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L’exhortation amoris laetitia et l’influence féministe

Quel beau texte en général sur le rôle du père, de la mère, les besoins des enfants. Inutile pour moi de commenter les nombreux points admirables de cette exhortation post synodale que vous pourrez lire si vous ne l’avez déjà fait. Je voudrais plutôt me pencher sur cette petite partie qui m’interroge.

La reprise du discours féministe induit à chaque fois des erreurs de constat qui aboutissent à des discours biaisés.

Dans le paragraphe 54, les violences faites aux femmes y sont dénoncées. Ce serait très bien si les violences faites aux hommes en tant qu’hommes, beaucoup plus nombreuses, n’étaient pas absentes du texte. Le Pape semble les ignorer complètement. Qu’importe que les suicidés soient très majoritairement des hommes, que les hommes soient obligés de mourir à la guerre dans des conflits iniques dans lesquels ils ne se sont pas engagés, que les garçons soient discriminés à l’école dans nos sociétés occidentales, et plus au chômage parfois comme en France en tant de crise, que les lois soient devenues discriminatoires à leur égard (voir les violences conjugales), que la majorité des situations de pauvreté réelle (mise à la rue) concerne 90 % des hommes, aucun de ces thèmes, et j’en passe, n’est abordé.

L’homme est pourtant la variable d’ajustement de nos sociétés de femmes, et ces dernières ne sont touchées que lorsque la faillite de tous les hommes de leur entourage est complète. La vraie misère est masculine, il n’y a qu’à voir la composition des bateaux de migrants pour finir de s’en convaincre. Or notre Pape si à cheval sur la question des illégaux, ne fait même pas ce constat simple : celui de la violence majoritaire faite aux hommes.

Dans ce discours de plainte à l’égard des femmes, jamais celles-ci ne sont pointées du doigt pour leurs mauvais comportements, seulement le « machisme » de sociétés archaïques. Or quand par exemple, notre Pape dénonce les mutilations génitales subies par les femmes, je voudrais bien savoir ce que les hommes ont à voir dans cette histoire, puisque cet acte est pratiqué par des femmes sur des femmes ! Et qu’il a pour but de dominer les hommes en contrôlant leur plaisir…

Ainsi, tous ces sujets de défense du droit des femmes sont abordés superficiellement, à la manière féministe, biaisés, à grand coup d’invectives non argumentées. Quand notre Pape dénonce l’«inégalité d’accès à des postes de travail digne et aux lieux où se prennent les décisions » pour les femmes, je me demande s’il veut parler du Vatican. Sans rire, tous ces hommes qui sont les premiers à souscrire au pouvoir des femmes, sont aussi les premiers à éviter de s’appliquer les règles qu’ils veulent imposer aux autres. Eux, bien entendu, ils ont de bonnes raisons. Dans l’Église, ils remplissent le ministère à l’image de Jésus, qui était un homme et qui parlait en tant qu’homme. Mais ils ne s’imaginent pas qu’ailleurs, les employeurs aient des motifs aussi valables que les leur. Il suffit de penser qu’à CV égal, les femmes sont favorisées à l’embauche pour comprendre que le problème ne vient peut-être pas de questions discriminatoires, si ce n’est à l’égard des hommes… sans parler de tous les autres nombreux thèmes dont j’alimente sur mon blog.

J’aurais bien aimé aussi que notre Pape développe un peu sa pensée sur certains sujets :

« Certains considèrent que beaucoup de problèmes actuels sont apparus à partir de l’émancipation de la femme. Mais cet argument n’est pas valide, « cela est faux, cela n’est pas vrai ! C’est une forme de machisme ». L’égale dignité entre l’homme et la femme nous pousse à nous réjouir que les vieilles formes de discrimination soient dépassées, et qu’au sein des familles un effort de réciprocité se réalise. Même si des formes de féminisme, qu’on ne peut juger adéquates, apparaissent, nous admirons cependant une œuvre de l’Esprit dans la reconnaissance plus claire de la dignité de la femme et de ses droits. » (Catéchèse d’avril 2015 L’osservatore romano)

En guise d’argument, le texte nous propose une énième invective, et jamais rien n’est répondu en matière de destruction de la femme à partir de son « émancipation ». Il est pourtant difficile d’ignorer que nos problèmes modernes et ceux des femmes, datent de cette « émancipation ». Quand bien même le Vatican reprendrait les constats féministes, n’aurait-il pas pu conclure que l’augmentation des violences faites aux femmes, des viols dans nos sociétés Occidentales, ou des situations de pauvreté lié à l’isolement coïncident justement avec cette soi-disant émancipation. Plus loin notre Pape énumère longuement tous les méfaits liés à la réduction des familles à la cellule nucléaire, voire à la femme seule avec enfants, par contre, et ce qui est incompréhensible, il n’identifie pas le rôle du féminisme dans cet effondrement. Je ne comprends même pas pourquoi l’Église qui a tant combattu cette régression, ne veuille pas recueillir aujourd’hui les fruits de son engagement. C’est incompréhensible si ce n’est à envisager que le Pape est largement influencé en sous-main par des féministes dans son entourage et qui l’empêchent de penser objectivement sur ces questions.

Autre influence féministe au paragraphe 154, quant à la notion de devoir conjugal. C’est bien de rappeler que « même dans le mariage, la sexualité peut devenir source de souffrance et de manipulation », et qu’il ne peut y avoir d’acte imposé. Mais en matière de manipulation et de souffrance, il y a surtout le conjoint qui joue du désir plus grand de l’autre pour le contraindre à la soumission par l’abstinence. Là encore, seul le point de vue féministe est défendu, très loin des conditions de respect et d’échange qui doivent régner dans un couple. Le cas exceptionnel de maltraitance devient le centre du raisonnement et obère ainsi la réalité. Ainsi aurait-il été peut-être préférable de parler de la joie de se donner, plutôt que d’introduire l’arme du chantage dans la sexualité comme règle générale.

Evidemment cette influence féministe va au paragraphe 156 jusqu’à une remise en cause de Saint Paul aux Ephésiens dans lequel ce dernier demande la soumission de la femme à son mari. Cette admonestation culturelle serait surannée. Ce faisant, notre Pape oublie la suite de la lettre de saint Paul, encore plus exigeante pour les hommes « aimez votre femme », et ignore ainsi toute forme de réciprocité dans la différence. Saint Paul appelle chacun à faire ce qui lui est le plus difficile. Les femmes d’hier comme d’aujourd’hui veulent tout commander et ne laisser aucune place à l’homme, à l’image de ces mères toutes puissantes. Saint Paul leur demande de céder la place à leur mari. A l’inverse, les hommes aiment facilement le corps de leur femme jeune, ce qu’on ne peut appeler de l’amour. Il invite donc les hommes à entrer dans une vraie relation pour l’être de leur épouse. Voilà qui est d’une toute autre profondeur que de vouloir indifférencier les rapports entre hommes et femmes, puis de s’étonner que cette idée se propage avec la théorie du genre. A ce sujet, une Italienne vient justement d’écrire deux livres, l’un à l’intention des femmes : « Marie-toi et sois-lui soumise ». L’autre pour les hommes « Marie-toi et donne ta vie pour elle ». Comme d’habitude, les hommes sont à la remorque des femmes sur ces sujets là, ce qui laisse perplexe quand un Pape valide la « domination patriarcale du passé » et soutient qu’il ne doit pas y avoir de rôles dans les tâches communes (paragraphe 286) tout en parlant de réciprocité. Alors oui, a priori, tout le monde peut tout faire, mais il est aussi bon pour chacun de vivre dans une certaine complémentarité, de développer une culture qui lui est plus naturelle, et surtout source de concorde.

Par la suite, il est inutile de reprocher aux familles de manquer de temps pour s’occuper des enfants tandis que la substituabilité de chacun est encouragée sur le marché du travail. Si l’insertion professionnelle des femmes doit être totale dans des métiers exigeants, il faut alors que l’homme investisse le foyer, en sachant qu’il ne pourra pas remplacer une mère, ne serait-ce que durant la maternité. Cette inefficience, cette mauvaise allocation des moyens se paye tôt ou tard que ce soit à un niveau social ou humain. D’un côté, de nombreuses mères se sentent obligées d’aller travailler plutôt que de veiller à leur épanouissement et à celui de leur famille. De l’autre, sans parler de problèmes de dégradation des secteurs professionnels féminisés, la société devient un cloaque invivable où la rentabilité de tous s’impose à tous et partout. Quant aux hommes, il faut le dire, ceux qui croient à ce genre de balivernes finissent plus souvent divorcés, la famille traditionnelle étant surtout un modèle de réussite en lieu et place d’un système oppressif. S’il est vrai que la danse ou la cuisine ne sont pas des activités typiquement féminines comme nous le rappelle notre Pape, et le domaine des sentiments non plus, il faut reconnaître que l’allaitement l’est, que beaucoup de femmes jouissent de nourrir leur famille, d’entretenir leur foyer, de le décorer, de vêtir leurs enfants, de veiller à l’ambiance qui y règne (pour le pire et le meilleur), qu’elles possèdent une longue culture/tradition en ce sens, et enfin qu’hommes et femmes conçoivent différemment la cuisine et la danse. Que les hommes ne se sentent plus à l’aise concernant ces deux dernières activités montre surtout combien leur identité a été remise en question. Cela en dit long sur le sentiment de défiance créé par le féminisme en matière de lutte des sexes. La substituabilité c’est la guerre partout et toujours, et il ne faut pas prendre les causes de la perte d’identité pour ses conséquences en matière d’affinités. Ainsi, je ne crois pas que la favoriser rende bien service à la famille comme notre Pape s’en donne l’objectif. La crispation n’est que le résultat d’un féminisme où plus rien n’a de place. Encore plus de féminisme, accentuera la crispation, comme en matière de jouets sexués. Là aussi, je ne crois pas qu’il faille placer l’exception, qui doit être acceptée d’un coeur miséricordieux, comme le centre de nos raisonnements.

Ainsi l’Église qui a combattu de tous temps la lutte des classes, se met subitement à défendre la lutte des sexes ! Et valide ainsi la mythologie féministe sur l’absence de réciprocité dans les sociétés anciennes.

De même, la négation de ces évolutions objectives empêche le Pape de comprendre en quoi le féminisme devait nécessairement aboutir à ces formes « inadéquates » qui le dérangent tant. Si l’attaque directe contre les mères le fait réagir : «  J’apprécie le féminisme lorsqu’il ne prétend pas à la l’uniformité ni à la négation de la maternité » (173), il est bien tard pour le dénoncer, de manière aussi diplomate. Sans parler d’avortement, de promotion du divorce, de jalousie envers les hommes etc… la théorie du genre est une émanation directe du féminisme, de cette absence de distinction des rôles entre hommes et femmes que notre Pape appelle « réciprocité ». (paragraphe 56) Quand le Pape valide une réciprocité indifférenciée en omettant de la subordonner à la culture, à nos natures sexuées, à notre civilisation, « oublis » qui lui viennent en direct de la théorie féministe, il participe à créer ce monde indifférencié. Ce genre d’acception n’est pas possible dans toutes les sociétés, seulement dans celles qui se sont féminisées à outrance et où fils et mères vivent une relation fusionnelle aveuglante.

Sur ce point, j’aimerais revenir sur le paragraphe 174 qui exalte le rôle de mère : « Sans doute « une société sans mères serait une société inhumaine, parce que les mères savent témoigner toujours, même dans les pires moments, de la tendresse, du dévouement, de la force morale. Les mères transmettent souvent également le sens le plus profond de la pratique religieuse… Sans les mères, non seulement il n’y aurait pas de nouveaux fidèles, mais la foi perdrait une bonne partie de sa chaleur simple et profonde… » (Osservatore romano Catéchèse 2015) » et sur le paragraphe 102, citation de Saint Thomas D’aquin : « Les mères, chez qui se rencontre le plus grand amour, cherchent plus à aimer qu’à être aimées ».

Enfin, imagine-t-on ailleurs que dans l’Église catholique moderne, la religion n’émaner que des femmes, et des mères plus spécifiquement ! Les mères sauraient toujours témoigner de la tendresse et de dévouement… Cela me laisse sans voix. Le Pape et nos cardinaux pensent-ils aux mères homicides, à celles qui abandonnent leurs enfants au milieu du foyer, qui vivent sur le dos de la société et de leur progéniture par exemple, qui foisonnent par millions aujourd’hui ? Pensent-ils sérieusement que seules les femmes augmentent le nombre des fidèles ou qu’être mère fasse d’une femme un saint ? Les Moniques données en exemple au paragraphe 288 restent rares. Notre Eglise moderne qui mise uniquement sur les femmes et qui perd en pratique religieuse et en fidélité au message du Christ, devrait justement s’interroger sur le rôle qu’Elle octroie à la femme en son sein, et la remettre en cause parce que ce genre de féminisation totalitaire, comme source unique de religion, nous a conduit à un échec complet qui finit par desservir les femmes et les écarter de notre Eglise. Et je ne parle même pas de l’oubli de tous les Saints, qui au cours des âges ont converti en masse des millions de fidèles, passés à la trappe dans ce passage grandiloquent, parce qu’ils étaient hommes.

Pour tout le reste du récit, ou presque, le Pape se montre d’une grande clairvoyance et profondeur concernant les sentiments humains. Mais quand il parle des femmes/mères, tout d’un coup, reprenant en cela le propos des cardinaux, son discours ne me semble plus lucide. En vérité, il n’y a pas de plus belle illustration du pouvoir des mères sur l’Eglise que dans ces passages. Les hommes, quand ils parlent ainsi, ne veulent pas renoncer à l’image idyllique de leur mère, et à ce qu’elle a de particulier. Ils en font un être indifférencié et magique source de paix universel, qui prendrait la place de Dieu. Dans ces cas là, l’adulte n’est pas né en eux. Ce travers est largement répandu dans notre Eglise qui ignore parfois l’altérité homme-femme et le cas échéant renonce à donner des leçons sur le sujet à une société encore plus à la dérive qu’Elle. Le célibat des prêtres est une bonne pratique. Cependant, il faudrait vraiment l’envisager comme d’une coupure avec la mère, pour ne pas donner tout pouvoir aux femmes dans notre Eglise, et confondre l’amour de Dieu avec une forme malsaine de fusion incestueuse.

La spiritualité se résume-elle à la prise en compte de sentiments personnels ?

De manière plus générale, le Pape tente de nous insuffler l’Espérance à travers son exhortation, de prendre en compte les gens qu’il a en face de lui. Je m’interroge sur cette unique démarche qui dénote là encore pour moi d’une forte féminisation. Je m’entends, ce point de vue est noble, et possède sa part de vérité. L’homme et la femme marchent à deux, et l’avis féminin n’est pas moins intéressant que celui de l’homme. Mais comment ignorer à ce point le regard masculin sur notre vécu d’Eglise depuis 50 ans, la désaffection des paroisses, le vieillissement des paroissiens, le manque de pratique, et faire comme si nous étions encore dans une société catholique pour éviter les remises en question brutales parce qu’elles choqueraient ? Au moment même où nous pouvons toujours moins, le Pape nous demande toujours plus. Je vois bien ses efforts pour nous inviter à l’amour, même entre nous. Cependant la marche me semble désormais bien haute. Car nos possibilités humaines sont liées à l’état de notre Eglise. Et notre Eglise en Occident est dans un état déplorable. L’Espérance n’empêche en rien le constat. Je dirais même que la vraie Espérance n’arrive qu’après, quand le constat a été fait. Or pour moi, ce constat est évident. Trop souvent nos assemblées ne sont pas dans la prière, trop souvent la laïcisation s’est accompagnée de médiocrité, trop souvent la liberté d’organiser la liturgie a été dévoyée, trop souvent l’accueil s’est confondu avec le n’importe quoi durant la célébration et finalement la mise en place d’une oligarchie sectaire. Qui trop embrasse mal étreint. A tout vouloir, nous n’avons rien obtenu, si ce n’est un repli sur les traditions qui alterne avec un laisser-aller dégoûtant, selon les lieux, selon les paroisses.

Si ce que dit le Pape n’est pas faux, cela ne part pas de notre vécu et d’un constat lucide dont il a pourtant parfaitement conscience. Car le lecteur attentionné pourra comprendre entre les lignes, que notre Pape sait, et qu’il veut remédier à nos imperfections, mais il le fait toujours en partant du personnel, jamais en interrogeant la responsabilité individuelle de chacun. Voilà qui dénote à mon avis d’une omission volontaire du mal. Pour lui, le mal doit être ignoré, et nous devons nous consacrer à faire le bien. Notre Jésuite tourne autour du mal pour mieux l’ignorer/le combattre. Or, comme pour l’homme et la femme, le bien et le mal ne peuvent s’ignorer l’un l’autre. Quand bien même le mal serait une occasion pour nous de nous dépasser en tant que catholiques, il possède aussi une part de néant indéfinissable et que nous devons rejeter. Jésus contourne le mal tout autant qu’il le rejette dans ses interventions. Derrière cet évitement, j’ai l’impression que notre Pape a peur que la dénonciation du mal ne se fasse obligatoirement que dans le rejet de l’autre. A l’inverse, je pense qu’elle peut-être l’occasion d’une juste clairevoyance sur nos péchés personnels et collectifs.

Derrière cet évitement du mal dans le discours, se cache pour moi, une question plus importante et que j’ai déjà traité ailleurs : celle de la pureté de notre Eglise et de la possibilité d’infaillibilité pontificale. Notre Eglise n’arrive plus à s’amender car elle se conçoit pure. Ainsi accumule-t-elle les erreurs depuis des années, sans pouvoir se remettre en question. Hommes et femmes de nos communautés sont appelés à vivre cette pureté mariale sans comprendre qu’elle les écarte de la sainteté (qui passe à travers le péché). Car qui fait l’ange fait surtout la bête. Notre Eglise ange moderne, donne l’apparence d’une institution doucereuse incapable de prendre en compte la réalité, et qui à cause de cela tue beaucoup de gens et fait donc la bête. Pour rester dans la pureté, notre Pape parle avec beaucoup de tact de nos péchés (ce que d’aucun trouvent flou) et apparaît comme très « tolérant ». En vérité, ce discours est le même que celui d’un intégrisme qui ne voudrait jamais s’amender, parce que jamais dans ce cas nous n’interrogeons les fautes passées, individuelles et collectives. En lieu et place de rejeter l’opprobre sur les autres pour mieux rester dans nos certitudes, comme le ferait n’importe quel intégriste de n’importe quelle religion, nous ignorons nos erreurs et nos réussites en croyant travailler pour l’avenir. Le résultat est le même. La Vérité reste en suspens, laissée aux découvertes hasardeuses de chacun, et au mieux à l’Esprit Saint. Notre rôle dans ce monde ne consiste pas à laisser faire l’Esprit Saint pour les autres, mais à agir à travers Lui.

Cette erreur, je la retrouve dans le traitement de certaines questions politiques. Au paragraphe 30, l’expérience des réfugiés est comparée à celle qu’Hérode inflige à Marie et Joseph durant l’exil. L’image est forte. Hérode le sanguinaire tueur d’enfants, convoite la vie de Jésus. Or s’il y a bien un Hérode et qui a décidé de tuer les enfants de Syrie, il se trouve en Occident. Premier point. De celui-là, personne ne parle, parce qu’il a décidé la guerre au nom de valeurs chrétiennes.

Ensuite, seule une minorité parmi les clandestins mérite le nom de réfugiés. Les autres, la majorité, paye des milliers de dollars, voire des dizaines de milliers de dollars pour émigrer. Ils sont poussés par la convoitise et par les promesses folles d’un patronat avide de remplacer les populations occidentales décimées par la culture de mort. La miséricorde voudrait que nous leur disions la vérité sur nos sociétés et que nous ne les acceptions pas. Non seulement parce que la majorité de nos pays n’en ont pas besoin et qu’ils vont être chosifiés par le système comme nous le sommes actuellement, qu’ils vont participer à amplifier ce mouvement, mais en plus parce que leur pays a besoin d’eux. Pour développer un peu, en vidant des régions entières de travailleurs plus ou moins qualifiés, nous tuons définitivement certains états, nous concentrons encore la richesse aux mains d’une minorité chez nous autorisée à se reproduire, nous accablons le travailleur pauvre de nos contrées, nous laissons des gouvernements d’incompétents perdurer. Tout cela pour indifférencier les populations mondiales parce nous idolâtrons la richesse.

Mais le pire dans tout cela, c’est le nombre de morts provoqués à cause de ces bons sentiments. En encourageant le passage de clandestins, nous favorisons une économie de rapaces qui n’hésitent pas à mettre en danger ceux qu’ils transportent. Tous les morts sur les routes de l’immigration ne peuvent être attribués qu’à notre laisser-aller. Ils sont les victimes de nos mensonges en matière d’accueil et de possibilités. Nous sommes directement responsables de ces morts. La vision uniquement personnelle des événements politiques mène aux plus grands désastres. Cette volonté de ne voir que par l’intimité des personnes, s’appelle négligence. Ce sentimentalisme féminin n’est actuellement contrebalancé par aucune spiritualité virile en Occident, et fait de nombreuses victimes. Hérode a son pendant, Hérodiade qui plaît et veut plaire, et fait couper la tête de Jean-Baptiste. L’accueil des clandestins est un devoir impératif, mais leur renvoi dans leur pays d’origine s’ils ne sont pas en danger devrait l’être également.

Sur ces questions personnelles/politiques, au paragraphe 118, notre Pape cite Martin Luther King : « Lorsque tu as l’occasion d’infliger une défaite à ton ennemi, c’est le moment de ne pas le faire… tu cherches à vaincre uniquement les mauvais systèmes. »

S’il ne faut pas en vouloir à nos ennemis, il n’est bien souvent pas possible de vaincre un système sans vaincre les personnes qui sont à leur tête. Ce sont des hommes qui font ce système. Nous ne pouvons évacuer la responsabilité des gens aussi facilement, sauf à laisser se propager une race immorale et donc, à favoriser la violence dans nos sociétés. Voilà d’ailleurs où nous en sommes. Individuellement, nous luttons autant que possible pour aimer, mais dans le même temps nous laissons un système plein de haine se développer en affirmant que « notre responsabilité seule de croyants est engagée , et que nous n’avons pas à nous attaquer aux autres ». Pendant ce temps, ces autres développent des structures plus amorales que jamais, en falsifiant l’histoire, en désensibilisant les gens, en les flattant dans leurs vices, et parlons d’Hérode : en autorisant l’infanticide de millions d’innocents.

Jamais autant d’enfants n’ont été sacrifiés sur l’autel de l’avortement. Jamais les séparations et les maltraitances sur les enfants n’ont été aussi nombreuses. Jamais hommes et femmes ne se sont si peu entendus. Tout cela dans une bonne conscience des plus effrayantes qui semble vouloir pousser la barbarie toujours plus loin. Le christianisme n’a pas à pacifier la société dans ce genre de situation. Au contraire, il doit devenir guerrier, chercher à vaincre le mal en lui, dans le système, avec pour conséquence de remettre en cause des gens à travers leurs propos/actes, oui des gens dont nous ne connaissons que trop les comportements parce qu’ils nous ressemblent mais qu’ils utilisent leur pouvoir pour faire le mal. Il est vrai que le but n’est pas d’abattre la personne et qu’il faut savoir prendre en considération ce qu’elle est capable de supporter, surtout si cette personne vient à nous avec confiance, comme nous le rappelle l’exhortation au paragraphe 79. Mais cet impératif s’adresse surtout aux petits, aux fragiles, non aux puissants aveuglés par leur propre orgueil quand ils agissent mal et à qui jamais nous ne devons donner bonne conscience tant leur pouvoir de nuire est vaste, tandis qu’ils doivent donner l’exemple aux autres. Même aux petits, aux fragiles psychologiquement, nous devons annoncer l’Evangile, quand bien même ce serait avec la plus grande des pédagogies. Nous devons nous aimer/contrôler les uns les autres, sous le regard de la miséricorde, mais nous contrôler tout de même et nous encourager dans le bien, en envisageant notre médiocrité personnelle avec humilité. Jésus parle des pharisiens devant les pharisiens. Il chasse les vendeurs du temple avec autre chose que des mots. Et il va même jusqu’à mourir sur la croix pour avoir déplu. La mort de Jésus n’est pas un suicide, elle est un assassinat. Si nous ne renvoyons pas les gens face à leurs responsabilités, et si donc nous ne nous questionnons pas sur nos responsabilités, nous cherchons le suicide, tout simplement. Nous validons les crimes commis au nom du relativisme. Ce genre d’idéologie veut la paix, elle n’amène que l’asservissementcomme dans tous ces pays que nous avons cru aider en leur donnant de la nourriture et qui vont beaucoup beaucoup mieux depuis qu’on les laisse vivre et mourir.

Aimer c’est tout autant prendre en charge la souffrance de l’autre, que de le responsabiliser, sinon à confondre amour et asservissement. Quand on ne voit qu’à travers la souffrance de son prochain, comme au paragraphe 137, on lui enlève une part d’humanité. On s’en sert plutôt qu’on ne le sert. Certes, « Au lieu de commencer à donner des avis ou des conseils, il faut s’assurer d’avoir écouté tout ce que l’autre avait besoin d’extérioriser » mais il arrive aussi qu’une logorrhée s’entretienne d’elle-même, que la plainte soit le problème, voire la maladie, et qu’il soit bon de lui donner des limites. Cela demande de la douceur, mais l’autre doit aussi prendre en compte que le monde extérieur n’est pas entièrement à son service, qu’il doit entrer dans l’échange, ce qui nous fait sortir d’une définition de la charité qui ne serait que femme.

J’accepte donc bien que notre Pape veuille nous responsabiliser en tant que père comme au paragraphe 176 : « Les pères sont parfois si concentrés sur eux-mêmes et sur leur propre travail et parfois sur leur propre réalisation individuelle qu’ils en oublient même la famille. Et ils laissent les enfants et les jeunes seuls. » (Osservatore romano Catéchèse de 2015) Par contre, j’aurais bien aimé qu’il y ait une ébauche de correction fraternelle pour les mères au lieu d’une glorification sans tache, car les erreurs des uns ne se comprennent pas sans celle des autres. Or dans cette exhortation, la critique n’est jamais équivoque pour les femmes, toujours victimes d’obligations diverses et variées. Pour les hommes, par contre, il est fait appel à notre sens des responsabilités. Mais qui sont ces pères qui ne s’occupent que de leur travail ? Comment en sommes-nous arrivés là ?

Dans la réalité, les hommes ont autant fui leur famille qu’ils en ont été chassés pour ramener de l’argent à leur femme et à la société. Par exemple, l’insertion professionnelle des femmes a contribué à augmenter la concurrence sur le marché du travail et à faire perdre du temps à tous. Face à ce mouvement collectif, que peut un homme isolé sur un marché de l’emploi où il est mis en concurrence avec toujours plus de femmes actives, toujours plus d’immigrés ? Pour s’insérer, il doit en démontrer toujours plus et être toujours moins présent auprès des siens, payant notamment les postes de fonctionnaire de femmes. Il est vrai que cet homme se désintéresse de l’essentiel, mais il n’a pas toujours le choix au milieu d’un monde féminisé qui ne cultive que l’avidité. En effet, élevé par des femmes, uniquement par des femmes, cet homme ne peut comprendre le monde que comme tel car il va se retrouver face à des femmes dont la survie dépend de cette avidité.

Dans l’intimité, il n’est pas toujours aisé pour un homme de se retirer du marché de l’emploi, non seulement parce que sa femme ne l’acceptera peut-être pas, mais aussi parce que la société aura besoin de rétribuer toujours plus des emplois de fonctionnaires dont un grand nombre de femmes dépendent. Et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres. Car il s’agit là d’un mouvement collectif cupide, sur lequel les hommes n’ont que peu de prise. Si notre Pape veut régler les problèmes de présence masculine auprès des enfants, qu’il en parle à ses paroissiennes parce que ce sont elles qui détiennent les rênes du pouvoir dans la famille, et ne veulent rien lâcher dans la société en se payant d’indépendance sur le dos d’une minorité d’hommes toujours plus exploitée. Notre monde souffre d’une avidité des mères et des garçons qui vivent en symbiose et qui explique ce retrait des pères. Ce choix là du désintéressement n’appartient pas aux hommes, surtout dans un monde qui assimile leur pouvoir à de « la domination patriarcale ».

Or quand notre Pape parle de ces femmes qui ont choisi de supprimer toute référence paternelle auprès de leurs enfants, il nous demande de les intégrer sans condition : « Cette grande famille devrait inclure avec beaucoup d’amour les mères adolescentes, les enfants sans père (ndt : ça existe?), les femmes seules qui doivent assurer l’éducation de leurs enfants… Cette famille élargie peut… dénoncer et détecter à temps les situations possibles de violence ou même d’abus subis par les enfants… » (paragraphe 197). Le « Tu quitteras ton père et ta mère pour t’attacher à ton conjoint », est loin, même s’il est repris plus loin dans le discours. Comme si nombre de situations de monoéducation n’étaient pas choisies et ne devaient pas être combattues fermement.

Car l’envers de ce soutien inconditionnel, c’est la promotion de familles propices à l’abus, et en premier lieu celui de l’inceste maternel. Cette situation est désormais bien connue des scientifiques. Elle est largement alimentée par des études sur le sujet. Elle est la première cause de souffrance familiale. Or quand il s’agit de femmes, au lieu de dénoncer la perversion, l’Église l’ignore. Qu’est-ce à dire si ce n’est qu’en agissant ainsi notre Eglise participe à un mouvement plus large de déstructuration de la société occidentale ? Pourtant notre Pape le reconnaît plus loin au paragraphe 203 quand il souligne que l’accompagnement des séminaristes issus de familles sans père doit favoriser l’émergence d’une stabilité psychique qui manque de nos jours. Il le constate pratiquement, et veut réparer ce qui a été cassé. Noble intention. Jésus peut guérir de tout, mais pas n’importe comment. Souvent il vaut mieux intervenir au début d’une éducation pour rectifier le tir. Plus tard, cela se révèle beaucoup plus difficile jusqu’à ce que seul un miracle ne soit possible. Si comme nous le dit le Pape, au paragraphe 49, il ne faut pas « jeter des pierres mortes contre ces femmes », je ne comprends donc pas pourquoi il n’a pas insisté dans son texte sur la réhabilitation du père naturel de l’enfant auprès de ce genre de femmes et surtout de leur famille, ne serait-ce que symboliquement. Le « Tu honoreras ton père et ta mère », est un commandement central base de toutes les civilisations. En l’oubliant, nous semons les séparations et l’abus.

Aujourd’hui en Occident, 80 % des séparations sont initiées par les femmes, et donc des divorces, ruptures d’engagement et autres. Pour le Pape, « La maturation de l’amour implique aussi d’apprendre à négocier » (paragraphe 220). Dans ce cadre, il serait facile qu’hommes et femmes se rejettent la responsabilité de la rupture par absence de négociation. Quant à moi, je me rappellerai toujours de cette juge qui avec le plus grand mépris trouvait la plupart des hommes puériles parce qu’ils avaient le réflexe de négocier au moment même où ils se retrouvaient dans son cabinet. Elle attribuait ce comportement aux hommes et non aux femmes, tout en le dévalorisant. En outre, je ne crois pas que les millions de femmes occidentales qui décident de divorcer chaque année vivent toutes des situations inacceptables. Il faudra reconnaître qu’une large proportion d’entre elles ne veulent rien négocier avec leur partenaire car elles sont recluses dans la toute-puissance. Elles jouent sur le laxisme de notre société pour se laisser aller. En ignorant cette situation objective, je crois que notre Eglise participe là encore à ce mouvement naïf fait de séparations pour des motifs puériles plutôt qu’elle ne le contient.

Concernant ces séparations, notre Pape supplie les parents de faire preuve de charité envers les enfants en reprenant les paroles de la Catéchèse 2015 : « Il ne faut jamais, jamais, jamais prendre un enfant comme otage ». Cependant il oublie de préciser qu’un seul membre du couple est en position de force pour agir de la sorte : la mère. Tout d’abord parce qu’elle a un lien privilégié avec lui bien avant sa naissance. Ensuite parce que la société lui reconnaît ce rôle. L’admonestation lancée au hasard se fait au mépris d’une réalité sociale qui ne veut pas être reconnue : le pouvoir des mères utilisé à mauvais escient. Peut-être cela ne sert-il à rien de faire ce genre de reproche à un sexe, mais peut-être aussi que cela permettrait à tout à chacun, et en particulier aux enfants de parents divorcés de mieux comprendre le monde et de mieux s’en sortir.

Voilà à part les passages cités, tout me plaît dans ce texte d’une grande profondeur de coeur. Seules ses influences féministes me déplaisent, car je les trouve simplificatrices. Elles créent un décalage entre la réalité vécue par les hommes et le discours. Quand par exemple, notre Pape nous invite à grandir en responsabilité à travers le mariage et les enfants, beaucoup d’hommes en sont à se poser la question s’ils ont une seule raison objective de le faire. Et je ne crois pas qu’en ignorant leurs conditions objectives de misère, cette parole puisse arriver jusqu’à eux, ni que les femmes en bénéficient bien longtemps.

En priant pour avoir servi l’Église, que ce texte soit ignoré dans ce qu’il a de mauvais.

Léonidas Durandal

Antiféministe français, j'étudie les rapports hommes femmes à travers l'actualité et l'histoire de notre civilisation.

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