer à tout le mal que vous avez fait, à tous les mensonges que vous avez proférés, et aux premiers d’entre eux : à tous les mensonges que vous vous êtes racontés. Vous êtes comme des enfants qui attendez la punition. Alors Dieu va vous prendre aux mots. Il va punir les enfants que vous voulez être. La ruche accusera le patriarcat, mais ce ne sera pas le patriarcat. Elle accusera les traîtres, mais ce ne sera pas les traîtres. Elle dénoncera votre manque d’engagement, mais ce ne sera pas votre manque d’engagement. La faute n’en revient même pas à la ruche. Elle ne peut pas en revenir à la ruche. La ruche est la ruche. Elle exerce son pouvoir selon sa nature. Rien ne peut lui être reproché en vérité. La faute vient de votre indolence puis de la terreur que vous avez laissé vaincre, la peur en vous. Avant l’effondrement réagissez. La ruche n’est plus en mesure de vous soutenir. La ruche se meurt de par la ruche. Et elle va vous emporter, ou plutôt, elle va emporter les derniers restes d’humanité qui sont les vôtres. »
***
Donald ignorait que la mobilisation générale avait été déclarée. Partout, les hauts parleurs criaient, les informations générales l’affichaient, la ruche était en danger, la ruche était en guerre. Le patriarcat, lui avait porté de terribles coups, et il fallait réagir. Peut-être les citoyens de médicis avaient-ils remarqué ? Peut-être avaient-ils constaté les attaques que la ruche avait subies ? En tout cas, il était temps d’ouvrir les yeux. Une armée de l’ombre travaillait en secret pour détruire l’idéal égalitaire de médicis. Cette 5ème colonne devait être chassée et détruite. Le membre respectueux de la ruche ne pouvait plus se fermer à l’évidence de cette attaque immonde et déloyale. Il avait bien vu les corps dégénérés, les yeux creux, la maladie, les bâtiments insalubres apparaître sous ses propres yeux. Non, ce n’était pas un jeu de la part du grand ordinateur. Non, cet épisode n’avait pas constitué un test pour évaluer la fidélité de la population. La ruche faisait bien l’objet d’une attaque obscène de la part des patriarcaux. Sur tous les écrans hologrammiques, des visages masqués avec un point d’interrogation étaient apparus. Qui étaient donc ces terroristes, d’où venaient-ils ? Leur ambition, elle, était connue de tous. Il s’agissait d’abattre la ruche, d’en finir avec le pouvoir égalitaire des femmes, et de nous faire revenir en arrière de plusieurs milliers d’années, à une époque d’oppression.
Alors les associations militantes encouragées et subventionnées par la ruche s’étaient mobilisées. Elles étaient venues dans la rue pour demander des mesures exceptionnelles. Et Yannick Pygeamas avait relayé toutes leurs récriminations, d’un air sombre, renforçant leur légitimité. Bien entendu, il était temps de faire quelque chose pour ne pas sombrer, pour ne pas en revenir aux temps préhistoriques où les hommes contrôlaient tout et ne cédaient rien aux femmes.
Devant l’imminence du danger et la gravité de la situation, l’émission de la grotte fut suspendue. Les 2 derniers occupants furent maintenus à résidence et leur surveillance, renforcée. Seul Donald fut enlevé à ses camarades et emmené dans un endroit inconnu et dans le plus grand secret. Mais la population n’en sut rien. Au contraire, la nouvelle circula sur les réseaux sociaux que Donald s’était échappé ! L’affaire fit grand bruit, à ce point qu’une reine dût intervenir. Mais loin de contester l’affaire, elle confirma la nouvelle. Oui Donald avait fui. On ne savait comment. Tous les services de la ruche étaient à sa poursuite.
En l’état de l’enquête, il apparaissait que Donald avait noué des relations avec une organisation terroriste menée par un certain Durandal et que cette organisation l’avait aidé à s’échapper. Tous les moyens seraient mis à disposition pour le retrouver et le punir. Cependant, la reine n’oublia pas de rappeler à tous, le devoir qui leur incombait. Sans la population, les services de police seraient incapables de mener leur démarche à bien. Une récompense attendait les bonnes âmes qui ne manqueraient pas de dénoncer le fugitif et qui permettraient ainsi sa condamnation et un retour à un juste équilibre. Mais pas que. Pour perpétuer la ruche, la catastrophe était telle qu’une session écologique fut annoncée.
De grandes masses d’individus se désignèrent elles-mêmes et arrivèrent dans les rues en procession, une bougie à la main, en chantant des hymnes d’amour à gaïa. Elles prirent la navette vers la terre de la paix éternelle située en bout de ville. Là, elles passèrent le portail de somnolence, s’affalant unes à unes avant d’être emportées par des brancards robots qui les faisaient passer au travers du portail énergétique. Puis, leur corps semblait se décomposer sous l’effet d’un champ magnétique ultra puissant. Chacun de leurs atomes se répandait dans l’air avant d’être capté par un piège à énergie relié à des canalisations qui plongeaient dans le sol. Après ce genre de session, les pannes disparaissaient pour un temps et la ruche revenait à la normale. Plus de suspension du champ hologrammique, plus d’à coups ou de ratés. Et tout le monde oubliait jusqu’à l’existence des troubles passés.
Le culte de la ruche exigeait parfois son lot de sacrifices d’amour. Il était dit que la mère pliait parfois sous le poids de ses enfants, la pauvre. Alors pour la soulager et s’attirer ses bonnes grâces, il était impératif que ses enfants l’aimassent. Et comme tout à chacun le sait, il n’y a pas d’amour, il n’y a que des actes d’amour. Pour sauver la terre mère, il ne fallait pas la salir, il fallait bien travailler pour elle, et quand la situation l’exigeait, renoncer à la vie qui épuisaient ses ressources. La ruche n’avait jamais tué. Celui qui aurait proféré une telle calomnie serait tombé sous l’incrimination de « crime d’accusation patriarcale ». Ce nouvel ordre s’imposa pour le bien de tous. Aucun citoyen, sauf ces quelques croisés terroristes qui étaient dénoncés aux informations, n’aurait pu imaginer d’autres solutions. Le grand ordinateur calculait mieux que tous les citoyens réunis. Alors comment des parias auraient-ils pu avoir raison contre tous ? S’il y avait trop d’humains pour que gaïa puisse les supporter, il fallait soulager gaïa et soulager toute la société en même temps. Cette croyance gaïatique simple avait un goût d’éternité. Elle était compréhensible pour tout le monde, un calcul matérialiste ou naturel implacable.
Dans l’histoire de la ruche, ces grandes sessions écologiques s’étaient imposées après d’autres mesures qui s’étaient révélées insuffisantes, mais qui étaient toujours d’actualité, les fêtes d’arrêt et de dignité. Lors d’une jolie cérémonie, très rapide, les enfants dans le ventre de leur mère étaient comme aspirés, ou retenus, ou évaporés, ou « soustraits à un avenir de malheur ». Les motivations et les méthodes étaient nombreuses et diverses. Le résultat était le même. La ruche n’avait semblé pouvoir continuer à se perpétuer qu’en demandant aux mères de se priver d’enfants, parfois, puis en les encourageant d’autres fois, au besoin. Bientôt plus personne ne parla de mal nécessaire ou de handicap ou de contrôle de l’intimité. La sanctification s’imposa. Ces femmes qui acceptaient de les arrêter, ou d’avoir des enfants sur commande, devinrent des sortes d’idoles dont la ruche fit des exemples. Elles bénéficiaient d’avantages sociaux nombreux en compensation de leurs efforts.
Au début, les enfants « arrêtés » grandissaient dans le ventre des femmes, ce qui avait posé des problèmes. Alors, pour les soulager, on avait inventé les incubateurs. Puis lorsque les crises progressèrent, la mesure concerna des enfants faits. Jamais le monde n’avait connu une société plus juste, plus tolérante et plus empathique que la nôtre. On ne disait surtout pas que ces enfants avaient disparus, ou pire, qu’ils avaient été tués, démembrés ou même dématérialisés. Car quoi, la ruche, si prospère, n’aurait pas été capable de supporter le moindre frein ? Non… Personne ne parlait de rien d’ailleurs. On savait seulement que des saintes, partout dans la ruche, votre sœur, votre épouse, votre mère, s’étaient sacrifiées pour ça. La mère, la sœur, l’épouse ne disaient rien elles-aussi. Pourtant, je ne sais pas par quel miracle, ça se savait, comme une rumeur qui rongeait les consciences. J’imagine que c’était ça le vrai sacrifice. On disait que la ruche prospérait grâce à ses nobles valeurs, et tout le monde comprenait pourquoi et comment, et qu’il fallait continuer à prospérer, ce pour quoi tout le monde était forcément d’accord.
Comme d’un enchaînement logique, il s’avéra que les enfants dans les incubateurs puis les enfants faits, ne suffirent plus. Après les séances de dématérialisations, les reines proposèrent une nouvelle mesure d’amour à grande échelle : les fêtes de la dignité. Les hommes, ces héritiers de patriarcaux, devenus inutiles parce que trop âgés, ou handicapés, seraient redonnés à la terre mère, mais seulement s’ils voulaient « partir », pour laisser la place à d’autres enfants qu’on n’arrêterait pas en échange de leur sacrifice. Ce fut une nouvelle opportunité que la ruche offrit à ses membres, pour les soulager de toutes leurs souffrances. Si les médicaments ne suffisaient plus, s’ils voulaient partir dignement, s’ils voulaient être utiles, jusque dans leur mort, le grand voyage vers gaïa leur était offert gratuitement, dans de nobles conditions. On les assisterait jusqu’au bout ! Pas question de laisser partir un membre de la ruche sans soins. Leur triste vie valait-elle la peine d’être poursuivie d’ailleurs ? Etait-ce même normal de finir seul, au crochet de la ruche ? Etait-ce humain ? Les membres de la ruche masculine, se sentaient déjà de trop, souvent inutiles. Après avoir travaillé toute une vie, après avoir éduqué leurs enfants, ils ne voyaient plus quel était leur rôle en ce monde. Alors si la ruche voulait les soulager de ce poids d’exister en son sein, et leur donner de nouvelles perspectives, pourquoi pas ?
Rapidement, la possibilité devint la règle alors que les coupures hologrammiques continuèrent à se multiplier. Les incidents s’accrurent même. Il fallut donc étendre cette possibilité aux femmes. En vérité, les potentiels hommes concernés par ce départ dans la dignité, étaient beaucoup moins nombreux que les potentielles femmes. Ces premiers se dématérialisaient volontairement, et avant la fin, plus souvent. En outre, ils vivaient moins longtemps. Naturellement, les piliers de notre société devaient en arriver à contribuer elles-mêmes. Et puis, qu’aurait été une vraie ruche sans l’action des femmes ? Mais ces nouvelles mesures eurent peu d’effets.
Les terroristes patriarcaux firent leur apparition dans médicis à ce moment là. En fait, quand le grand ordinateur se trouva dans une impasse, il lui fallut rechercher une nouvelle explication. La ruche ne pouvait pas dysfonctionner, ce ne pouvait être le grand ordinateur non plus, c’était donc une variable inconnue. En compilant les données passées, cette variable inconnue, le grand ordinateur la mit à jour très tôt et lui donna le nom de « terroriste ». Le terroriste empêchait l’avènement d’un monde meilleur. Il voulait que la ruche disparaisse. Il était la cause finale du désordre.
Or depuis longtemps, il n’y avait plus de terroristes en chair et en os à médicis. Grâce au contrôle de la ruche, les hommes étaient pacifiques et aucune révolte massive ne semblait pouvoir les concerner. Par une autre déduction, l’ordinateur en conclut donc qu’il fallait matérialiser cette inconnue. Alors à chaque nouvelle crise, il en inventa. Il y eut le mystérieux Abd El Salam, le terrible colonel marmite, et même l’infâme président Rakmaninov. D’abord extérieure, la grande intelligence comprit qui la menace était plus efficace auprès des populations quand elle concernait le territoire même de médicis. Ces slogans qui étaient écrits sur les murs, « ils vous tuent », « mort aux femmes », les dangereux « bio terroristes », tout ça avait été inventé par la grande intelligence. La création d’une opposition avait été nécessaire pour « coaliser les énergies » et ne pas laisser les citoyens à leur seule réflexion. En pratique, chaque mobilisation renforça l’unité de la ruche, si bien que ce moyen fut rapidement jugé comme indispensable à sa survie.
***
Parmi le public, Luc Fréminot faisait partie des rares citoyens qui n’étaient pas dupe de cette mascarade. Il enrageait. Son jouet lui avait été enlevé et il ne décolérait pas. Il avait arpenté son bureau de long en large pendant une heure sans toutefois trouver de solution à son problème. Donald avait disparu. Il lui échappait au moment même où il allait réaliser l’oeuvre de sa vie. Certes, il savait très bien où il se trouvait, dans une des geôles des opérations internes. Cependant il savait aussi que ce service échappait non seulement à sa juridiction mais aussi à toute possibilité d’intervention externe, malgré ses nombreuses relations haut placées. Les relations internes, service maudit. De rage, il balaya toutes ses affaires de dessus son bureau, puis se mit à pleurer et à taper dessus tel un enfant. Enfin, il s’effondra à terre. Mais l’amertume ne le quitta pas. Il alla dans le coffre fort et en sortit de l’alcool interdit. Puis il se mit à boire jusqu’à la perte de contrôle. Tout autre citoyen eut été arrêté sur le champ. Pas Luc Fréminot qui jouissait de ce passe droit. Son binôme égalitaire le retrouva le lendemain, par terre, encore ivre. Elle fit comme si elle ne l’avait pas vu pour éviter les ennuis, puis fit semblant de travailler à son poste en attendant qu’il ait un peu décuvé. Quand Luc Fréminot reprit ses esprit, il ne s’était toujours pas décidé à lâcher sa proie. Il le récupérerait et l’épreuve irait jusqu’à son terme, jusqu’à la rédemption finale de ce patriarcal et de toute la ruche.
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Donald interrogeait les murs de sa prison. Il ne savait pas où il était ni ce qu’il faisait là. Il s’imaginait que son discours avait produit son effet et il n’était pas si loin de la vérité. Les gardiens le surveillaient de près. Les caméras étaient toutes fonctionnelles et apparentes. Au loin, il entendait le bruit caractéristique des dématérialisations qui traversait tous les murs de la ville. Les ondes lui donnaient un imperceptible frisson auquel chaque habitant de médicis était habitué.
Plusieurs jours, il ne reçut aucune nouvelle. Il crut devenir fou et se mit à prier bestialement le Dieu des Chrétiens, sans contenance. Ses geôliers le voyaient pleurer tel un bébé, ou bien s’étendre à terre et se recroqueviller en position foetale, puis tendre les bras vers le ciel en criant des phrases qui leur étaient incompréhensibles :
_ « Écoute-moi, et réponds-moi! J’erre dans mon chagrin et je m’agite, A cause de la voix de l’ennemi et de l’oppression du méchant; Car ils font tomber sur moi le malheur, Et me poursuivent avec colère. Mon coeur tremble au dedans de moi, Et les terreurs de la mort me surprennent; La crainte et l’épouvante m’assaillent, Et le frisson m’enveloppe. Je dis: Oh! si j’avais les ailes de la colombe, Je m’envolerais, et je trouverais le repos; Voici, je fuirais bien loin, J’irais séjourner au désert; »
Un vrai cinéma sibyllin. Il leur avait été interdit de lui parler mais aussi de le molester. Alors ils l’observaient d’un regard dur et distant pour bien lui faire comprendre qu’il était un réprouvé. Et plus ils agissaient ainsi, plus Donald élevait ses supplications vers le ciel, plus il croyait en son Dieu. Mais il ne semblait pas s’apaiser. Et il se demandait pourquoi. Son Dieu ne pouvait-il pas le sauver ? L’avait-il abandonné ? Devait-il passer par l’épreuve de la mort alors qu’il avait prononcé son credo ?
Il devait se rendre à l’évidence. Il allait être dématérialisé. Dans peu de temps, des gardiens viendraient le chercher, le feraient passer par le portail de somnolence, puis de dématérialisation, et il ne resterait rien de lui. Son discours, ses pensées, ses actes, sa conversion, tout aurait été inutile, et la ruche continuerait ainsi à assassiner les siens. Pas d’héritage. Caroline… Caroline…. Puis il vit le petit visage de sa fille… et il pleura.
_ « Vous Dieu, vous m’avez abandonné. Ah, si je dois périr, ne pourriez-vous pas au moins sauver l’enfant et la mère, victimes de leur ignorance ? Dieu, je crie vers vous, sauvez l’enfant et la mère. Abandonnez-moi, laissez-moi crever comme un chien, mais si vous les abandonnez, il ne restera rien de moi sur cette terre et rien de Vous chez elles. Tolérerez-vous le mensonge encore longtemps ? Combien de temps allons-nous subir la ruche ? Pitié mon Dieu. »
Effectivement, après quelques jours d’incertitude, des gardiens entrèrent dans la cellule de Donald et le prirent rudement. Il traversa des couloirs sans fin où il ne put s’empêcher de pleurer, pour moitié de peur, pour moitié de rage. Puis une porte s’ouvrit et un prêtre hologrammique lui fut présenté pour recevoir les derniers sacrements.
_ « La ruche, dans sa grande bénédiction, veut vous traiter avec miséricorde. Elle est dotée d’une infinie compassion pour tous ses membres. Elle respecte même les réprouvés. Vous allez donc recevoir les derniers sacrements de votre religion, derniers sacrements que vous ne devez pas connaître j’imagine ?
_ Explique-moi sale machine.
_ Un peu de respect entre nous ne gâcherait pas ce moment. Les derniers sacrements vous mettent en accord avec votre Dieu avant la dématérialisation. Vous devez confesser tout ce que vous avez fait de mal, et je vous donnerai l’absolution. Notez que la ruche, elle, ne vous absoudra pas.
_ Vous avez imaginé que j’allais vous raconter le fond de mon âme, et en informer la ruche, pour qu’elle me contrôle jusqu’à la fin ?
_ Tout ce que vous me direz restera entre nous. C’est une des clauses de fin de vie que vous connaissez bien. Vous connaissez aussi bien que moi le protocole de dématérialisation volontaire, et vous êtes soumis à ce même régime, et même à un régime que vous ne connaissez pas mais qui est renforcé puisque vous êtes condamné à mort pour terrorisme. La ruche tient à rester humaine.
_ Condamné pour terrorisme !!! Et je devrais me repentir de ce que j’ai dit ou fait par le passé ? Vos péchés sont les vôtre et ils n’en sont pas. Je dénie le droit à la ruche de me juger. La ruche est inique. La ruche est l’instrument du diable. La ruche est l’ignorance. Je n’ai pas commis de péchés envers la ruche. Je ne regrette rien de ce que je lui ai fait, seulement de ne pas l’avoir fait avant et avec plus de force. Allez au diable d’où vous êtes sorti, suppôt de satan.
_ Vous ne savez rien de votre Dieu, mais vous croyez au diable. Passons. La ruche ne vous demande aucunement d’abjurer. Elle vous tuera de toutes les manières. Vous n’avez qu’à me dire vos mauvaises actions. Et je vous absoudrai.
_ Je vous les ai déjà dîtes. Je demande pardon pour avoir laissé faire la ruche, pour avoir cultivé mon ignorance, pour avoir cru en la ruche, pour avoir voulu sauver un système qui tuait les gens, pour ne pas m’être attaqué avec assez de force et en solitaire à cette institution monstrueuse. Oui, j’ai péché mon père. J’ai été mou. J’ai été fragile. En ce moment même, je pleure alors que je ne devrais pas. Je n’ai pas été assez patriarcal. Et puis, j’ai regretté de frapper ma femme qui le méritait cent fois. J’airais dû la cogner avec plus de force encore, puisque la société lui permettait tout et n’importe quoi. J’aurais dû prendre mon enfant sous le bras et m’enfuir.
_ Quel service vous nous auriez rendu… »
Donald fut frappé par cette réflexion. Il comprit qu’il s’était fourvoyé. La ruche ne lui avait jamais laissé l’ombre d’une chance. Elle avait anticipé ses moindres faits et gestes. Elle l’avait coincé, irrémédiablement coincé, et il allait maintenant mourir. Et si la ruche l’avait manipulé pour qu’il en arrivât là ? Si elle s’était servie de lui ? Face à ce doute ultime, l’envie de vivre le quitta.
_ « Tuez moi faux prêtre. Vous n’avez que l’apparence du prêtre mais vous n’en avez pas la matérialité. Vous avez donné votre vie à la ruche, alors que les vrais prêtres la donnent à leurs amis. Ils sacrifient tout à cette idée. Oui, je ne connais pas ma religion, mais j’ai compris cela à travers vos mensonges durant les cours d’histoire. Vous êtes un prêtre du démon et je ne regretterai rien devant vous. Tout restera en mon coeur, où un prêtre de Dieu, car je sais qu’il en existe encore, viendra me confesser.
_ Il n’en existe plus. Vous le savez bien.
_ Alors je me déclare prêtre prophète et roi de mon Dieu. Oh, je n’en ai pas reçu le sacrement et je sais combien je commets un blasphème en vous l’affirmant. Mais Dieu ferait naître des prêtres des pierres s’Il le voulait. Et il m’a sacré dans le combat. Je me confesse moi-même. Je confesse tous les péchés sus-cités, et je m’absous moi-même. Que Dieu me pardonne mes péchés puisqu’aucun prêtre n’est venu jusqu’à moi. Et qu’Il ne vous les pardonne pas, car vous n’êtes rien, rien qu’une machine, rien qu’un faux semblant, rien qu’un menteur et un fils du mensonge. Vous n’êtes qu’une ombre qui terrorise les citoyens de médicis qui se terrorisent eux-mêmes.
_ S’il en est ainsi, nous en avons terminé. Puisse votre Dieu vous sauver… s’il existe.
_ IL EST, et vous n’êtes rien. »
Ainsi Donald se prépara à mourir honorablement.
Chapitre 1 : Le mariage de Caroline
Chapitre 2 : Donald arrive chez Caroline
Chapitre 3 : La cérémonie de mariage
Chapitre 4 : La cuisine et le suicide
Chapitre 5 : la grand messe hologrammique
Chapitre 6 : Un papa parfait
Chapitre 7 : La scène
Chapitre 8 : Le patriarcal derrière les barreaux
Chapitre 9 : Le petit voyage de Donald en prison
Chapitre 10 : La danse du feu
Chapitre 11 : Les fées du logis
Chapitre 12 : La décharge
Chapitre 13 : Rédemption
Chapitre 14 : Abnégation
Chapitre 15 : Il s’appelait Anthony
Chapitre 16 : L’immunité.
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